Suffit-il d'avoir des bandes côtières pour se déclarer ville touristique ? L'accointance simpliste développée dans la wilaya de Skikda comme dans d'autres régions du pays et qui tente de circonscrire l'activité touristique dans des cartes postales esquissant les atouts naturels cache mal l'incapacité d'optimiser ce que la nature a légué. On ne réinvente pas la mer, surtout pas à Skikda. Skikda où le concept du tourisme se limite encore à dresser un long inventaire des richesses naturelles qui existent réellement mais qui ne pèsent pas lourd quand on les confronte aux actions, aux investissements et aux idées projetées par les hommes. On semble se contenter de l'obole maritime, alors que diverses opportunités existent et l'on continue chaque année à présenter les bilans en veillant, à chaque fois, à souligner le nombre de touristes ou d'estivants qui ont choisi les plages locales. Des plages à profusion et sous perfusion A en croire les données fournies, ces plages auraient accueilli l'année dernière plus de neuf millions d'estivants, c'est énorme ! Pris à l'état brut, ce chiffre ferait pâlir le plus huppé des complexes touristiques méditerranéens, mais comme le système de comptage utilisé pour quantifier le nombre d'estivants est trop simpliste pour être fiable, ce taux demeure donc hypothétique. Cette vision assez restreinte du concept touristique n'est pas propre à la seule Skikda, une wilaya qui ne parvenait même pas à gérer ses plages. Forte de 14 communes côtières formant un littoral de plus de 250 km, Skikda dispose de 35 km de plages dont la superficie globale dépasse un million de mètres carré. 35% de ces plages demeurent à ce jour fermés puisque 22 plages sur les 39 que compte la wilaya sont interdites à la baignade et selon des données officielles, le manque d'aménagement constitue la raison essentielle de ce gâchis. A cela s'ajoute la réalité sécuritaire vécue par la région lors de la décennie noire qui a causé une véritable hémorragie en plus des effets de la pollution qui représentent tout de même 20 %, des causes directes. Les sources de nuisances qui étaient les plus répandues sont les rejets de mercure du complexe pétrochimique et les eaux usées qui se déversent dans le littoral de la wilaya, le long duquel on recense 29 points de rejet dont 8 dans la commune de Skikda. Selon une étude récente, la côte locale reçoit plus de 250 000 m3 d'eaux usées. La seule commune de Skikda y déverse 194 000 m3, un volume qui dépasse largement ce que rejettent les wilayas de Annaba, de Tlemcen et de Ghardaïa. Cette réalité place d'ailleurs la wilaya de Skikda en troisième position après Alger et Ouargla. Tourisme, version background A cela s'ajoute le manque d'aménagement dans les plages ouvertes. A titre d'exemple et selon un rapport établi par la direction du tourisme, les plages locales ne disposaient en 2005 que de 41 points d'eau (un point d'eau pour plus de 2500 estivants) et moins de cabines sanitaires (1/ 1500 estivants). Une réalité gênante et qui n'est pas sans répercussions sur la propreté des lieux. Ces données démontrent l'incapacité, souvent compréhensible, des communes à gérer ces espaces, vu les limites financières et matérielles. Ces mêmes communes ne profitent jamais des retombées économiques des saisons estivales pour la simple raison que ces retombées n'ont jamais suscité l'intérêt de quiconque. Le manque d'infrastructures d'accueil et l'absence de toute innovation commerciale susceptible d'attirer les visiteurs de Skikda font que les estivants y viennent en prenant le soin de ramener leurs sandwiches et leur eau. Quant aux infrastructures d'accueil et d'hébergement, la wilaya ne compte que 5 hôtels classés d'une capacité de 582 lits, alors qu'en parallèle, elle dispose de 20 hôtels non classés ou plutôt dortoirs collectifs de plus de 1000 places où cohabitent moustiques, cafards et autres rongeurs. A ce jour, la wilaya n'arrive pas à se défaire de la vision d'un tourisme background qui la caractérise, alors qu'elle offre des potentialités énormes pour des approches plus valorisantes. Le secteur encore vierge est un véritable eldorado où tous les types de tourisme peuvent être développés. Ce qui va changer… Pour cette année, on avance que les préparatifs engagés depuis plusieurs mois déjà devraient, à coup sûr, atténuer ces manques et apporter un plus. Le directeur du tourisme de la wilaya de Skikda mentionnera, à cet effet, que « pour la première fois dans l'histoire de la préparation de la saison estivale, la wilaya a décidé de dégager près de 19 millions de dinars à la suite du travail d'approche engagé par la commission en charge de la saison estivale. A cela s'ajoute l'engagement de l'APC de Skikda d'injecter une somme de 20 millions de dinars pour la réhabilitation de l'ensemble de ses plages. Cet apport financier, en somme assez considérable, permettra de réhabiliter et d'aménager certains espaces ». Selon les explications fournies, un canevas a été élaboré et les aménagements ciblés et achevés. « On effectuera l'implantation de ces équipements une semaine avant l'ouverture officielle de la saison estivale », a-t-il précisé. Ainsi, il a été retenu d'implanter 10 postes de secours, six cabines sanitaires, trois fontaines, l'aménagement de deux nouveaux accès aux plages ainsi que l'alimentation en eau potable et en électricité. Le directeur du tourisme a tenu, par ailleurs, à relever : « Nous nous attendons, par ailleurs, à l'ouverture de la forêt récréative implantée à Fil Fila.Ce sera un havre de villégiature et de promenade. » En outre, une grande partie de la plage de Ben M'hidi relevant de la ville des Platanes et qui s'étend sur plus de 4 km vient d'être scindée en trois plages. Une opération qui permettra, selon les dires du directeur de « mieux cibler les manques et d'assurer une sécurité maximum aux estivants, car la division de cette aire permettra de tripler le nombre de postes de secours et des surveillants de baignade. » Au sujet des concessions, il rapportera que cette année la gestion de ce dossier sera centralisée pour impliquer la sous commission de la wilaya. « Cette option a été retenue pour apporter plus de rigueur et de suivi. A ce jour, nous avons enregistré huit dossiers que la sous commission étudiera dans les prochains jours. » Il fera référence en dernier lieu à un riche programme intersectoriel d'animation et de festivités. C'était, en résumé, les premières approches engagées pour minimiser les manques et redorer le blason des plages locales, mais l'avantage le plus important qui concernera le littoral, du moins celui de la commune de Skikda, reste indéniablement la très attendue mise en service de la première Station de traitement et d'épuration des eaux usées (Step) actuellement en phase d'achèvement. Ce projet constituera un frein définitif à la pollution due aux rejets des eaux usées et permettra à la ville de Skikda de récupérer 9 de ses plages qui s'étalent sur plus de 7 km. On peut imaginer dès à présent les plages de Château-Vert et de l'îlot des chèvres bondées de baigneurs. Ce sera, certainement, le plus grand acquis dans la préservation des richesses naturelles jamais enregistré dans la wilaya de Skikda, en attendant toujours mieux.