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Luis Martinez : «L'opposition ne fait pas suffisamment peur au pouvoir»
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Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2014

Luis Martinez est chercheur à Sciences-Po Paris, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient. Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI) depuis 2005, il est fin connaisseur de la vie sociopolitique et de l'environnement économique de notre pays. Il a publié plusieurs livres et études sur l'Algérie : Violence de la rente pétrolière (2012), Algérie : les illusions de la richesse pétrolière (2010) et La guerre civile en Algérie (2010). Un mois après la présidentielle du 17 avril, L. Martinez analyse, dans cet entretien, la situation politique de l'Algérie.
-Les médias et beaucoup d'observateurs ont indiqué, plusieurs semaines avant la réélection de Abdelaziz Bouteflika, que le DRS s'était opposé à ce quatrième mandat. Croyez-vous à la lutte supposée de clans au pouvoir ?
Je ne pense pas qu'aborder les problèmes à partir de la lutte des clans soit la meilleure façon pour comprendre l'Algérie. J'estime, comme tant d'autres, qu'il faut partir de la notion de groupes d'intérêt. Ces groupes sont composés de militaires, Services secrets, entreprises, fonctionnaires, syndicalistes et de toute une série d'acteurs. Ils se sont tous retrouvés pour gérer l'Etat algérien. En fonction de leur histoire personnelle ou familiale, ils sont répartis en plusieurs cercles ; premier cercle, deuxième, troisième, etc. Sans aucun doute, ce groupe d'intérêt partage une vision commune de la société algérienne. Ces gens se disent que l'Algérie, sans eux, exploserait, voire serait recolonisée ! Ils croient qu'ils sont supérieurs au peuple algérien. Ils le considèrent immature. Ce groupe est composé de personnes issues de plusieurs horizons : l'armée, le DRS, le FLN, le RND, l'UGTA, le patronat, les médias, l'université, etc. Ils étaient peut-être en rivalité, mais ce ne sont aucunement des ennemis. On a assisté juste à une rivalité sur le leadership. Chacun voulait placer les siens dans la gestion officielle et institutionnelle de l'Etat.
-Mais nous avons assisté surtout à une guerre verbale violente entre les pro-Bouteflika et les pro-Toufik. Comment l'expliquez-vous?
Depuis les années 1990 et le long de toute la décennie noire, le DRS était très fort, avec des contacts partout et de l'argent à sa disposition. A partir de 2009, il y a eu un certain changement du côté de la Présidence et de l'armée. Entre 2009 et 2014, Bouteflika a voulu rééquilibrer le rapport de forces à l'intérieur du régime. Il ne voulait plus d'un DRS qui contrôle tout. Il voulait revenir à une période plus proche des années 1980 où, sur le même niveau décisionnel, on trouvait le DRS, l'armée et le FLN. De temps en temps, il y en avait un qui était un peu plus fort que l'autre, mais globalement, c'était très consensuel. Pour arriver à ses fins, Bouteflika a fait en sorte que l'armée algérienne revienne au cœur du dispositif politique.
Depuis dix ans, on voit bien que cette armée s'est profondément modernisée. Son budget est passé de 2 milliards de dollars à près de 10 milliards par an. Sur les six dernières années, on estime que l'Algérie est le huitième importateur mondial en matière d'armement. L'Algérie est parmi les 20 pays au monde, en proportion de leurs revenus, qui dépensent le plus d'argent pour leur armée. De son côté, depuis trois ans, le DRS n'a pas arrêté d'informer le monde entier sur l'état de corruption de l'Algérie de Bouteflika. Toutes les enquêtes concernant les dossiers de corruption ont été sorties par des officiers judicaires du DRS. D'ailleurs, avec l'hospitalisation du président algérien à Paris en 2013, nous avons eu des informations que plusieurs proches de Bouteflika songeaient sérieusement à fuir le pays afin d'éviter d'éventuels procès en cas où Bouteflika venait à disparaître. A son retour à Alger, on a vite ressenti un certain soulagement chez ces gens et le rééquilibrage du rapport de forces entre la Présidence et le département du renseignement.
-Cela veut-il dire que le DRS et l'armée ont été neutres durant l'élection du 17 avril dernier ?
Je pense que le DRS, dès l'instant où Bouteflika a décidé de se représenter, savait qu'il serait réélu. Les Services algériens se sont contentés d'exprimer leur désaccord avec ce quatrième mandat en expliquant les risques sur la stabilité du pays. On a lu toute une série d'entretiens donnés par des gens, en posture de porte-parole du DRS, où ils étaient explicites. Ils disaient exactement qu'ils étaient contre le 4e mandat, mais sans intervenir pour l'empêcher. Pour l'armée et le DRS, je ne crois même pas qu'il y ait eu lutte ou la moindre compétition à ce niveau-là. Cependant, une petite tension s'est créée entre l'état-major et le département du renseignement. Avec leur rapprochement très fort, la Présidence et le chef d'état-major de l'armée veulent réduire l'importance du DRS dans la vie politique, économique et même militaire du pays.
C'est comme cela qu'on explique, par exemple, pourquoi l'armée française a obtenu l'accord du président Bouteflika et du chef d'état-major de l'armée algérienne pour traverser l'espace aérien de l'Algérie avec les avions de combat qui ont bombardé le Mali, alors que le DRS était formellement contre. L'influence du DRS dans le pouvoir algérien s'est nettement affaiblie depuis le Printemps arabe et la guerre au Mali au profit de l'état-major de l'armée. Le DRS a perdu sa capacité d'agir sur l'extérieur de son territoire, qui lui permettait de protéger celui-ci. D'abord parce que le régime d'El Gueddafi était un grand allié concernant la surveillance des frontières, ensuite avec la guerre au nord du Mali, il était concurrencé par les services secrets français sur le terrain. Comme résultat, le DRS n'a pas été capable d'anticiper, de prévoir et d'empêcher l'attaque de Tiguentourine. Je crois que cela l'a discrédité davantage. Pendant près de deux décennies, le DRS avait gagné la reconnaissance et le respect au niveau international.
Ses agents et responsables ont été invités à Paris, à Washington, à Londres, etc., pour faire l'expertise de la situation au Sahel. Aujourd'hui, le DRS a perdu ce prestige. Les Occidentaux demandent plutôt à l'armée algérienne de venir s'installer au Sahel pour le sécuriser en y déployant des troupes combattantes. Cela renforce Bouteflika dans sa volonté de transférer certaines prérogatives du DRS à l'armée. Par exemple, les combattants capturés par les Français au Mali sont livrés à l'armée algérienne. Ces prisonniers sont tous à Tamanrasset. Les militaires français sont approvisionnés en essence par leurs homologues algériens. Il y a donc cette petite coopération militaire franco-algérienne qui s'est mise en place sans l'accord du DRS.
-Puisque vous évoquez cette affaire, à votre avis, pourquoi le DRS n'a-t-il pas pu empêcher l'attaque de Tiguentourine ?
Ce département a réussi une chose que beaucoup d'observateurs trouvent assez remarquable. Pendant la guerre civile, il a pu, petit à petit, chasser les groupes islamiques armés du nord du pays vers le Sahara, puis du Sahara vers le Sahel, en dehors des frontières algériennes. C'est un succès considérable. On a souvent posé le problème, en tant qu'observateurs, de savoir pourquoi l'Algérie n'attaquait jamais les groupes terroristes installés au Sahel. En fait, on comprend mieux maintenant. Entre le DRS et ces groupes, il y avait un accord tacite qui dit : «Tant que vous n'attaquez pas l'Algérie, nous on ne vous attaque pas… Tant que vous restez en dehors de nos frontières, ce n'est pas notre problème !» Avec les forces françaises au Mali, nous avons eu plusieurs informations dans ce sens. L'analyse des puces téléphoniques, récupérées sur les combattants d'AQMI, du Mujao et d'Ançar Eddine, a prouvé que des coups de fils récurrents se passaient entre ces islamistes et des gens à Tamanrasset.
Donc les Services secrets algériens gardaient un œil vigilant sur ces groupes pour maintenir la paix sans faire la guerre. Ce qui est en soi remarquable. Ces groupes sont devenus, pour l'Algérie, de simples narcotrafiquants et non pas des combattants hostiles. Le problème, avec la chute de l'ancien régime libyen, est que les djihadistes au Mali et au Niger ont récupéré beaucoup d'armes. La France a demandé à l'Algérie d'intervenir militairement, mais le DRS a refusé. Et ça se comprend car on estime que le DRS avait des dizaines de contacts au Sahel et n'avait aucun intérêt à faire la guerre. Sauf qu'à l'intervention de l'armée française, tout le réseau mis en place dans la région par le DRS a été cassé et donc il n'avait plus les moyens de contrôler ce qui se passait….
-Cela explique-t-il, du moins en partie, l'échec d'anticipation ?
Exact. Je pense que c'est l'analyse la plus pertinente. Dès l'instant où l'armée française a attaqué le nord du Mali, les djihadistes voulaient faire payer à l'Algérie le fait d'avoir ouvert son espace aérien aux avions de combat français. L'accord dont nous venons de parler ne marchait plus.
-Un mois après l'élection présidentielle, quels enseignements peut-on tirer de la prestation de celui qui était présenté comme un sérieux challenger du président-candidat ?
Pour moi, Ali Benflis a été celui qui court avec le champion sans avoir la moindre chance de le battre, comme en athlétisme. Néanmoins, il faut dire qu'il a quand même tenu des propos très critiques vis-à-vis de l'évolution de l'Algérie sous Bouteflika. J'ai le sentiment qu'il était lui-même conscient d'être le fils du système et exprimait une volonté de voir ce système, qu'il a servi, devenir plus juste. On a découvert une personnalité très critique vis-à-vis de la situation politique actuelle de l'Algérie. Concernant son absence de la scène publique presque depuis la fermeture des bureaux de vote, il faut dire qu'il a mené une dure campagne électorale et a fait beaucoup de déplacements et de meetings, contrairement à Bouteflika qui n'a pas trop bougé (rire). Il a besoin de repos, comme ça se passe même ici, en France, pour les candidats vaincus. Ils ont besoin de plusieurs semaines de récupération. Après, si dans six mois il n'est pas là, c'est qu'il y a vraiment un problème en matière de sérieux politique. Je ne sais pas ce qu'il compte faire exactement, mais je n'imagine pas qu'il va attendre encore cinq ans pour espérer se représenter. Il est lui-même âgé. On pourrait imaginer qu'il se tient prêt pour de nouvelles élections, à tout moment, si la santé de Bouteflika se dégrade davantage…
-La question est plutôt de savoir quel rôle a joué Benflis dans cette élection fermée. Est-ce que, par exemple, il n'a pas participé à légitimer le scrutin en contrepartie du soutien du régime dans l'après-Bouteflika ?
Je ne crois pas à cette thèse. Elle aurait pu être vraie si on avait accordé à Benflis la possibilité d'aller au deuxième tour. Or, on l'a humilié dès le premier tour. S'il y avait eu un deuxième tour, Benflis aurait gagné la légitimité de remplacer Bouteflika en cas de vacance du poste de Président. Mais ce n'est pas le cas, on a voulu vraiment l'humilier. J'ai eu des échos de ses proches me disant qu'ils avaient espéré négocier avec les proches de Bouteflika pour aller au deuxième tour. Ils lui ont répondu clairement : «C'est hors de question ! Ce sera un seul tour et c'est fini !» Sur le fond, je dois dire que Benflis n'a pas réussi à trop mobiliser autour de lui. Si on met de côté le chiffre officiel du taux de participation, le chiffre officieux indique que le nombre réel total de votants n'a pas dépassé les six millions.
Si le DRS et l'armée ont eu des informations que Benflis avait réussi à mobiliser sept à huit millions de personnes et même si on lui donnait seulement un million de voix officiellement, on l'aurait traité autrement. Je pense vraiment que Benflis n'a pas été soutenu ni par un clan de l'armée ni par le DRS, sinon il y aurait eu au minimum ce deuxième tour. L'Algérie reste assez unie dans son fonctionnement politique. D'autant plus que les groupes d'intérêt, dont nous avons parlé, ont une base sociale importante. En faisant des calculs, on estime que près de quatre millions d'Algériennes et d'Algériens dépendent directement de ces groupes, à la fois dans la Fonction publique, la sécurité, le commerce, l'agriculture et plusieurs secteurs de services. Pendant les élections, ce sont ceux-là qui sont mobilisés.
-Dans le contexte que vous venez de nous présenter, les initiatives de l'opposition pour construire une alternative démocratique se multiplient. Ont-elles une chance d'aboutir ?
L'opposition algérienne pourrait jouer un rôle considérable dans la construction et la transition démocratique. Mais il faut être franc, pour l'instant, on ne voit pas de processus qui mènerait à une transition. L'opposition ne fait pas suffisamment peur au pouvoir. Et donc il ne l'écoute pas, il ne lui prête pas vraiment attention. C'est-à-dire que même si l'opposition en Algérie a un discours de légitimité très fort, le pouvoir considère qu'il peut fonctionner sans elle. Cela vient du fait que l'opposition algérienne est trop morcelée. Si elle se constituait en front uni, elle pourrait gagner le respect et imposer ses choix.
-Au-delà de la division de l'opposition, est-ce que ce n'est pas la corruption qui bloque tout et maintient ce statu quo ?
Oui, c'est vrai. Prenons l'exemple du Maroc : c'est un pays aussi corrompu que l'Algérie, mais, il n'a pas de rente d'hydrocarbures. La monarchie a donc décidé de partager le pouvoir et ses richesses avec l'opposition car le makhzen n'a pas les moyens financiers pour acheter des soutiens et exclure l'opposition. Et cela lui offre une stabilité politique. En revanche, le pouvoir en Algérie n'a pas besoin de l'opposition. Il est très riche et a tout ce qu'il faut comme financements pour acheter et corrompre tout le monde. Tous les partis politiques qui ont rejoint et soutenu le Président savent qu'il y a énormément d'argent en jeu. De ce point de vue, certains hommes politiques occidentaux pourraient voir l'Algérie comme un paradis politique : on dépense l'argent public sans rendre compte à personne et sans aucun contrôle. Honnêtement, moi je pense que le scandale n'est pas cette propriété supposée, à Paris, du responsable du FLN, par exemple.
Si l'on donne les noms de tous ceux qui sont exactement dans la même situation que lui, la liste risque d'être très longue et encore plus longue si l'on y ajoutait ceux qui ont des comptes bancaires non déclarés à l'étranger. Je trouve que le vrai scandale en Algérie, c'est le fait que les Algériens ne savent pas où sont placés les 200 milliards de dollars d'avoirs en réserve. L'opinion algérienne n'a, jusqu'à maintenant, aucune idée de l'endroit où l'on a placé cet argent. Dans quel pays ? Dans quelle banque ? Comment est-il géré ? Combien d'intérêts rapporte-t-il ? Combien de pertes depuis la crise financière ? Rien de tout cela ! A cause de cette corruption, l'image de l'environnement des affaires en Algérie est très mauvaise. Ce n'est pas un pays qui donne envie de venir y investir, à part dans le gaz et le pétrole. Par contre, on vend des marchandises à l'Algérie, on lui vend tout ce qu'on peut !
-Le peuple algérien, bien qu'il soit conscient de cette situation, a prouvé ces dernières années qu'il refusait le choix d'une rupture violente pour changer les choses. Pensez-vous vraiment qu'on puisse espérer que le système songe à se réformer seul de l'intérieur ?
Oui. Il a intérêt, ou alors il sera renversé…
-Dans l'histoire, y a-t-il une situation comparable à la nôtre, où le système s'est auto-réformé ?
Certainement, surtout en Amérique latine. Par exemple, le Brésil a vécu pendant longtemps sous une dictature militaire. La transition a été négociée par l'armée, la classe politique et la société civile. Les militaires acceptent, notamment en ce moment de crises économiques, de négocier la démocratisation ; en contrepartie, ils exigent une amnistie totale et une impunité sur leur passé, qui doit être inscrite presque dans la Constitution ! Cela a été le cas aussi en Indonésie. Ce pays d'Asie a été pendant longtemps une dictature militaire et même très violente ; en 1965, l'armée indonésienne a massacré plus de 500 000 opposants communistes. Malgré cela, le système indonésien de l'époque a fini par accepter la démocratisation, au moment où la production pétrolière s'est effondrée, à partir des années 1970. On a construit un long changement jusqu'à sa complète ouverture, dans les années 1990.
-C'est donc un peu cela, l'esprit des appels adressés à l'armée par Hamrouche et Zeroual…
Effectivement, ils appellent à appliquer la même démarche. Mais pour l'armée algérienne, c'est quand même un pari risqué parce que cela voudrait dire qu'elle doit avoir confiance en la personne qui mènerait cette transition, l'accompagner et s'assurer qu'elle ne se retournera pas contre les militaires. Le pays disposera de la rente pétrolière et gazière pendant encore 10 à 15 ans. Le gaz de schiste, que certains présentent comme une alternative rentière, n'offre pas les mêmes revenus que le gaz naturel et le pétrole ; il peut être une alternative énergétique pour la consommation locale, mais pas pour l'exportation. Le gaz de schiste est disponible en quantités suffisantes dans plusieurs pays et ses prix de vente sont très bas.
L'Algérie aura donc 50 millions d'habitants pile-poil au moment où il n'y aura presque plus de revenus d'hydrocarbures. Cela place l'Algérie, aux yeux des Européens, comme l'Ukraine de la Méditerranée : une vraie bombe à retardement. Le pouvoir algérien a quinze ans devant lui pour se diversifier et se démocratiser dans le calme, sinon la situation sociopolitique sera catastrophique…


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