Un rapport remis au ministère des Ressources en eau par l'Agence de coopération belge dans le cadre de l'élaboration d'un plan de gestion fait état de la pollution et de la surexploitation de la nappe phréatique de la Mitidja. En plus des forts prélèvements par pompage pour l'AEP pour l'irrigation et l'industrie, la nappe fait face à l'intrusion saline et à la pollution. D'après le rapport remis par l'Agence de coopération belge au ministère des Ressources en eau, dont El Watan a pu se procurer une copie, la principale pollution relevée dans la nappe est due aux nitrates. Une étude menée en 1995 a montré que 60% des 175 points échantillonnés présentaient des teneurs supérieures à la limite de 50 mg/l fixée par la réglementation algérienne. «Toutes les études récentes confirment cette pollution de la nappe de la Mitidja par les nitrates. A titre d'illustration, lors de sa campagne de mesure dans la zone du Hamiz, l'ANRH a constaté que plus de 75 des piézomètres contenaient plus de 50mg/l de nitrates (norme légale pour l'eau potable)», relève le rapport portant sur la gestion intégrée des ressources en eau dans le bassin hydrographique côtier algérien (GIRE 2 A). Une partie de la pollution provient de l'agriculture intensive (engrais nitratés) et une autre de l'assainissement autonome. Les rédacteurs qui se sont référés à divers rapports des différentes agences et directions algériennes, tirent la sonnette d'alarme : «Quelle que soit son origine, cette contamination (…) présente des risques pour la santé publique et met l'ADE et Seaal dans l'obligation soit de condamner certains forages, soit de mélanger les eaux avec celles d'autres ressources contenant moins de 50 mg/l de nitrates.» Le rapport affirme que la pollution qui existe depuis plus de 20 ans a beaucoup augmenté durant les 5 dernières années (rapport final datant de 2011, Ndlr). «Sur les champs captants du Hamiz, il y avait encore 41% des forages contenant moins de 50 mg/l de nitrates. Cinq ans plus tard, en 2010, la proportion de forage produisant une eau conforme est tombée à 22%», assure-t-on. Il est à noter que le problème va s'aggraver dans les années à venir, car les sources de pollution nitratée ne tarissent pas et il faudra plusieurs décennies de pratiques agricoles économes en azote avant de pouvoir espérer ramener les teneurs en nitrates à un niveau compatible avec les normes appliquées à l'eau de boisson. Surexploitation et baisse du niveau de la nappe ! Selon le rapport dirigé par l'hydrogéologue Bernard Collignon, le nombre de forages dans la Mitidja s'est accru ces dernières années. Les rédacteurs évoquent la «multiplication des forages d'irrigation non déclarés». «Le nombre des forages s'est accru particulièrement rapidement ces quarante dernières années, passant de moins de 400 à plus de1500 entre 1973 et 2001», peut-on lire dans le rapport final sur l'état des lieux des ressources en eau et leur cadre de gestion. Il est fait état pour l'année 2001 de 4365 puits et forages (377 pour l'irrigation et 588 pour l'AEP et l'AEI). En 2009, le nombre de puits a atteint 2861. Le rapport signale une donnée : ces chiffres sus-cités sont «incomplets». «Sachant qu'il existe de nombreux forages non recensés et que le recensement des puits est très incomplet, on comprend bien que l'exploitation de la nappe par la Mitidja échappe pour l'instant à toute régulation», indique le rapport. Les rédacteurs assurent qu'«il faut garder à l'esprit que les forages privés assurent actuellement l'irrigation de 90% des terres effectivement irriguées dans la Mitidja (…) et qu'ils garantissent 90% de la production dans cette zone d'une importance stratégique pour l'approvisionnement de la capitale en produits maraîchers et fruitiers. Il existe des menaces qui pèsent sur la pérennité des ressources en eau. Il est indiqué que la nappe est fortement surexploitée à un rythme comparable à sa recharge par les précipitations et l'infiltration de l'eau des oueds. Le bilan en eau de l'aquifère est fortement négatif (les sorties dépassant nettement les entrées)». Ce constat est démontré par la baisse du niveau piézométrique depuis 40 ans. Le rapport PAC de mars 2005 mentionne que sur la période de 1971 à 2003, le stock d'eau de la Mitidja diminuait en moyenne annuelle de 109 Mm3/an. Les rédacteurs du rapport assurent que des «mesures de protection doivent être prises rapidement», d'autant plus qu'il existe un cadre réglementaire pour les mettre en œuvre (décret exécutif n°10-73 du 06 février relatif à la protection quantitative des nappes aquifères).