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Benflis dénonce la fraude
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Publié dans El Watan le 18 - 04 - 2014

Dans la cour de l'école Mohamed Alik à Hydra, il n'y a que quelques habitants venus voter.
Derrière une porte sur laquelle est accroché un calendrier à l'effigie de Tom et Jerry, des dizaines de journalistes font le pied de grue. Lorsque Ali Benflis entre dans la cour, peu après 11h, la foule se masse autour de lui. Dans le bureau 68, c'est la bousculade. Cris, crépitement des flashs. Le staff est bousculé. Ali Benflis se prête au jeu, sourit, s'enferme quelques minutes dans l'isoloir et ressort, toujours sous les flashs. Sous le préau, l'ex-chef de gouvernement décide de faire une déclaration. Trop de journalistes, on finit par lui apporter une chaise en bois sur laquelle il grimpe et déclare : «Encore une fois, la fraude à laquelle on nous a habitués est là. Partout dans le pays. Attention. L'avenir de l'Algérie n'est envisageable que dans le respect du peuple et de la liberté de son choix. Aujourd'hui, si on donne l'occasion au peuple de s'exprimer librement, l'Algérie sortira de la crise. Sinon, si la fraude persiste, la crise s'aggravera.» Il serre quelques mains et s'en va.
Affluence à Ben Aknoun
A Ben Aknoun, le siège de campagne de Benflis ne désemplit pas, pris d'assaut par les membres du staff de campagne, des sympathisants, des journalistes nationaux et étrangers. Tenant à être les premiers à prendre part aux activités de la direction de campagne, de nombreux sympathisants ont passé la nuit dans leurs véhicules, stationnés aux abords du QG du candidat Benflis, «pour ne rien rater». Des journalistes issus d'organes privés et publics, se sont présentés très tôt au siège pour s'enquérir de l'ambiance qui y régnait et arracher d'éventuelles déclarations que pourraient faire le candidat lui-même ou l'un de ses représentants.
Une grande salle, dotée d'une connexion wifi, leur était réservée pour réaliser leurs interviews et envoyer leurs articles. Des envoyés spéciaux et des correspondants de chaînes de télévision et d'organes de presse étrangers se trouvaient aussi au siège de campagne de Benflis. Les chefs de parti politique soutenant la candidature de Benflis, s'approchaient des journalistes. Outre les halls bondés de monde depuis le matin, l'ensemble des bureaux que compte la villa de trois étages abritant le siège de campagne, étaient occupés par les équipes en charge de la mobilisation, de la communication et de la logistique. «Où sont passées les photos de Si Ali en train de voter ? Nous devons les mettre sur le site (de campagne) et sur nos pages facebook», demande avec beaucoup d'enthousiasme un des responsables de la communication, Abdelkader Sallat, directeur de campagne de Ali Benflis.
Une autre salle est réservée aux responsables chargés du suivi du déroulement du scrutin à travers le pays. Les contacts sont établis en permanence avec les surveillants accrédités par le staff de Benflis. «Nous suivons le déroulement du scrutin depuis l'ouverture des bureaux et des centres vote. Cela nous permet de connaître le taux de participation au fur et à mesure», explique à l'APS Abdelkader Sallat, qui s'apprête à sortir du siège pour se rendre à la villa où réside actuellement le candidat Benflis. «L'activité est appelée à doubler cet après-midi. Plus l'on approche de la fin de la journée, plus la tension monte», selon un membre du staff de campagne du candidat.
Coupures d'électricité
Dans l'après-midi, dans les locaux de la direction de campagne, on parle surtout des nombreux cas de fraude ou de tentative de fraude : bourrage d'urnes ou corruption ont ciblé des observateurs du candidat Ali Benflis. Des cellules de contrôle devaient faire parvenir à la direction de campagne les informations concernant les taux de participation dans un premier temps, puis les observations lors du dépouillement. Les résultats devaient commencer à parvenir dès le début du dépouillement. Mais à partir de 19h, les permanences ont été privées d'internet, a annoncé Lotfi Boumghar. Les services publics de téléphonie ont coupé quelques lignes de la direction de campagne de Bouteflika.
Entre-temps, on annonce Ali Benflis gagnant à l'étranger. Il serait en tête dans la majorité des pays où les Algériens sont établis : Canada, Australie, Qatar, France… «Les lignes téléphoniques ont été coupées au niveau de la direction de campagne, de la direction logistique et des bureaux du candidat», rapporte Lotfi Boumghar, qui n'a pas entendu parler de cas similaires au niveau des régions et estime que l'ex-chef de gouvernement a obtenu une large majorité au sein de la communauté algérienne établie à l'étranger, entre 54 et 70%. «La coupure d'électricité a entraîné un retard dans notre opération de collecte de données. Le premier qui annonce les résultats a l'avantage. Nous sommes passés d'une soirée électorale à une soirée de la révélation. Ce qui se passe est anormal. Cette situation cache une intention de commettre des actions inavouées», lance-t-il.
Refus
A 22h20, dans la salle du sous-sol où des dizaines de journalistes sont réunis, un de ses soutiens intervient. Mustapha Boudina, président du Mouvement des citoyens libres, annonce que le camp du 4e mandat va annoncer la victoire de Bouteflika avec 51% et un taux de participation de 60%. Mais ce document officiel qu'il affirme avoir obtenu serait daté du 18 avril au lieu du 17. «Ceci démontre bien la fraude dans laquelle nous mène à nouveau le royaume d'Algérie. Nous ne sommes plus une république à partir de ce jour», déclare-t-il.
A 22h30, alors que le ministre de l'Intérieur rappelle que la proclamation des résultats définitifs relève de la seule compétence du Conseil constitutionnel, Ali Benflis fait son entrée, accompagné de son staff. Il prend la parole : «Le 17 avril restera dans la mémoire des jeunes comme un autre rendez-vous que l'Algérie a gâché.» Au même moment, des feux d'artifices éclatent au loin. Ali Benflis dénonce un «comportement corrompu, contre le choix du peuple», qui a pour but de «faire peur», évoquant la triche. «La fraude a frappé une nouvelle fois. Je n'accepte en aucune manière ces nouvelles.» Dans la salle, une femme s'exclame : «On n'en peut plus de la dictature !»
Un autre réplique : «La rue nous sauvera.» Mais sur l'estrade, Ali Benflis coupe court aux inquiétudes et refuse d'appeler à manifester. Il affirme qu'il s'opposera à ces résultats pacifiquement. Il appelle à «un dialogue large et ouvert» et à la construction d'un «combat pacifique». L'allocution n'a duré que cinq minutes. La tension, elle, est partie pour durer. Ali Benflis a promis qu'il prendra à nouveau la parole aujourd'hui à 16h.


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