Ce patrimoine national qui abrite le musée des Arts populaires risque l'effondrement. Il tient sur des béquilles. Pas d'émotion, pas de réaction. Tout juste un lourd silence, de la tristesse et de l'indignationqui couvrent les soupirs mortuaires de Dar Khadoudj el Amia, patrimoine emblématique de cette chère Casbah qui n'en finit pas de mourir dans l'indifférence. «Nous attendons la phase finale», nous dit, d'un air faussement indifférent, un vieil homme qui connaît la maison. Depuis 2008, la façade sud du palais s'effondre lentement avec des dommages qui s'aggravent sous l'effet conjugué des intempéries et la misère administrative nationale.Dès l'entrée de la sqifa, le visiteur attentif est frappé par le système de béquillage en madriers annonciateurs de la gravité du pronostic. Dar Khdaoudj, site magique, sans doute une des merveilles architecturales d'Alger, abrite le musée des Arts traditionnels avec un nombre insignifiant de visiteurs. Les guides de La Casbah imputent cette désaffection à la hausse soudaine du tarif d'entrée fixé à 200 DA. Les salles du côté sud sont fermées au public. Les plafonds laissent passer la lumière du jour. Les somptueux décors en stuc sont en ruine. Les travaux de restauration, en attente depuis l'opération de soutènement de 2008, se traduisent par une accélération du processus de destruction sous l'effet des infiltrations qui gonflent les murs en pisé. Les magnifiques revêtements en carreaux de céramique siliceux, importés de Hollande ou de Tunis il y a cinq siècles, tombent de tous côtés. Ce joyau architectural du XVIe siècle fut offert par le Dey à sa fille chérie, Khdaoudj, née aveugle. Elle ne l'habitera jamais, préférant la compagnie de sa sœur Nfissa dont le nom est dédié à une rue de La Casbah. Plus tard, le bâtiment sera donné en location aux frères Bacri, financiers au service du Dey d'Alger avant d'être un centre administratif sous l'occupation. Ce lieu mythique a reçu Napoléon III et sa suite. Nous sommes, peut-être, les derniers Algériens à pouvoir admirer cette maison sacrifiée sur l'autel de l'inacceptable.