Le Sécrétaire d'Etat américain john Kerry visite l'Algérie en pleine campagne pour la présidentielle du 17 avril 2014. John Forbes Kerry, secrétaire d'Etat américain, visite l'Algérie en pleine campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril 2014. Cela ressemble à une maladresse diplomatique ou peut-être même à une erreur tactique d'appréciation. John Kerry, déjà préoccupé par la reprise des négociations de paix entre les Palestiniens et Israël, doit affronter un autre défi en terre algérienne : éviter la récupération politique de sa visite. Il devra déployer beaucoup d'efforts, car il ne pourra pas surmonter «l'usage» électoraliste de sa venue. Abdelaziz Bouteflika est candidat à la présidentielle, mais il est également chef d'Etat. Hors campagne électorale, le tête-à-tête entre le président de la République et le chef de la diplomatie américaine aurait été normal. Mais là, les interprétations seront inévitables de la part de ceux qui sont contre le 4e mandat pour Bouteflika. Ce dernier accordera une audience à John Kerry, qui fera l'objet d'une large couverture par la télévision d'Etat. Cela peut être interprété comme une caution au processus de maintien en cours. Un processus critiqué par une partie de la classe politique, qui appelle à boycotter la consultation du 17 avril pour dénoncer «la mascarade électorale». Que pourra donc dire John Kerry à Alger lors d'une conférence de presse prévue jeudi à Djenane El Mithak à Alger ? Chaque mot, chaque expression, chaque illusion sera pesé et analysé. La consigne donnée au département d'Etat est de ne pas se «mêler» de la politique interne actuelle de l'Algérie, un pays toujours considéré comme solide partenaire de la Russie, proche de l'Iran, de la Syrie et de la Chine. John Kerry risque de décevoir beaucoup de monde à Alger, puisque la position officielle américaine ne changera pas : Washington travaillera avec le président «élu démocratiquement par le peuple algérien». Ce qui intéresse au plus haut point les Etats-Unis actuellement est d'avoir des interlocuteurs visibles à Alger en cas de «crise majeure» et de consolider la relation dans le domaine de la sécurité transfrontalière d'une manière continue. La stabilité de l'Algérie, et du Maghreb par extension, est devenue une priorité pour les Etats-Unis, préoccupés par l'insécurité au Sahel, la confusion en Libye et au Soudan, le risque de dérapage en Egypte et l'incertitude au Mali. La région sud-méditerranéenne passe donc par une zone de turbulences qui augmente les facteurs de «risques» pour l'OTAN. L'attaque terroriste de Tiguentourine (en janvier 2013) a amené Washington à revoir certaines visions géostratégiques en matière de coopération militaire sous-régionale. L'armée algérienne, présentée comme la plus puissante de la région nord-africaine, est perçue comme un partenaire important pour les Américains. Sauf que la relation stratégique n'est pas performante, malgré les nombreux échanges opérationnels entre hauts gradés des deux pays. La sécurité énergétique des partenaires européens des Etats-Unis pourrait également être abordée lors de la visite de John Kerry à Alger. L'Algérie est le troisième fournisseur de l'Europe en gaz naturel, après la Russie et la Norvège. Or, Washington souhaite que l'Europe occidentale diversifie ses sources d'approvisionnement en gaz pour «échapper» à la domination russe en raison du conflit né après l'intervention de Moscou en Ukraine. L'Algérie paraît être un partenaire de choix pour renforcer cette demande. Idem pour le Qatar. D'ailleurs, l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, visitera Alger juste après la venue de John Kerry. Le «dossier du gaz» serait débattu, lors de cette visite, comme la possibilité d'une médiation d'Alger entre Doha et Riyad après la crise diplomatique qui «pollue» les relations entre les deux pays du Golfe. Alger développe des relations assez bonnes avec le Qatar et l'Arabie Saoudite. Un haut responsable saoudien devrait visiter l'Algérie dans les prochaines semaines. Ces enjeux géopolitiques mettent la diplomatie algérienne face à une épreuve compliquée en raison des rapports étroits entre Alger et Moscou. Et sur le plan politique, une chance historique aux partisans du président Bouteflika pour plaider «la stabilité» et «la disponibilité» de l'Algérie. Une stabilité qui passe par la reconduction de l'actuel chef de l'Etat pour un ultime mandat de cinq ans. Le projet de «Constitution démocratique révolutionnaire» devrait être présenté à John Kerry à Alger…