En l'absence des plus simples commodités, les habitants de ces taudis souffrent le martyre. Abritant des centaines de familles, le bidonville Chouf lekdad, implanté depuis les années 1990 dans la périphérie nord-ouest de Sétif, crie son désarroi. Collées l'une à côté de l'autre, des centaines de baraques «construites» de planches, de plaques de tôle et divers matériaux de récupération, offrent un paysage de grande désolation. Sous ces toits de fortune, les familles qui s'entassent dans des espaces réduits, vivotent dans des conditions impossibles. «Après un désaccord avec ma belle-famille, je me suis installée ici avec mon mari en 1998. Depuis, nous partageons avec nos deux filles qui sont souvent malades, un insalubre réduit de 5m2. Le maigre salaire de mon époux ne nous permet pas d'acquérir un appartement. Déposée en 2000, notre demande de logement reste sans écho. Les huit commissions d'enquête dont la dernière est passée en 2011, n'ont pas permis à ma petite famille de bénéficier d'un toit décent. Dernièrement nous avons failli mourir, et ce, suite à l'effondrement du plafond de notre taudis. Comme vous le constatez, la vie dans ce bidonville est intenable. Elle ne peut être celle de citoyens dignes de ce nom», dénonce A.B., 42 ans. Pendant que cette dernière nous fait visiter sa baraque, les rats qui ont sans nul doute remarqué notre présence, pointent le plus normalement du monde, le nez. «Dans ce petit espace faisant office de chambre, de cuisine de salle de séjour et autre, nous cohabitons avec les rats, les chats et les insectes qui nous agressent à longueur de journée. Nos ‘colocataires' nous empoisonnent la vie. Pour étayer de tels propos, l'année dernière j'ai été hospitalisée à cause d'une piqûre de scorpion. En hiver comme en été, les moustiques qui élisent domicile dans les poubelles entassées à proximité de notre logis, envahissent notre demeure qui menace ruine. Avec la prolifération des rats et insectes, nos vies sont plus que menacées. Notre précarité qui atteint des pics, n'intéresse apparemment personne», ajoute Mme A.B., qui, à bout, éclate en sanglots. Une seule source d'eau à 30 mn de marche La désolation est le dénominateur commun des occupants de ces lieux oubliés. Dire qu'ils sont situés non loin de l'université Sétif I, du CAC (centre anticancer) et des résidences universitaires. «Je me suis installé ici avec famille en 1991. Le terrorisme nous a contraints à abandonner notre terre à Ferdjioua (Mila). Je ne savais pas que la vie dans un bidonville est une autre forme de terrorisme. L'absence d'eau potable m'a fait perdre un enfant. En allant chercher de l'eau depuis Aïn Zeghawa, mon fils qui avait à peine 14 ans, a été percuté par un camion. A cause de la misère, deux autres garçons sont devenus fous. Mon dernier fils est mort à l'âge de 31ans. Il a laissé derrière lui une veuve et trois enfants qui vivent toujours avec moi dans cette pièce de 10 m2. Invalide après l'effondrement du mur de la baraque, je ne peux travailler, et donc subvenir aux besoins de ma famille. En plus des conditions de vie, notre dénuement transforme notre existence en véritable cauchemar», souligne Omar CH., un septuagénaire, étouffé par l'émotion qui l'empêche de continuer. «En l'absence des plus simples commodités, les gens qui habitent ces taudis souffrent le martyre. Pour l'illustration, la seule source d'eau se trouve à 30 minutes de marche. La nuit, nos demeures son ‘éclairées' par les bougies. Le gaz naturel, on en entend juste parler, tout comme Internet, un luxe dans ce coin qu'on cache. Ce n'est pas tout, l'endroit mis ‘en quarantaine', ne dispose ni de commerces, ni d'écoles, ni de structure de soins. Faute de moyens de transport, les femmes accouchent souvent seules chez elles comme au bon vieux temps. Le manque d'hygiène, le froid et la misère ont causé et causent encore de graves maladies. Les enfants, les femmes et les personnes âgées sont les plus exposés», tonne un autre occupant des lieux, où les enfants scolarisés et les jeunes en quête d'un emploi ou d'un espace de distraction ne sont pas épargnés par un quotidien pénible. «Figurez-vous que pour aller à l'école, nos enfants sont obligés de parcourir près de 2 km à pied. Ils sont en outre lestés de cartables de plusieurs kilos. L'absence de transport scolaire a poussé plusieurs parents à retirer leurs enfants carrément de l'école», déplore H. Mohamed, père de trois enfants. Sans boulot ni autres perspectives, les jeunes qui n'ont rien à faire tombent dans l'oisiveté et les maux sociaux, les stupéfiants en premier lieu. «Comme on n'a rien à faire on passe toute la journée à nous tourner les pouces, avant de rentrer tard la nuit occuper une petite place dans nos gîtes de fortune où notre intimité est violée. Le mot n'est pas fort! Pour oublier une vie de citoyens de seconde zone, de nombreux jeunes se réfugient dans les psychotropes et l'alcool. Les responsables qui ont à plusieurs reprises promis d'éradiquer ce bondiville, -un véritable volcan dormant-, n'ont toujours pas tenu leurs engagements» tempête I.M., un jeune homme qui «scrute l'horizon», à l'instar des autres occupants du site, l'autre face cachée de Sétif.