Vendredi 9 juin, port de Marseille. Sur le quai réservé à la CNAN, des manutentionnaires de la SOCOMA chargent diverses marchandises sur le Tablat et le Tlemcen, deux navires de la compagnie nationale, pour être transportées à bon port, c'est-à-dire vers l'Algérie. La CNAN loue depuis plusieurs décennies un espace au Port autonome de Marseille. Deux cents véhicules de marque Peugeot attendent également d'être acheminés vers l'Algérie. Les services du port de Marseille sont aux petits soins avec cette entreprise algérienne. Il en est de même pour les deux autres compagnies qui ont des lignes régulières vers l'Algérie à savoir la Société nationale corse Méditerranée (SNCM), l'Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV). On remarque d'ailleurs la présence du car-ferry emblématique de l'ENTMV, le Tarik Ibn Zyad qui devait larguer les amarres le lendemain à destination d'Alger. Un peu plus loin, le Méditerranée, de la SNCM attendait également à quai. Seul le Millénium Express, bateau affrété par la CNAN pour le transport de voyageurs était programmé pour cette journée ensoleillée. Il faut dire que l'Algérie est un important client de cette infrastructure portuaire de la cité phocéenne. Elle est son deuxième client tous trafics confondus après la Russie. Autant dire que du côté du port de Marseille, 1er port français et troisième port pétrolier dans le monde, on suit de très près l'évolution de l'économie algérienne. Certains événements et certaines décisions des autorités algériennes ont souvent un impact sur les trafics entre l'Algérie et le port de Marseille. Il en est ainsi de l'interdiction de l'importation de véhicules de moins de trois ans qui est intervenu l'automne de l'année dernière. Des perturbations ont été enregistrées au moment où les personnes spécialisées dans ce commerce, prises de panique, ont affluées avec leurs véhicules pour les transférer vers l'Algérie avant l'expiration du délai accordé par les autorités pour l'entrée en vigueur de cette interdiction. La grève des travailleurs de la SNCM qui protestait contre la privatisation de leur entreprise est venue corser la situation déjà tendue. Décroissance " Ça a été un véritable cauchemar ", se rappelle M. Jean-Pierre Billat, directeur général adjoint du Port. Comme un malheur ne vient jamais seul, la nouvelle réglementation inhérente à l'activité de l'importation et qui impose aux importateurs d'avoir un capital minimal de 20 millions de dinars est venu elle aussi compromettre des échanges qui n'ont cessé pourtant de progresser ces dernières années. Plusieurs importateurs ne pouvant se conformer à ces dispositions ont mis la clé sous le paillasson. C'est sans doute la raison pour laquelle une baisse de l'ordre de 12,1% a été constatée durant le premier trimestre 2006 sur les marchandises diverses. Une décroissance avait été remarquée l'année dernière notamment pour les conteneurs (-10%). Cet état de fait confirme la surprenante baisse des importations survenue après l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne. Le trafic des hydrocarbures a été affecté (-14%), quant à lui, par l'accident de la raffinerie de Skikda d'où proviennent environ 3 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié pour couvrir une partie des besoins du marché français. Ces nombreux facteurs auxquels s'ajoute la concurrence, entre autres, du port d'Anvers en Belgique ont fait que le port de Marseille est en perte de vitesse avec l'Algérie. Cette dernière importe 22 millions de tonnes toutes marchandises confondues par an. La progression de 6% entre 2004 et 2005 avait fait que 2006 s'annonçait sous de bons auspices. Ainsi, mis à part pour les marchandises diverses qui ont diminué de 6%, tous les autres trafics ont enregistré une évolution positive (34% pour les vracs solides, 8% pour les hydrocarbures liquides et 263% pour les autres vrac liquides). De manière générale, la part du marché du Port de Marseille avec l'Algérie est de 31%. Les Français essayent de redynamiser ce trafic. Coopération Dernièrement une délégation importante a été dépêchée à Alger à l'occasion de la foire internationale d'Alger pour rencontrer les clients algériens. M. Christian Garin, président du conseil d'administration du port autonome de Marseille était du voyage. Il assure que l'intensification de la coopération avec le port d'Alger d'où transitent 60% des exportations et importations de l'Algérie fait partie des priorités du port de Marseille. Ce dernier qui est un établissement public français ne pouvant investir directement dans des infrastructures portuaires étrangères, essaye à travers le domaine de la formation d'entretenir des relations privilégiées avec le port algérois. " Nous souhaitons aller au-delà car nous avons un savoir faire notamment pour la formation. Nous avons déjà un chantier pour la formation dans le domaine de l'informatique ". Les deux parties avaient signé en 2000 une convention de coopération qui n'a jamais été mise en œuvre. Les français souhaitent donc relancer cette convention. " Nous avons décidé d'un commun accord avec les responsables algériens de mettre à jour cette convention et de signer dans les trois mois qui viennent un nouvel accord qui porte globalement sur la coopération entre les deux ports et des échanges de renseignements ". Dans le même sillage, le PAM a apporté une assistance technique au port de Djendjen à Jijel pour l'aménagement d'un terminal approprié pour les exportations de produits agricoles. Cette activité connaît un grand essor et semble vouée à un avenir prometteur. Elle vient en deuxième position après les hydrocarbures. Le montant de ces exportations est estimé à environ 160 millions de dollars suscitant l'intérêt du port de Marseille. D'autant plus que la cité phocéenne est la principale destination des fruits et légumes exportés. Au niveau du Port de Marseille, on en est conscient et c'est pour cette raison que des efforts sont faits pour mieux développer ce créneau. " Depuis quelques semaines, nous avons redémarré une ligne qui mène vers les ports secondaires d'Algérie. Le trafic est peu développé vers ce pays mais nous savons qu'il y a un grand potentiel. Il n'y a qu'un seul départ par semaine pour l'Algérie contre 2 pour la Tunisie et 3 pour le Maroc. Nous nous sommes déplacés à Alger pour une prise de contact et essayer de développer davantage les échanges surtout pour l'exportation des fruits et légumes" souligne Eric Brioist, directeur général de Marseille Manutention qui gère le terminal roulier qui comprend le terminal fruitier. L'activité passagers n'est pas en reste. Il y a une importante communauté algérienne installée à Marseille. L'année dernière, ils étaient plus de 485 000 passagers algériens à avoir transité par le port de Marseille soit 6,7% de plus que l'exercice précédent. Ils constituent 68% des voyageurs sur le trafic international. Une nouvelle gare maritime été inaugurée le 9 juin dernier avec de meilleures conditions d'accueil. Le Port autonome de Marseille a dépensé pas moins de 19 millions d'euros pour sa réalisation. A long terme, le port de Marseille compte se spécialiser davantage dans le gaz. La place de l'Algérie qui est le premier fournisseur de la France sera donc plus importante.