Nous sommes oubliés, inconsidérés et traités comme des énergumènes. Nous vivons dans des conditions lamentables et souffrons autant en hiver qu'en été. Nous ne demandons pas l'impossible, nous ne réclamons qu'un logement où abriter nos enfants, rien de plus. » Telles sont, ici, les doléances et les vœux d'un vieil habitant de Haouch El Rai, un bidonville qui compte plus de 400 baraques abritant 200 familles environ. Sis à la sortie est de la commune de Khemis El Khechna, son emplacement à la lisière de la route l'a rendu célèbre, non pas par ses habitants mais par son aspect de cache-misère et son décor. Des baraques montées à base de parpaings, de planches et de tôles sur une surface agricole offrent un visage particulièrement sinistre, signe de pauvreté et d'absence de l'Etat. Tout y est : malvie, saleté, absence d'eau potable, égouts, moustiques, misère, constate-t-on sur place. Bref, les mots ne suffisent plus pour qualifier les conditions dans lesquelles (sur)vivent ceux qui y habitent. Contrairement à ce qui s'offre à la vue dans d'autres bidonvilles, aucune parabole n'est visible sur les toits. Serait-ce un signe de misère de plus ou un simple fait de hasard ? Ainsi, si quelques taudis sont raccordés au réseau électrique, le reste vit à la lumière des bougies. « Nous sommes alimentés en électricité par les voisins et nous payons 2500 DA par mois », déclare Slimane, un vieux natif de Bouira. Handicapé de son état, celui-ci nous relate les raisons qui l'ont poussé à quitter son village natal : « J'ai fui mon village à la recherche de quiétude. » Selon les habitants, ce bidonville devient infréquentable en hiver, à cause de la boue et des inondations qui envahissent parfois même « les huttes ». « A la moindre averse, notre pièce se transforme en lac et devient inhabitable », lance Djamel un père de trois enfants. Natif de Jijel, Djamel vit dans une pièce très exiguë, exposés lui et ses enfants à toutes sortes de maladies. « L'Etat nous a abandonnés. Nous sommes des intrus sur le plan administratif. Les responsables qui se sont succédé à la tête de cette localité refusent de nous accorder le titre de résidants de cette commune. Nous sommes des clandestins dans notre propre pays », fulmine M'hamed avec désolation. Et d'ajouter : « Qu'ils fassent une enquête pour déterminer ceux qui ont bénéficié de ceux qui ne l'ont pas été. » Pour lui, l'Etat ne vient ici que dans un but électoraliste en faisant des promesses qui ne seront jamais tenues. « La première fois qu'ils sont venus ici, c'était dans le but de nous recenser. Depuis, personne n'a remis les pieds dans ces bidonvilles », rappelle-t-il. Et à son voisin de l'interrompre : « J'invite les responsables à visiter nos maisons juste pour voir dans quelles conditions nous vivons réellement pour qu'ils cessent de faire de nous un sujet politique. » De leur côté, les enfants rencontrés sur place nous diront qu'ils n'arrivent plus à supporter la vie dans ces bidonvilles. « Je ne peux pas poursuivre mes études ici, nous sommes confrontés à autant de difficultés et nous n'avons ni espaces où mettre une table pour étudier ni où nous pouvons nous reposer », regrette Oussama Bakdache, un collégien portant deux bidons d'eau potable. « Ici, rien n'est mis à notre disposition, ni espaces de jeux, ni écoles, ni rien du tout. C'est nous qui nous occupons du problème de l'eau en parcourant des centaines de mètres pour nous en approvisionner, sinon nos familles ne trouvent plus quoi boire le soir », poursuit-il. Sa mère nous exhibe, quant à elle, des demandes de logement et des réponses du wali datant de plus de 12 ans, et se demande à qui va profiter le fameux programme d'un million de logements.