Ali Boumbar est un enfant de la Cnan. Ingénieur de formation, il y était depuis 30 ans (novembre 1976). Directeur général de la Cnan depuis janvier 2005, suite à la condamnation de son prédécesseur, il a été détaché à Anvers où il était administrateur-directeur général de l'International Shipping Agencies N.V (ISA), une société belge à capitaux mixtes, pour assurer l'intérim de la Cnan. Désigné à ce poste pour une durée de trois mois maximum, M. Boumbar a dû continuer à servir au-delà de ce délai en raison du processus de privatisation du groupe entamé depuis. Il nous dresse ainsi l'état des lieux de la Cnan et les perspectives d'avenir. Mission accomplie. Après des années de turbulences, où en est la Cnan aujourd'hui ? Le groupe Cnan a été restructuré en filiales en 2003. Cnan Nord de transport maritime en lignes régulières vers l'Europe du Nord, l'Amérique et la Turquie qui compte quatre navires en propriété, remis à neuf et certifiés. Cnan Med est une filiale transport maritime de marchandises pour la zone Méditerranée, principalement l'Italie, la France et l'Espagne. Elle a deux navires en propriété. Ces deux filiales disposent des meilleurs navires de la flotte de la Cnan. Et nous avons la filiale de transport maritime de passagers Cnan Maghreb Line (CML) qui dessert Marseille, Barcelone. Cette année on va rouvrir la ligne de Tunis. Nous avons l'accord du CPE pour créer une autre nouvelle société de droit algérien à capitaux mixtes entre Cnan Group et un groupe jordano-saoudien Pharaon/CTI spécialisé dans le transport de marchandises en cargaison homogène. La Cnan sera dotée de huit navires. Notre partenaire est un producteur de ciment qui a des marchés mais qui a besoin de navires. Ils vont mettre beaucoup d'investissements pour remettre en état nos vieux navires. Pour Cnan Med, notre partenaire est le groupe italien Dario Perioli. Et il y a la filiale Nashco qui est 100% Cnan Group et qui s'occupe de la consignation des navires, mais dont l'appel d'offres pour sa privatisation sera relancé incessamment, puisque le premier n'a pas de prétendants. Une fois toutes ces filiales privatisées, Cnan Group ne sera plus dans le transport maritime et ne sera plus opératrice et restera un groupe financier qui va gérer ses participations dans ces filiales. Nous sommes en train de négocier actuellement les contrats de cession avec les partenaires au niveau de Gestramar, la société qui gère le portefeuille de la Cnan et les pactes d'actionnaires. Une fois les négociations terminées, il ne restera qu'aller chez le notaire pour ouvrir le capital, les partenaires payeront leurs actions conformément à leurs offres initiales et les nouvelles sociétés verront le jour. Nous sommes passés de 49 navires à 14 aujourd'hui. Nous avons vendu 35 navires. Et c'est avec cette flotte de base que nous comptons rebondir avec l'apport de nos partenaires en management et la modernisation de la flotte. Toutes les filiales perdaient de l'argent. La Cnan a été depuis longtemps dans un déficit chronique. C'était un gouffre financier. Et c'est parce qu'on a filialisé qu'on s'est mis en ordre de marche, qu'on a pu attirer les investisseurs. Ils viennent maintenant que nous avons assaini, puisqu'il y a quatre ans, quand on a lancé le premier appel d'offres pour la privatisation, personne n'est venu. Et la Cnan ne peut plus investir aujourd'hui. Cette année, c'est la première fois que la Cnan fait des bénéfices parce que nous avons vendu des bateaux. Et ce sont des bateaux qui non seulement ne gagnent pas de l'argent mais qui coûtaient beaucoup à la compagnie. Nous avons eu des déficits de 3,5 milliards DA. Quels sont les points importants pour la Cnan dans ces contrats de cession ? Dans ces contrats de cession, nous allons mettre le paquet sur le renouvellement de la flotte. Nous avons obligé nos partenaires à s'engager pour la modernisation de la flotte. Le deuxième point est le maintien de tous les emplois, avec un programme de formation et de perfectionnement du personnel. Et comme nos partenaires sont des sociétés internationales qui travaillent sur le marché international, et vu la concurrence dans le secteur, nos partenaires vont devoir nous apporter une nouvelle réorganisation de ces filiales pour faire face à la concurrence, donc, les investissements, les équipements qu'il faut et le mangement. Vos partenaires ne vont-ils pas exiger à l'avenir plus de participations dans ces filiales ? Ils ne peuvent pas le faire puisque c'est bloqué par le code maritime. Le code maritime algérien qui est une loi fondamentale ne permet pas à un étranger quel qu'il soit de détenir plus de 49% dans une société de transport maritime. Mais il peut détenir 100% dans Nashco. Et qu'en est-il du côté du partenaire social ? Le syndicat a adhéré puisqu'il est conscient que c'est la solution idoine pour sauver l'armement national. Et il faut savoir aussi que, pour ma part, je n'ai signé aucune décision de licenciement depuis ma prise de fonction, alors que nous sommes passés de 48 navires à 14 aujourd'hui. Il y a 1060 personnes qui ont quitté la Cnan dans le cadre du volet social. Elles ont toutes leurs indemnités. Mais toutes sont parties soit en retraite, soit elles ont choisi de manière volontaire de partir moyennant une indemnisation. Aucun départ forcé n'a été enregistré. Nous sommes passés avant la restructuration de 896 sédentaires et 1459 navigants à 446 sédentaires et 809 navigants aujourd'hui. Il faut dire qu'avec l'achat de nouveaux navires, d'autres postes d'emplois seront créés. Quelles sont vos priorités à court terme ? D'abord, il nous faut augmenter nos parts de marché. Nous avons environ 40% dans le trafic conteneurs et 60 à 65% dans le trafic cargaison et marchandises en général. Mais sur Marseille, notre part de marché est inférieure à 20%. L'objectif pour nous, c'est d'abord renforcer notre présence sur les marchés sur lesquels nous sommes. " Relooquer " la flotte. Cnan Nord s'est engagé pour acheter neuf navires sur cinq ans. CML s'est engagée à acheter 3 navires sur la même période. Le partenaire s'est engagé à acheter un car-ferry au bout de la deuxième année. Ce sont bien évidemment des engagements consignés dans les contrats de cession et même dans les résolutions du CPE. Pour CML, nous allons relancer nos activités le 15 juin avec deux navires affrétés. Nous avons prévu sur Marseille 145 rotations, 42 rotations sur Barcelone et 20 rotations pour Tunis. Nous travaillons en complémentarité avec l'ENTMV de façon à augmenter les capacités de transport maritime national des voyageurs et permettre ainsi à nos émigrés de rejoindre leur pays dans de meilleures conditions. Et qu'en est-il de la situation des infrastructures portuaires ? Il est indéniable que la performance des ports entre dans les coûts de revient de la marchandise. Quand un bateau est déchargé en deux jours à Anvers et vient à Alger pour mettre 23 jours et parfois un mois pour être déchargé, automatiquement il va " bouffer " sa marge. Ce qui pousse les armateurs à augmenter leurs prix. D'ailleurs aujourd'hui, le prix de la tonne transportée en Algérie est de 45% plus cher qu'en Tunisie.