John Kerry montre la voie aux émirs du Qatar et de l'Arabie Saoudite Pour de nombreux observateurs, Alger reste le meilleur intermédiaire pour tenter de désamorcer la guerre froide qui oppose Riyadh et Doha. Alors que la visite du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, est officiellement annoncée pour les 2 et 3 avril prochain, on annonce de sources sûres, la visite des émirs du Qatar et de l'Arabie Saoudite à Alger les jours suivants. Alors que l'Algérie est en pleine campagne électorale pour une présidentielle décisive pour le 17 avril 2014, le pays est plus que jamais sollicité pour son expertise politique et diplomatique afin de régler les différends qui minent actuellement la région du Golfe. Selon certaines sources, c'est le nouvel émir qatari, Tamim Al-Thani, qui a «demandé» une visite qui pourrait intervenir juste après celle du secrétaire d'Etat américain, John Kerry. L'émir Al-Thani, qui est arrivé au pouvoir en juin 2013, souhaiterait, selon certaines sources, les conseils du président Bouteflika qui est considéré et reste comme un intermédiaire incontournable dans les conflits dans le Monde arabe. L'ancienne secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, déclarait déjà à son propos, en 2012: «Il faut apprécier l'analyse du président Bouteflika, basée sur sa longue expérience.» L'émir de Qatar sera à Alger pour évoquer avec le président plusieurs dossiers urgents: la Syrie, le gaz, Al Jazeera, mais surtout de servir d'intermédiaire pour le règlement de son conflit survenu au lendemain d'une réunion «houleuse» du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ce jour-là, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient décidé de rappeler leurs ambassadeurs au Qatar, reprochant à Doha ses ingérences dans les affaires de ses voisins. Il a été demandé au Qatar de ne soutenir aucune action de nature à menacer la sécurité et la stabilité des Etats membres, en citant, notamment les campagnes dans les médias, en allusion à Al Jazeera. Cette chaîne qui est utilisée comme un outil de la diplomatie par le Qatar, exaspère par sa liberté de ton les pays de la région et s'emploie à soutenir les islamistes, notamment en Egypte. En dépit de l'engagement de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, lors d'un mini-sommet avec l'émir du Koweït et le roi d'Arabie à Riyadh, en novembre, Doha ne l'a pas fait. La Bourse du Qatar avait subi le contrecoup de cette décision, cloturant sur une baisse de 2%. Même si Doha a immédiatement regretté la décision de ses voisins, affirmant ne pas avoir l'intention de prendre une mesure réciproque. Pour Riyadh, Abou Dhabi et Manama, «il est temps d'exercer des pressions sur le Qatar dans l'espoir que l'isolement de ce pays l'amène à changer sa politique désormais inacceptable aux plans arabe et régional». On reproche également la large coordination que mène le Qatar avec la Turquie aux dépens des autres monarchies du Golfe sur le conflit en Syrie, notamment Ankara étant redouté pour ses ambitions régionales. Devant cette situation, l'émir Tamim Al-Thani qui a adopté un positionnement moins franc-tireur que son père, Hamad et qui a perdu ses principaux alliés dans le Monde arabe, se retourne vers Alger pour chercher des soutiens et surtout des conseils. Même si le Qatar n'a pas de relations médiatiques favorables avec l'Algérie, suite au conflit avec Al Jazeera et BeIN Sport, Doha garde des relations économiques «justes» avec Alger, même si elle concurrence le gaz algérien en Méditerranée. L'émir Tamim compte surtout sur le soutien du président Bouteflika, qui avait d'excellentes relations avec son père Hamed pour servir d'intermédiaire face à l'Arabie Saoudite. Le président Bouteflika de par son expérience et son excellente connaissance des dossiers du Monde arabe joue «le père» réconciliateur entre les vieux frères ennemis. Pour de nombreux observateurs, Alger reste le meilleur intermédiaire pour tenter de désamorcer la guerre froide qui oppose Riyadh et Doha. Juste après la visite de l'émir du Qatar, l'Algérie accueillera aussi l'envoyé spécial du souverain de l'Arabie Saoudite, le roi Abdallah, l'émir Souleiman Bin Abdelaziz. La rencontre demandée également par Riyadh, intervient après la rencontre, le 26 février dernier, entre le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah et l'ambassadeur du Royaume d'Arabie Saoudite à Alger, Mahmoud Ben Hussein Kattane. Ce dernier avait rendu une visite de courtoisie au siège du Conseil pour souligner la nécessité de consolider les relations de coopération bilatérales dans divers domaines. Les deux parties ont salué le niveau des relations politiques entre les deux pays frères, exprimant le souhait que la dynamique de la coopération économique et commerciale puisse traduire le niveau de leurs relations politiques. Là encore, le choix sur l'Algérie n'est pas fortuit. L'Algérie, en raison du fait que ce pays entretient de bonnes relations avec l'ensemble du Conseil de coopération du Golfe. Ce choix de l'Algérie pour le Qatar et l'Arabie Saoudite qui intervient aussi dans un contexte géopolitique très compliqué dans le Monde arabe. L'Algérie qui possède également de bonnes relations avec l'Iran et le régime de Damas pourrait également jouer un rôle important dans le règlement de la crise qui mine actuellement la région du Monde arabe. Après les révolutions et leurs conséquences désastreuses pour certains pays comme la Tunisie, l'Egypte, la Libye ou encore la Syrie, l'Algérie demeure le seul pays qui n'a pas été touché par la révolution et qui bénéficie d'une stabilité politique et surtout économique importante. Surtout que le temps a donné raison aux diplomates algériens concernant les révolutions arabes. Toutes les alertes que l'Algérie avaient lancées lors des différents sommets arabes et internationaux suite à la montée des islamistes en Tunisie et en Egypte, le danger de la guerre civile en Syrie et en Libye lui ont donné raison sur son expertise. Aujourd'hui, plus que jamais, l'Algérie est écoutée et demeure la grande soeur que certaines capitales arabes ont sollicité pour régler leurs différends internes ou externes comme ce fut le cas pour la Tunisie, quand le président Bouteflika avait reçu les deux courants opposés à Alger. Désormais, Alger est devenue plus que jamais une référence en matière de diplomatie dans le Monde arabe.