L'ex-chef d'état-major de l'armée libyenne, Khalifa Haftar, a entamé hier une opération d'envergure baptisée «La bataille de la dignité de la Libye» contre les milices d'Ançar el charia pour les déloger de Benghazi. Les troupes de Khalifa Haftar se sont attaquées hier au camp 17 Février de Benghazi pour déloger les milices de Ançar el charia. Des affrontements violents ont également opposé les deux groupes autour de sites occupés par les milices islamistes dans la région de Sidi Fradj, dans le sud de la ville. Les milices Ançar el charia sont accusées d'être derrière la série d'attentats contre des éléments de l'armée libyenne. La goutte qui a fait déborder le vase, selon les observateurs, fut l'assassinat du chef des renseignements militaires à l'Est, le colonel Brahim Senoussi, le 8 mai courant. Depuis, les observateurs sur place voyaient venir l'opération de délogement de Ançar el charia du camp 17 Février de Benghazi. Le général Haftar ne fait certes plus partie de l'armée régulière, mais il a réuni un régiment autour de lui et s'est surtout rallié la sympathie des citoyens et surtout de la société civile de l'est de la Libye, lesquels en ont assez des agissements des milices soupçonnées d'être derrière la vague déferlante d'assassinats à Benghazi. «La société civile déplore par ailleurs la léthargie de l'armée officielle contre Ançar el charia», observe la juge Naïma Jibril qui ajoute : «Régulières ou pas, les troupes de Haftar concrétisent les vœux des gens de Benghazi qui veulent se libérer du joug d'Ançar el charia.» Et l'armée officielle ? Face à ces affrontements militaires entre groupes combattants libyens, les premiers de cette envergure en Libye depuis la chute d'El Gueddafi, le chef d'état-major de l'armée libyenne, Abdessalem Jadallah, a démenti toute implication de l'armée régulière dans les affrontements de Benghazi. Jadallah a appelé, dans une déclaration à la télévision nationale, «l'armée et les révolutionnaires à s'opposer à tout groupe armé qui tente de contrôler Benghazi par la force des armes». «Drôle de neutralité face à des soucis de sécurité exprimés depuis des mois par les citoyens des villes de l'Est», constate l'avocate au barreau de Benghazi, Leila Bouguiguis, l'une des premières dames à avoir soutenu la révolution du 17 février 2011. La situation est donc confuse dans la mesure où le groupe de Haftar se fait lui-même appeler «l'Armée nationale» et affirme «conduire une opération de grande envergure pour purger Benghazi des groupes terroristes», si l'on se réfère aux propos de son porte-parole. Les observateurs sur le terrain constatent que nombre de militaires ont rejoint cette force pour «dénoncer les assassinats et les attaques contre l'armée dans l'Est libyen», indiquent-ils. Interrogé sur les conséquences de cette escalade de violence sur l'évolution de la situation sécuritaire en Libye, le doyen de la faculté de droit de Gharyane, Ahmed Drid, pense que «Haftar a réagi parce que les milices d'Ançar el charia ont franchi toutes les lignes rouges. Elles assassinent les militaires. Elles kidnappent les diplomates et exigent la libération de terroristes d'Al Qaîda, comme pour l'ambassadeur jordanien ou les diplomates tunisiens, sans que l'armée officielle ne bouge le petit doigt». Pour le doyen Drid, Haftar a fait «un acte d'anticipation qui a reçu l'aval de puissances étrangères, comme le prouve la cargaison d'armes remises à ces troupes il y a quelques jours». Avec ces affrontements armés, la situation en Libye entre dans une phase plus confuse.