Les Thermes du Paradis est l'histoire de solitudes qui se débattent dans une modernité superficielle. Akli Tadjer se penche sur la dictature du bonheur. Il dépouille l'artifice pour donner corps à l'essentiel. -Votre livre Les Thermes du Paradis est déroutant, comme toujours avec vous. Il se situe un peu entre Six feet under et Desesperate Housewises... Desesperate House, je n'en sais rien, je n'ai jamais vu cette série télé, mais Six feet under, sûrement. Lorsque j'ai commencé à écrire, en situant le cadre de mon roman dans une entreprise de pompes funèbres, on m'a de suite parlé de Six feet under que je n'avais jamais vu. J'ai vu et j'ai adoré. Tous ces gens qui gravitent dans cet univers me fascinent, parce que pour moi il y a quelque chose d'incompréhensible à vivre sa vie avec des morts. Encore moins quand c'est une jeune femme, tout juste trentenaire, qui tient une entreprise de pompes funèbres et qui aime son métier. -A chaque roman, vous changez d'univers. Comment en êtes-vous arrivé aux Thermes du Paradis, ou l'amour chez les croque- morts ? Evidemment, ce n'est pas par hasard. C'est la vie qui me donne des idées. J'ai accompagné une personne qui m'est proche dans une entreprise de pompes funèbres pour le décès d'un parent. L'agent funéraire qui nous avait reçus n'avait rien du cliché qu'on devine, tête d'enterrement, teint de bougie. Elle était belle comme le premier rayon de soleil du printemps. A partir de là, des pensées qui n'avaient rien à voir avec le deuil ont commencé à me perturber... Un émoi phénoménal. Surtout quand elle faisait l'article pour ses cercueils. On aurait dit qu'elle vendait des fusées pour le paradis. Pour peu, j'aurais demandé à faire un stage chez elle. -Votre écriture est cinématographie et vos personnages toujours originaux : Adèle, sorte de Bridget Jones, son amoureux, un jeune Sénégalais aveugle, masseur aux Thermes du Paradis, et Leïla, thanatopractrice de génie. A priori, ils ne sont pas destinés à se croiser et pourtant... Mon écriture est cinématographie, car si je ne visualise pas mes personnages, l'endroit où ils se meuvent, si je ne les entends pas me parler, je ne peux pas écrire.En fait, écrire un roman, c'est être devant sa page blanche et entendre des personnages qui vous racontent leurs histoires et vous demandent d'en faire profiter tout le monde. Avec Adèle, Léo et Leïla, j'ai été gâté. J'ai eu droit à la plus belle des histoires d'amour qu'on ne m'ait jamais confessée. C'était un bonheur d'écrire ce livre par ces temps maussades où même les imbéciles ne sont plus heureux. Je ne suis au final que leur passeur. Un passeur qui écrit aussi pour résister à la vie normale. -Question d'actualité : savez-vous que Abdelaziz Bouteflika va se représenter pour un 4e mandat ? Ce n'est pas une bonne idée pour un livre ? Le monde entier est au courant... Je verrais bien un roman tragi-comique. Ou un roman noir sans humour. Hélas.