Les cinq candidats à la présidentielle, qui sont sur le terrain, parlent du futur, font des promesses, dressent des constats, critiquent les politiques suivies par le président sortant, s'indignent, regrettent, dénoncent… mais il y a un problème : ils sont coincés entre le passé et le futur. Dans les meetings, forme déjà archaïque de persuasion électorale, Louisa Hanoune, Ali Benflis, Moussa Touati, Ali Fawzi Rebaïne et Abdelaziz Belaïd s'adressent aux Algériens en parlant de leurs programmes, développent leurs visions, mais pas du présent. Pas de ce qui agite la scène nationale et internationale. Les cinq candidats ne réagissent pas à l'actualité, donnent l'impression de n'être pas du tout concernés par ce qui se déroule en Algérie, tournent le dos aux réalités du moment, refusent de s'engager dans des polémiques liées à ce qui se passe aujourd'hui, maintenant. Un blogueur est incarcéré, aucun mot. Un mouvement de grève dans les transports, silence total. Pas un mot ou un demi-mot sur : la désastreuse exploitation future du gaz de schiste en Algérie ; le manque de médicaments dans les hôpitaux ; les quotidiennes coupures d'électricité et d'internet ; le rapport de Human Rights Watch sur l'état des libertés en Algérie ; la colère des familles de disparus ; les appels au secours des chômeurs ; le rôle de l'armée dans la vie politique ; les mouvements de contestation sociale liés au logement et à l'absence de certaines commodités dans les régions… Tout cela n'a pas de place dans les discours des candidats. Des candidats qui ignorent presque totalement l'actualité internationale, le rôle de la diplomatie, la sécurité au Sahel, la stratégie énergétique dans les relations extérieures de l'Algérie, le Maghreb, la Libye, la Syrie, l'Egypte, l'Ukraine... Comment prétendre être un chef d'Etat si l'on n'a pas d'opinion sur ce qui agite l'Algérie de fin mars 2014 ? Sur ce qui se passe dans le monde mouvant du printemps 2014 ? Le sixième candidat, Abdelaziz Bouteflika, absent du débat public, continue d'activer comme chef d'Etat à travers des messages et des lettres. Il ne prend pas la parole en public pour se positionner sur l'actualité du moment en tant que candidat à la magistrature suprême. En son nom, Abdelmalek Sellal mène une campagne à l'ancienne, avec un paquet de promesses... Les candidats à la présidentielle semblent éprouver du mal à sortir d'un discours figé, d'une méthode de communication qui, au lieu de les rapprocher des Algériens, les isole. Aucun d'entre eux n'a engagé un débat en face-à-face, avec questions-réponses, sur l'actualité du moment et sur leur vision du monde, sans protocole ni barrière bureaucratique. Et aucun ne réagit sur Twitter ou ne s'appuie sur la plateforme YouTube quotidiennement ! Facebook n'est utilisé qu'accessoirement, presque à contrecœur. Les candidats ont peut-être oublié qu'on est en 2014 !