Les 15 employés du groupe français de matériaux de construction Lafarge poursuivent leur grève de la faim. Cette semaine, ils se sont déplacés à Alger devant le siège de la firme. Dans l'espoir de se faire entendre. «Nous sommes venus jusqu'à eux et ils ne nous ont même pas prouvé leur humanisme», s'indigne Abdelaziz, un des travailleurs. Au lieu de camper devant leur lieu de travail à Oggaz (Mascara), les grévistes, qui se sont déplacés le 28 avril, ont décidé de protester devant le siège de Lafarge à Bab Ezzouar, à Alger. Sous l'ombre des arbres, adossés à un tronc ou allongés à même le sol, les grévistes sont à bout de force. «Nous avions installé deux tentes ici pour nous reposer et nous protéger du soleil, mais la police nous a obligés à les retirer. On a passé la nuit ici et toutes celles qui vont suivre jusqu'à obtenir gain de cause», insiste Abdelaziz. Les travailleurs, qui n'ont pas été entendus à Oggaz, espèrent l'être une fois plus près des responsables. Abdelaziz, Soufiane, Abdelkader, Madjoubi, Bilal et les autres ne se nourrissent pas. Ils s'hydratent et entretiennent un semblant de force avec quelques morceaux de sucre. Aucun médecin ne les accompagne sur place et les malaises sont fort nombreux. Abdelkader et Madjoubi étaient lundi à l'hôpital Zmirli. Trois des grévistes ont été évacués mardi et tous ont été conduits à l'hôpital le lendemain après l'intervention des forces de l'ordre. «Chaque jour, il y a des évacuations vers l'hôpital à cause de l'hypoglycémie ou l'hypertension», explique Abdelaziz. Allongé sur un tapis, Abdelkader se relève pour s'expliquer : «Je tenais bon, je n'aurais pas eu ce malaise si la police n'était pas intervenue. Leur comportement agressif m'a contrarié. Ils ont arraché nos tentes.» Mépris Abdelkader est diabétique, pourtant il poursuit le jeûne, déconseillé pour sa santé, pour protester contre son licenciement et celui de ses collègues. «On est bien conscients des conséquences de la grève de la faim sur notre santé», dit-il, résigné. Devant le siège du groupe, la police est intervenue à plusieurs reprises. Tandis que des policiers en civil étaient sur les lieux, des CNS ont empêché les grévistes d'installer des tentes le jour de leur arrivée, lesquels ont été ensuite évacués par la force mercredi en fin de journée. «Les policiers nous ont insultés, mais aussi secoués et poussés», dénoncent les travailleurs. «Ils ne nous ont même pas contactés alors qu'on est à 5 mètres de la direction. Les hauts responsables passent à côté de nous, comme si nous n'existions pas», regrette Abdelaziz, assis sur le bord du trottoir. Comme ses collègues, il porte l'uniforme de l'entreprise, une combinaison orange fluorescente. «Hier, nous avons eu des contacts avec les employés de l'administration. Ils sont désolés pour nous, mais ne peuvent rien faire avec la pression qui existe à l'intérieur du groupe», raconte un gréviste. Le retour vers Mascara le soir du 30 avril à un goût amer. «Nous sommes très déçus de notre Etat et de notre gouvernement qui ne nous ont pas défendus face à notre employeur. Ils ne nous ont pas laissé jouir de nos droits. C'est comme s'ils nous avaient égorgés.» Abdelaziz bute sur les mots. Il a du mal à s'exprimer et s'en excuse. «De toute façon, je ne trouve même plus les mots pour parler. Nous sommes très déçus», ajoute-t-il. Mercredi, en sortant de l'hôpital, les grévistes ont pris la route vers Oggaz pour rejoindre leurs quatre collègues restés dans le campement devant la cimenterie. «Nos collègues restés à Mascara ont été notifiés par un huissier de justice que le tribunal de Mascara donnait raison à Lafarge concernant sa plainte pour “attroupement illégal” et ils doivent décamper.»