Le commissaire à la paix et la sécurité de l'Union africaine, Smaïl Chergu, a estimé que «même avec cette signature, vue la crise actuelle, le rétablissement de la paix au Soudan du Sud ne sera pas facile». C'est peut-être la fin de l'horrible cauchemar de la guerre civile qu'endurent depuis de longs mois des centaines de millions de Soudanais du Sud. Le président sud-soudanais Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, dont les troupes respectives s'affrontent depuis mi-décembre au Soudan du Sud, ont en effet signé vendredi, à Addis-Abeba, un accord de paix. Les négociations entre les deux chefs historiques de l'indépendance du Soudan qui ont débouché sur cet accord se sont déroulées sous la médiation de l'Union africaine (UA) et de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad, organisation sous-régionale est-africaine). C'est cependant sous la pression internationale et dans une ambiance plutôt glaciale que les deux frères ennemis ont fini par parapher le document dans lequel ils s'engagent à mettre fin aux combats dans les 24 heures. Les deux hommes ont effectivement eu du mal à se serrer la main. Mais, mis à part le symbole, Salva Kiir et Riek Machar ont fini par accepter de signer l'accord tant attendu qui stipule également que l'action humanitaire doit être facilitée et soutenue dans toutes les régions du pays. Des corridors humanitaires devront être créés vers les pays voisins. Enfin, la mise en place d'un gouvernement de transition, une information longtemps chuchotée par les deux délégations, est confirmée. Ce dernier devra aboutir à des élections pour lesquelles les deux hommes n'évoquent pas de date. En attendant, Riek Machar s'est félicité de l'accord obtenu au forceps. «Je suis heureux que nous ayons signé cet accord ce soir (vendredi soir, ndlr)», a-t-il déclaré à la presse. M. Machar avait, rappelle-t-on, pris le maquis après avoir été accusé de tentative de coup d'Etat par M. Kiir, lorsque de premiers combats ont éclaté à Juba en juillet 2013 au sein de l'armée sud-soudanaise entre troupes loyales à chacun des deux dirigeants. Et à l'occasion, Reik Machar a tenu à réaffirmer qu'il n'avait jamais commis le coup d'Etat dont il est accusé et qui a déclenché la guerre civile. «L'histoire le dira», a répondu aussitôt M. Kiir visiblement très affaibli. Le chef de l'Etat a rappelé qu'il avait «accepté beaucoup de compromis» pour «faire la paix avec tout le monde » et amener le Soudan du Sud à l'indépendance. Enterrer la hache de guerre Pour autant, malgré les progrès accomplis dans le règlement de la crise, il ne faut pas encore crier définitivement victoire. La mise en œuvre de l'accord demandera énormément de travail et la hache de guerre entre les deux frères ennemis n'est toujours pas enterrée. A ce propos, le commissaire à la paix et la sécurité de l'Union africaine, Smaïl Chergu, a estimé que «même avec cette signature, vue la crise actuelle, le rétablissement de la paix au Soudan du Sud ne sera pas facile». Un cessez-le-feu entre les belligérants, péniblement négocié et signé le 23 janvier dernier dans la capitale éthiopienne sous l'égide de l'Igad, n'avait, rappelle-t-on, jamais été respecté. D'où la prudence affichée par les observateurs. Le conflit au Soudan du Sud, déclenché en 2013 sur fond de rivalité entre MM. Kiir et Machar à la tête du parti au pouvoir qui a divisé l'armée le long de lignes ethniques, a fait des milliers, voire des dizaines de milliers de morts et chassé de chez eux près de deux millions de Sud-Soudanais. A cette rivalité politique se sont greffées de vieilles rancunes entre peuples dinka et nuer, dont les deux chefs sont respectivement issus. Les combats se sont accompagnés de massacres et d'atrocités contre les civils, sur des critères ethniques, imputables aux deux camps. L'ONU et Washington ont récemment mis en garde contre des risques de «génocide» et de «famine» dans le pays, plaçant MM. Kiir et Machar sous intense pression diplomatique. Les Etats-Unis les avaient menacés de sanctions ciblées, faute d'efforts pour mettre fin aux combats et aux exactions et avaient, mardi, imposé de premières sanctions contre deux généraux de l'un et l'autre camps, «responsables d'actes de violences inconcevables contre des civils». La Mission locale des Nations unies (Minuss) avait fait état, jeudi, d'indices sérieux de «crimes contre l'humanité» de la part des deux camps, recensant des atrocités dans lesquelles la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, a vu vendredi de «nombreux signes précurseurs de génocide». «Plus longtemps on laissera les rivalités ethniques se creuser et s'envenimer, plus le Soudan du Sud sera fragmenté, rendant la réconciliation et une paix durable plus difficile à atteindre», avertissait récemment Amnesty International.