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Quel avenir pour Aïcha et Bendou ?
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Publié dans El Watan le 11 - 04 - 2014

Depuis le 23 mars, Amar Ghoul et Amara Benyounès sillonnent l'Algérie et la France, en super VRP de Abdelaziz Bouteflika. Liés le temps d'une campagne, le seront-ils encore après le 17 avril ?
C'en est presque trop. «Mon ami», «mon f rère», «mon compagnon», «mon collègue»,… c'est tout le champ lexical de la complicité qui défile quand ils s'affichent ensemble. Partout où ils passent, la même scène se reproduit. Amar Ghoul et Amara Benyounès forment le tandem le plus atypique de cette présidentielle. L'un et l'autre dirigent des partis récents de la majorité. L'un et l'autre sont de jeunes ministres. Concurrents sur le papier, ils semblent s'être répartis pour cette campagne. Amar Ghoul, le bon, le gentil, le tendre. Amara Benyounès, la brute, le cogneur, le provocateur. Le premier embrasse, étreint, sourit, serre des mains. On l'embrasse, on l'étreint, on lui sourit, on veut le toucher. Ce samedi 5 avril à Lille, la star, c'est Amar Ghoul.
A peine entré dans la salle Alain Colas où se tient le meeting commun avec le n°1 du MPA, Amara Benyounès, voilà qu'un enfant se précipite vers lui sur scène. Le leader du TAJ l'embrasse de bon cœur. L'installe sur ses genoux. Entame la conversation et chuchote on-ne-sait-quoi à son oreille. Pendant ce temps, l'assistance s'impatiente. Le meeting a déjà du retard. Sur l'estrade, le chef du protocole hésite : faut-il intervenir ? Il finit par trancher : la campagne d'abord ! Le voilà qui avance et lui arrache des bras l'enfant, qu'il restitue à ses parents.
L'hymne national retentit dans les haut-parleurs. Quelques minutes plus tard, le représentant de Abdelaziz Bouteflika prend la parole pour défendre le programme de son candidat. A l'étranger, il fait la promesse de billets moins chers pour l'Algérie. Il assure que la communauté expatriée bénéficiera de l'Ansej et de programmes de logements spécifiques. Il garantit que des filiales des banques publiques ouvriront hors du territoire national, pour permettre aux Algériens, où qu'ils soient, de gérer au mieux leur épargne en dinars. C'est encore Amar Ghoul qui vante la garantie obsèques et rapatriement pour ceux qui désirent que l'Algérie soit leur dernière demeure. A Lyon, à Marseille, à Bruxelles, à Lille et à Paris, ses discours font un tabac. Et pour cause, il a le beau rôle : c'est lui, le généreux orateur.
Alliance
A ses côtés, Amara Benyounès enfile le costume du bagarreur. Il distribue les coups. Aux opposants, aux anti-4e mandat, à Barakat. Des coups, il en prend aussi. Pendant la tournée européenne du duo, c'est Amara Benyounès qui est systématiquement pris pour cible. A Lille comme à Paris, la température grimpe quand il s'approche du micro. A chaque fois, c'est là qu'une poignée de manifestants déploient leurs banderoles pour crier des slogans hostiles au régime. «C'est parce que ces gens-là sont du RCD et du MAK», avance l'un de ses proches.
Une demi-vérité. Le 6 avril, ceux qui font irruption dans la salle de l'hôtel Méridien à Paris se réclament du Collectif citoyen pour l'Algérie. Si certains reconnaissent militer au RCD, nombre d'entre eux affirment ignorer que c'était Amara Benyounès qui parlait au moment de leur action. Lui n'en a cure. Il continue de cogner. Il manie autant l'uppercut que le coup de poignard dans le dos. Uppercut quand il lance en meeting, face aux manifestants : «Laissez faire, on est habitués, c'est la minute facebook et Youtube.»
Coup de poignard quand il lâche au détour d'une prestation télévisée que les anti-4e mandat s'invitent aux meetings de Bouteflika, car ils sont incapables de faire le plein par eux-mêmes dans la rue. Amar Ghoul, Amara Benyounès : l'histoire d'un duo qui s'est bien trouvé pendant cette campagne. A chaque étape, le leader du TAJ rend hommage à son «ami» du MPA, et inversement. L'alliance de circonstance survivra-t-elle à la campagne ? Sur le papier, tout laisse à penser que non. Les deux hommes ont sensiblement le même âge. 53 ans pour Ghoul, 56 pour Benyounès. Le premier est un scientifique, spécialiste en génie nucléaire. Le second est un pur économiste. Si les deux hommes affichent une entente à toute épreuve, leurs équipes, elles, peinent parfois à se coordonner. Illustration à Paris, le 6 avril, où les équipes du MPA annoncent l'annulation du meeting du lendemain à Batna. Celles de TAJ soutiennent, quant à elles, que la réunion aura bien lieu.
Rivalités
Cafouillage durant une dizaine de minutes avant que Twitter vienne arbitrer le match : le compte @Bouteflikacom, fil officiel de Abdelaziz Bouteflika, confirme que «pour des raisons purement logistiques, MM. Ghoul et Benyounès ne pourront pas se déplacer à Batna». Entre-temps, la rivalité des entourages a éclaté au grand jour. Une rivalité confirmée en off par un responsable de campagne estampillé FLN : «Chacune des équipes veut prendre le lead sur l'autre.» La rivalité se ressent aussi au niveau des militants. Mardi 1er avril, 8h, au siège de TAJ, à Ben Aknoun (Alger). L'heure du départ approche pour Tizi Ouzou, pour les deux représentants de Abdelaziz Bouteflika et leurs partisans. A l'intérieur de la villa qui jouxte le ministère des Finances, une jeune fille s'impatiente. «Vous attendez les adhérents du MPA pour partir ?», demande-t-on. Eclat de rire dans la grande salle du rez-de-chaussée. «Ah non jamais !, répond la militante du TAJ. On ne les laisse pas entrer ici, ce sont des concurrents.» Drôle de campagne où la main gauche se méfie de la droite. Jusqu'au 17 avril, il faut applaudir de concert. Et après ?
Les chômeurs de Ouargla invectivent Ghoul et Beyounès
Amara Benyounès et Amar Ghoul n'auront pas eu le temps de savourer leur moment de gloire vécu le temps d'un meeting de 30 minutes à l'antique salle Sedrata de Ouargla. Sortis sous les applaudissements d'une assistance complètement acquise et conquise, les deux animateurs de la campagne de Abdelaziz Bouteflika, décorés de deux burnous blancs immaculés n'ont pas fini de monter dans leur véhicule qu'un jeune homme s'agrippe à Amar Ghoul, le dernier à s'engouffrer dans la voiture ministérielle. Le jeune voulait parler au ministre des Transports pour lui demander un travail dans le projet du tramway.
Mais c'était compter sans la rapidité des nombreux bodyguards qui entouraient le cortège et qui se sont jetés sur le jeune. Malgré sa ténacité, ce dernier a été collé au mur d'enceinte du cinéma et enjoint de ne plus approcher des personnalités. Amer, un boulanger-pâtissier au chômage, nous raconte son calvaire quotidien à la recherche d'un boulot. «Je voulais juste que Ghoul m'aide, je sais qu'il est influent, mais est-ce un prophète pour qu'on m'empêche ainsi de l'approcher ? Le prophète Mohamed était modeste et aidait les pauvres, Ghoul serait-il mieux que lui ? Les aventures de Ghoul et Amara à Ouargla ne s'arrêtent pas là car sitôt le cortège ministériel s'engouffre la porte de derrière de la salle qu'un groupe de chômeurs bloque le passage scandant des slogans anti-4e mandat. «Chiyatine, chiyatine vous savez qu'on ne veut plus de vous, okhtouna» ; «Vous ne serez jamais les bienvenus à Ouargla, la couleur des chômeurs vous emportera» ; «Ils s'accrochent comme des vautours au pouvoir, nous sommes la risée du monde entier avec un vieux président handicapé». Les chômeurs visiblement chauffés à blanc et exaspérés que l'accès à la salle leur ait été refusé, criaient à plein poumon leur refus du statu quo imposé. «Nous voulons des gens qui nous parlent et qui règlent nos problèmes», répétaient-ils.
Des jeunes empêchés de marcher à Boumerdès
Des dizaines de jeunes réclamant «le départ du système en place et l'instauration d'un Etat de droit en Algérie » ont été empêchés hier de marcher à Boumerdès. Les manifestants sont, pour la plupart, des étudiants et des chômeurs opposés à un quatrième mandat de Bouteflika. Ils ont tenté d'observer une marche à partir de la faculté des sciences vers le siège de la wilaya et la cour de Boumerdès, mais la procession a été stoppée, vers 10h, non loin de la gare ferroviaire par les policiers mobilisés sur les lieux. «Pour un Etat de droit et de justice», «Pour l'Algérie de la Soummam», «On en a marre de ce système», ont-ils écrit sur certaines banderoles et pancartes pour la circonstance.
Une étudiante qui avait filmé l'action a été interpellée par les services de sécurité. «Ils lui ont confisqué la carte d'étudiante et l'appareil photo puis ils lui ont demandé de partir aux commissariat de la ville», relate un de ses camarades. Les manifestants ont tenté à maintes reprises de rallier le principal boulevard du centre-ville, mais ils en ont été empêchés par les policiers. Peu après, un groupe des partisans du président sortant arrivent sur les lieux et commencent à les provoquer sous l'œil indifférent des policiers. Les organisateurs de ladite action se sont dispersés dans le calme, vers midi, en se dirigeant à la faculté des sciences où ils ont décidé de camper.


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