Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a annoncé qu'il effectuera une visite officielle à Alger puis à Rabat les 2 et 3 avril prochain. Sa venue sera l'occasion pour Alger et Washington de traiter de la question du Sahara occidental et de la présidentielle. Lorsque, depuis Adrar, Abdelmalek Sellal avait affirmé «qu'Alger attend la visite d'une personnalité internationale importante dans les prochains jours», peu d'observateurs avaient relevé cette déclaration et surtout, personne ne s'attendait à une visite du chef de la diplomatie américaine, John Kerry. Pourtant, ce dernier sera bien présent à Alger les 2 et 3 avril prochain accompagné d'une importante délégation d'hommes politiques, de responsables militaires et d'acteurs économiques. Reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, la visite de John Kerry sera l'occasion pour Alger et Washington de passer en revue les dossiers diplomatiques actuellement à l'ordre du jour, mais aussi de coprésider avec son homologue algérien le «dialogue stratégique» entre les deux pays. Lancé en 2012 à l'initiative des Américains, celui-ci a pour objectif de renforcer et approfondir la coopération algéro-américaine aux niveaux sécuritaire et économique. En réalité, cette visite avait déjà été prévue par le leader de la diplomatie américaine qui devait se rendre à Alger en décembre 2013. Seulement, les négociations à Genève sur le nucléaire iranien, organisée à la dernière minute, avaient chamboulé l'agenda de John Kerry et il a été contraint d'annuler sa tournée dans le Maghreb. A l'époque, les Etats-Unis voulaient se poser comme médiateur entre Alger et Rabat, dont les relations avaient connu un nouveau froid après que le drapeau algérien a été arraché au consulat de Casablanca. Intangible Malgré plusieurs mois depuis l'événement, les relations entre l'Algérie et le Maroc restent détériorées, et ce, en raison de la question endémique du Sahara occidental occupé par le Maroc, alors qu'Alger soutient ouvertement la branche séparatiste sahraouie. En février dernier, Mbarka Bouaida, ministre marocaine déléguée aux Affaires étrangères, avait affirmé : «Pour le Maroc, l'Algérie reste l'interlocuteur principal sur le Sahara.» Force est de constater que la discussion n'a pour l'instant pas été fructueuse puisque chacun des deux Etats reste intangible quant à ses positions respectives. Cette fois encore, John Kerry ira bien à Rabat après son séjour à Alger, ce qui ne fait aucun doute sur la volonté américaine d'accélérer le processus de paix dans l'ancienne colonie espagnole. Pour Imad Mesdoua, analyste politique : «Kerry va sûrement mettre l'accent sur la question du Sahara occidental, notamment au Maroc.» Le dialogue est au point mort depuis que les autorités marocaines ont décidé de bouder Christopher Ross, l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU, qui n'est plus reçu par le roi Mohammed VI. Le Maroc limite ses échanges avec la Minurso, organe de l'ONU chargé de la question du Sahara occidental depuis que l'Algérie a proposé d'inclure le contrôle du respect des droits de l'homme dans son nouveau mandat, une proposition que rejette fermement le Royaume chérifien. «Etendre les prérogatives de la Minurso aux droits de l'homme est une idée qui séduit les Etats-Unis, mais le Maroc ne veut surtout pas entendre parler de cela et ne manquera pas de le faire savoir à John Kerry lors de sa prochaine visite», explique Imad Mesdoua Réformes La venue de John Kerry en Algérie se fait dans le contexte très particulier de la campagne présidentielle et deux semaines seulement avant que les Algériens ne se présentent aux urnes pour élire le prochain Président. Une occasion pour le chef de la diplomatie américaine de s'assurer du soutien des autorités et de leurs efforts quant à assurer des élections transparentes. Pour Imad Mesdoua : «Les Etats-Unis vont sans aucun doute chercher des garanties de stabilité» de la part du pouvoir algérien. Au début du mois, le département d'Etat américain avait publié son rapport annuel sur l'état des droits de l'homme dans le monde et l'Algérie n'avait pas été épargnée, en particulier au regard de la «situation inquiétante de la liberté d'expression» dans le pays. En outre, le Maroc est également acculé par ce même rapport qui fait état «de graves violations des règles de droit par les forces de sécurité». Dans une telle configuration, Imad Mesdoua affirme : «Dans les deux pays, John Kerry évoquera certainement l'épineuse question des réformes démocratiques et de la conduite d'une transition démocratique.» Dans le cas de l'Algérie, les derniers instants de la campagne semblent propices pour soulever cette question. En revanche, au Maroc, si aucune échéance électorale ne se profile, les tensions sociales sont grandissantes. Mercredi dernier, des heurts entre les forces de l'ordre et des étudiants dans la ville touristique d'Agadir ont fait douze blessés parmi les policiers. Les étudiants marocains demandent des réformes économiques et sociales à leur gouvernement depuis le début de la semaine, et le dialogue que pourrait initier le diplomate américain arriverait à point pour le Royaume chérifien.