Alors que l'Ukraine ne cesse de s'enfoncer dans la violence avec plus de 20 morts dans des affrontements à Marioupol (sud-est), le président russe, Vladimir Poutine, s'est rendu hier à Sébastopol, port d'attache historique de la flotte russe de la mer Noire, pour des célébrations de la victoire de 1945 sur les nazis, fêtée le 9 mai en ex-URSS. Le président russe est arrivé en Crimée l'après-midi après le traditionnel défilé militaire de la place Rouge à Moscou, pour son premier déplacement dans la péninsule du sud de l'Ukraine rattachée en mars à la Russie après l'arrivée au pouvoir de pro-Occidentaux à Kiev. Avant de s'exprimer devant la foule, M. Poutine a procédé à une nouvelle démonstration de force militaire en passant en revue, depuis une vedette, une dizaine de bâtiments de la flotte russe de la mer Noire, dans la rade de Sébastopol. Un défilé aérien a ensuite mobilisé des dizaines d'appareils, dont des bombardiers supersoniques Tupolev TU-22 et des chasseurs Soukhoï Su-27 ou Mig-24 qui ont réalisé des figures au-dessus de la ville. «L'année 2014 va rester dans les annales comme celle qui a vu les peuples qui vivent ici décider avec fermeté d'être avec la Russie, confirmant leur fidélité à la vérité historique», a lancé M. Poutine au cours des célébrations de la victoire de 1945 sur les nazis. Le gouvernement ukrainien a aussitôt dénoncé une «violation flagrante de la souveraineté ukrainienne», qui prouve que «la Russie ne veut pas rechercher d'issue diplomatique». Les Etats-Unis, en première ligne face à la Russie dans cette crise, ont eux aussi dénoncé une visite qui ne fait qu'«exacerber les tensions». «Nous n'acceptons pas l'annexion illégale de la Crimée par la Russie», a souligné Laura Lucas Magnuson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, le cabinet de politique étrangère du président Barack Obama. M. Poutine avait certes adopté, mercredi, un ton plus conciliant que de coutume à l'égard de Kiev. Il avait proposé un scénario de «dialogue» prévoyant l'arrêt de l'opération militaire en cours dans l'Est en échange d'un report du «référendum» sur l'indépendance prévu demain dans l'est de l'Ukraine. Mais les insurgés pro-russes de l'est de l'Ukraine, en rébellion armée contre Kiev, ont toutefois décidé jeudi de maintenir cette consultation. Ceux-ci étaient en effet hier affairés à préparer le «référendum» de demain sur leur indépendance, destiné à officialiser leur séparation avec le reste de l'Ukraine et préparer un éventuel rattachement à la Russie. La consultation doit se dérouler dans les deux régions les plus touchées par l'insurrection, celle de Donetsk et celle voisine de Lougansk, fortes au total de 7,3 millions d'habitants. Le gouvernement ukrainien a de son côté répété jeudi qu'il n'avait nullement l'intention de renoncer à rétablir l'ordre dans l'Est, alors qu'il est engagé depuis le 2 mai dans une opération militaire qui s'est déjà soldée par des dizaines de morts. La tension va certainement demeurer vive en Ukraine à l'approche du scrutin présidentiel anticipé du 25 mai, qui doit permettre l'élection du successeur de Viktor Ianoukovitch. Dans le cas de la crise ukrainienne, les enjeux sont également économiques. La Russie a effectivement annoncé jeudi qu'elle ne livrerait plus son gaz à l'Ukraine que sur prépaiement, en raison d'une dette gazière de 3,5 milliards de dollars dont Kiev conteste le montant. Cette mesure peut menacer les livraisons de gaz à l'Europe, qui importe le quart de son gaz de Russie, dont près de la moitié via l'Ukraine. Il semble que le bras de fer entre les parties impliquées dans ce conflit ne fait que commencer.