Le Conseil des ministres vient de prendre, selon le communiqué en date du 21 mai 2014, la décision d'autoriser l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste. Cette décision se fonde sur les estimations purement théoriques du département américain de l'Energie (DoE), classant l'Algérie au troisième rang mondial après la Chine et l'Argentine pour ses réserves récupérables. Or, l'Algérie ne dispose ni de capacités, ni de compétences, ni de l'expérience technique prouvée du forage horizontal à de grandes profondeurs ainsi que les techniques de fracturation hydraulique, seules techniques fiables maitrisées par les seules grandes compagnies pétrolières. Elle aura donc recours à l'expertise et aux compétences de ces sociétés étrangères ainsi que l'achat ou la location de moyens techniques nécessaires à la fracturation hydraulique. Cette dernière nécessitera d'énormes quantités d'eau, jusqu'à 20 000 m3 par puits que pourvoira une noria de camions-citernes de 1400 tonnes métriques de sable (proppants) et des centaines de produits chimiques hautement toxiques dont la composition est tenue secrète par le/les fournisseurs à proportion de 0,5% du volume d'eau. Le tout injecté à de très fortes pressions par de gros compresseurs dont il faut assurer l'alimentation en carburant, l'entretien et la maintenance. Les conséquences peuvent être catastrophiques pour la nappe albienne et les nappes phréatiques d'où sera puisée l'eau nécessaire à la fracturation hydraulique. Leur contamination peut survenir par le biais d'un confinement défaillant des gaz et des fluides suite à une mauvaise cimentation des puits ou à l'apparition de failles résultat de l'intensification de l'activité sismique due au fracking. L'entreposage, le transport ou les rejets des eaux usées en milieu saharien en dehors de tout contrôle peuvent être une grave source de pollution de l'environnement et un danger certain pour la santé humaine ! Si l'exploitation du gaz de schiste est en passe de faire redémarrer l'économie américaine, c'est en grande partie grâce à l'Etat fédéral qui, via de multiples exonérations fiscales sur les forages, subventionne massivement les opérateurs. Il serait cependant hasardeux de penser que le modèle américain est transposable en Algérie. Aux USA, la plupart des terrains où les gaz de schiste sont en cours de développement appartiennent à des particuliers, qui louent les droits fonciers (mineral rights) à des sociétés pétrolières pour des baux de 3 à 5 ans. Le prix de location de ces terrains peut atteindre 5000 dollars l'acre (0,42 hectare) et pour forer un puits il est nécessaire de disposer d'au moins 80 acres. Pourquoi cet empressement à vouloir faire de l'Algérie un champ d'expérimentation par l'utilisation d'une technologie a haut risque pour une ressource hydrique très faiblement renouvelable, technologie appelée à évoluer et que nous ne maitrisons point et dont le coût serait exorbitant ? Le coût de la fracturation est souvent bien plus important que le coût du forage du puits. Avec le récent remaniement ministériel n'aurait-on pas créé une source de rivalité entre le ministère de l'Energie et le ministère de l'Industrie et des Mines auquel reviendraient l'exploration et l'exploitation des matières solides et le peu d'archives préservées ? Pourquoi cette dispersion des efforts et des moyens alors que le pays dispose d'un programme de développement des énergies renouvelables et de la ressource humaine compétente pour sa réalisation, pour peu qu'elle ne soit pas marginalisée. Ne serait-il pas plus judicieux de renforcer la coordination et la coopération des différentes institutions de l'Etat en concentrant les efforts pour aboutir à une véritable politique d'économie d'énergie et d'efficacité énergétique, à assurer la préservation de la richesse hydrique pour un développement durable en s'attaquant résolument au gaspillage et brider cette consommation effrénée de la ressource énergétique bon marché ?