Les membres du collectif des concierges d'Alger ne lâchent pas. La revendication de ses derniers, à savoir être régularisés, n'est pas prise en charge à ce jour, au risque de se voir expulsés l'un après l'autre. C'est ce qui est arrivé à Nadia, fille d'une ancienne concierge, habitant chez sa défunte mère avec son mari et ses enfants. Contactée par téléphone, elle nous apprend entre deux sanglots qu'elle «s'est faite jeter dehors en janvier 2007». «Les autorités nous ont donné un délai de deux heures pour quitter les lieux ; notre maison là où je suis née et celle où ma mère a travaillé durant soixante années de sa vie», relate-elle. Emue, elle continue : «C'était en plein hiver et nous n'avions nulle part où aller.» L'ex-habitante du Boulevard Mohamed V, au centre-ville, et membre du collectif des concierges ne comprend toujours pas la décision prise à son encontre. Son numéro nous a été communiqué par Abdelkader Eddalia. La cinquantaine, lui aussi fils d'une ancienne concierge de 93 ans, il est le représentant de plus de 4600 concierges de la capitale. «Nous sommes plus d'un million au niveau national», informe-t-il. «80% de nos membres sont des femmes âgées et souvent sans ressources», ajoute notre interlocuteur. Le collectif avait essayé de se transformer en association à plusieurs reprises, et malgré la conformité du dossier, il a peine à avoir un agrément. Des femmes et des hommes viennent quotidiennement au bureau monté avec les moyens propres du collectif pour rencontrer d'autres personnes qui ont les mêmes soucis. «74 parmi nos concierges sont décédés depuis le début de notre mouvement en 2007. Morts sans qu'ils aient gain de cause», raconte, non sans tristesse, Abdelkader. Nos tentatives d'en savoir davantage auprès du ministère de l'Habitat sont restées vaines. Les services de ce secteur ont adressé par le passé des correspondances au responsable du collectif pour lui faire comprendre, entre autres, que les loges réclamées ne peuvent faire l'objet de cession. Pour Me Amine Sidhoum, l'avocat du collectif, «la régularisation tarde à se concrétiser, et ceci malgré les textes de lois». Selon lui, «il y a réticence de l'Etat quant aux doléances des concierges, dont certains demandent seulement à rester dans les lieux et continuer à exercer le métier de concierge ; pour d'autres, dont certains dossiers sont même appuyés par les pétitions des copropriétaires des immeubles qui approuvent l'initiative. Maintenant, si les autorités ne s'intéressent pas à l'hygiène et à l'amélioration de l'état de nos immeubles, c'est à se demander ce qu'il y a derrière cette affaire des loges», lance Me Sidhoum. Les responsables ont peut-être d'autres projets pour ces loges. Comme c'est le cas d'une loge au boulevard Dr Saâdane, où une famille de sept personnes a été mise dehors par la force au mois de janvier 2011. «Pour mon mari, c'était toute sa réputation et son honneur qui ont été détruits», nous confie, en larmes, Aziza, mère de cinq enfants. Et de poursuivre : «Nous avons vécu dans la rue et partout où on accepté de nous loger pendant 2 ans. ça a commencé par un problème de voisinage et c'est très vite devenu autre chose. C'était une occasion pour nous expulser. Pour pouvoir louer un logement, nous avons dû arrêter le traitement de l'un de nos enfants», dit-elle. Le calvaire de Aziza et Nadia, toutes les deux mères de famille, continue encore. Elles ont frappé à toutes les portes, sans résultat. L'idée de se retrouver SDF du jour au lendemain tourmente l'ensemble du collectif des concierges. «Je veux juste laisser mes enfants sous un toit avant de mourir. C'est tout ce que je demande», conclut Aziza.