« Regardez, il n'y a pas de files sur le trottoir ». La remarque est de François Heude, consul général de France à Alger. Il se tient debout devant l'entrée de la salle d'attente du consulat. Aujourd'hui, il reçoit des journalistes pour visiter les lieux où les demandeurs de visa sont reçus, une mesure prise depuis plusieurs semaines. Les diplomates français en poste à Alger ont pour instruction de supprimer les files d'attente devant le consulat pour l'obtention du visa. Après le passage par le poste de sécurité, on se retrouve dans une grande salle : des bancs, des barres de séparation, des ventilateurs suspendus et des guichets au nombre de dix. Les guichets de droite sont réservés aux « valises ». Il s'agit, selon Mme Guillaud, responsable au service visas, de dossiers transmis par les entreprises ou les organismes publics. Le nombre de dossiers peut atteindre les 80. Sont-ils tous acceptés ? « Non, il y a des rejets. Le taux atteint les 5% », précise François Heude. Les autres guichets sont réservés aux particuliers. Certains, ayant choisi la date et l'heure des rendez-vous, attendent assis sur des bancs. Un jeune homme est tout content d'avoir eu le visa. « Je vais me marier en France et mon épouse est de nationalité française », lance-t-il. Comme les autres candidats au Schengen, il a appelé le Call Center sur le 1573 pour fixer rendez-vous. D'autres ont appelé le 1579 pour demander des renseignements. Depuis l'entrée en vigueur de ce système, début mai 2006, 72 000 appels ont été reçus par le Call Centre dont 30 302 en juin. Le pic saisonnier de demande de visas est atteint entre le 15 mai et 15 septembre, période des grandes vacances. Chaque jour, les services consulaires traitent de 250 à 400 dossiers. Le taux de rejet est de 45%, selon le consul général. La raison ? « Le risque migratoire », indique-t-il. Risque détectable à travers, entre autres, la situation professionnelle du demandeur ou de son âge. François Heude explique qu'il existe plusieurs possibilités de recours en cas de refus. D'abord, écrire au consul général qui peut soit confirmer le refus, soit reconsidérer la décision. Cela s'appelle « un recours gracieux ». Il y a également « le recours hiérarchique » : le demandeur sollicite le ministère des Affaires étrangères français. Cela n'est pas obligatoire puisque le contestataire peut saisir la commission de recours contre les refus de visa directement. le conseil d'état, autorité de recours Le délai de recours est de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet. Cette commission, qui a été créée en 2000, rejette le recours ou recommande l'octroi du visa, sans motiver ses décisions, sauf exception. En cas de confirmation de rejet, le demandeur peut se plaindre auprès du Conseil d'Etat, haute juridiction administrative française, pour « excès de pouvoir ». La procédure de contestation de « l'excès de pouvoir », qui donne autorité d'injonction au juge, permet d'annuler une décision de l'administration. Si le Conseil d'Etat donne raison au plaignant, le consulat accorde automatiquement le visa. La mesure est préférée aux motivations de refus qui peut prendre beaucoup de temps. Le consulat général de France a dénombré une vingtaine cas de recours auprès du Conseil d'Etat en une année. Interrogé sur le non-remboursement des frais des demandes rejetées, François Heude explique qu'il s'agit de frais d'étude du dossier. Sur décision du Conseil de l'Europe, qui date de 2001, les frais administratifs de traitement de la demande de visa ne sont pas remboursés en cas de refus. La décision est appliquée par la France depuis 2003. Les frais de visa sont actuellement de 35 euros pour le court séjour, de 99 euros pour le long séjour et de 50 euros pour le long séjour pour études. les frais de visa en hausse A partir du 1er octobre 2006, ces frais vont presque doubler. A titre d'exemple, il faut débourser 60 euros (presque 6000 DA) pour le visa de circulation. François Heude souhaite qu'à l'avenir, avec l'amélioration des capacités technologiques de l'Algérie, le traitement des dossiers de visa, y compris le payement, se fasse par Internet. Il annonce que le consulat général de France à Oran, qui sera opérationnel l'été 2007, délivrera les visas dès son ouverture. Le consulat de Annaba le fait déjà. A propos de l'affaire de fraude de visas, qui concerne deux employés de l'ambassade de France, le consul général annonce que le procès, qui devait avoir lieu hier, est reporté au 20 septembre 2006 au tribunal de Bir Mourad Raïs. « Nous aurions pu porter l'affaire devant les tribunaux français mais nous avons préféré faire confiance à la justice algérienne », aime à souligner François Heude. Cette affaire a trait au trafic de plus de 180 visas médicaux. « On s'est retrouvé avec un homme qui devait partir en France pour être traité par un gynécologue ! », ironise le consul. Il révèle l'existence de petite fraude imputable à la communauté française en Algérie ou à des binationaux. Il s'agit parfois d'usurpation d'identité. Le consulat de France a, depuis mars 2006, décidé de porter plainte contre tout cas de fraude avérée. Selon Mme Guillaud, le nombre de dossiers falsifiés enregistrés depuis le début 2006 est de 50. Le consul compte sur « la peur du gendarme » pour réduire ce phénomène. A une question relative aux difficultés, rencontrées récemment par des Algériens dans des aéroports en France, le consul précise que les polices de frontière sont en droit de demander des justificatifs de séjour, des réservations d'hôtel ou autres pour les voyageurs porteurs de visa court séjour (30 jours). Ce n'est pas une obligation pour les visas de circulation de plus de 30 jours. François Heude indique qu'il n'existe aucun quota pour les Schengen délivrés en Algérie. « Il en est autrement pour le visa d'immigration. La France, autant que les Etats-Unis ou d'autres pays, peut limiter ce nombre de visas, selon ses besoins », précise-t-il.