Chez Samir Kacimi(1), la lumière dévore l'ombre et éclipse la part la plus secrète de son œuvre. Cependant, notre romancier est de son temps. Il décortique les maux d'une société ignorante, matérialiste. Une société qui tue la conscience, la personne, parce qu'elle a horreur du beau, du bon. Juste dans sa forme, Le Rêveur(2) (cinquième roman de l'auteur), porte encore les marques de sa genèse tourmentée : d'abord roman d'intérieur dans le cadre d'une famille éclatée, puis roman socio-politique à tendance philosophique. D'abord peinture des milieux intellectuels, puis épopée nationale. Le personnage principal du roman est un écrivain (Rédha Khebad) dont les rêves se transforment en véritables cauchemars. Le profond désespoir dans lequel s'enracine le roman n'empêche pas le lecteur de déceler à travers ses 350 pages des pans entiers de la vie algérienne actuelle. Rédha Khebad, ce merveilleux vivant est un tourmenté ; cet exubérant est infiniment secret. Même son médecin (Dr Rezzoug) déclare à la fin (en même temps fin du roman) «ne rien comprendre à sa maladie !» On ne feint pas la joie, mais chez le romancier, Samir Kacimi, elle cohabite avec la douleur et la protège. Son roman, Le Rêveur, est ennobli par un drame qui paraît véridique. On sent que l'auteur a pris à cœur cette œuvre. Il y a versé ses souvenirs d'écrivain : les travaux alimentaires qui tuent l'inspiration (son héros a été licencié de son travail et a vécu quatre ans de disette et de malheurs), les désillusions sur l'édition toujours reportée de son œuvre. Et puis, l'ironie ne manque pas dans Le Rêveur. «Les bons sentiments ne font pas le bonheur», nous dit Samir Kacimi : l'amour n'aboutit que rarement… «Celui (ou celle) qui cache, sous des dehors idéalistes, un égoïsme actif, sera peut-être heureux (ou heureuse)». Ainsi, Djamila Bouras meurt, victime de son dévouement. Elle périt dans un incendie dont les causes et les coupables restent un mystère. Le mal est partout. Mais Samir Kacimi a cherché «l'être idéal». Il l'a cherché dans la vie, dans l'histoire d'un écrivain mystique, un peu philosophe, ou dans ces femmes effacées, bonnes, douces, sacrifiées, mais spirituellement fortes. Le roman de Samir Kacimi croît par poussées et rejets, greffes et reprises, explorations successives et réorientations. Cependant, la croissance de l'œuvre est contrôlée et on y discerne vite une ligne directrice. Un roman à lire. 1) Samir Kacimi a publié 5 romans 2) Le Rêveur (El Halim) – Ed. El Khtilef (2013)