C'est un monument de la musique kabyle. Un agitateur de talents. Il est le père spirituel d'Aït Menguellet, Idir ou encore Ferhat Mehenni Imazighen Imoula. On l'appelle «Da Cherif». Cherif Kheddam ! L'auteur mythique de Ayellis Termurthiw (La fille de mon pays). Un hommage émouvant et appuyé a été rendu à titre posthume à un géant de la musique d'expression kabyle, Cherif Kheddam, décédé le 23 janvier 2012 à Paris (France). C'était une gloire nationale aux multiples casquettes, compositeur, poète, interprète, instrumentiste et chef d'orchestre, auteur de Lemeri, Bgayeth Telha, Sliy I Yemma, Tekksed Awal Seg Mi, Tilawin ou encore Tirga Ufennan, et ce, dimanche soir, à la salle Ibn Zeydoun, à Alger, sous les auspices du ministère de la Culture et l'Office national des droits d'auteur (ONDA), dans une salle bondée de monde. Grands et petits, les admirateurs de la première heure et ceux de la nouvelle génération se sont déplacés massivement en famille pour assister à cette halte historique, musicalement parlant. Des invités de marque, comme la famille de Cherif Kheddam, notamment le cousin Belkacem Kheddam, Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, Samy Bencheikh, directeur de l'ONDA, Kamel Hamadi, un autre grand nom de la musique kabyle et aussi ami de Cherif Kheddam, ou encore Tahar Boudjlida étaient également présents. Dans une ambiance très festive et familiale, une pléiade de chanteurs se sont succédé sur scène pour revisiter le répertoire de Cherif Kheddam, au grand bonheur d'un public ayant pris fait et «âme» avec celui qui révolutionna la musique kabyle avec une approche orchestrale, symphonique, harmonique, mélodique, orientalisante, solfiée et d'une bonne intelligence. Une tolérance d'une grande mélomanie universelle. Et celui qui évoquait et convoquait l'identité amazighe, l'exil, la femme, sa muse et musique musicale, la beauté, sa patrie… Une grande fierté ! Aussi, Akli Yahiaten, une autre icône, Djidji, Malika Domrane, Farid Ferragui, Medjahed Hamid Tayeb Brahim ou encore Abbas Amghar ont célébré le maître Cherif Kheddam à travers des reprises personnalisées. Sous la direction de Ahcène Aït Zaïm et accompagnés d'un big band constitué de 18 musiciens où les archets le disputent aux percussions, où les voix des choristes donnaient la réplique au oûd (luth). Le sémillant, bon pied bon œil, Akli Yahiaten, jurant avec la gérontologie, fera une version magistrale de Bgayet Telha (Béjaïa, la belle), une ode, une aubade pour la ville insulaire, au port altier et généreusement séculaire : «Bougie, comme tu es belle et fière/ toi, l'âme des Berbères». D'une grande humilité, Akli Yahiaten, à la fin de ce titre immortalisé par Da Chérif, s'adressera au public : «Je m'excuse si je n'ai pas bien interprété cette chanson de Cherif Kheddam.» Brahim Tayeb reprendra Tilawin, un hymne à l'amour. Une déclaration et une déclamation à l'endroit des femmes. En guise de bouquet final, tous les chanteurs et même Mme Khalida Toumi les rejoindront pour chanter tous en chœur et «cœur» D'zaïr Inch'allah Ats'Hlodh (Algérie, inch'allah, tu guériras). Tanemirth (merci) pour la musique !