L'ancien chef de gouvernement (1989 à 1990), Mouloud Hamrouche, se maintient toujours sur orbite dans l'espoir, peut-être, d'être coopté par les décideurs comme successeur à Abdelaziz Bouteflika. «Même à mon âge (71 ans, ndlr), je continue à caresser le rêve d'aboutir à un nouveau consensus qui permettra de libérer l'armée de sa lourde charge jusque-là assumée pour enfin transmettre cette responsabilité d'accompagner le pays vers la modernité à la classe politique civile», a-t-il affirmé lors d'une conférence organisée à Oran. «La société ne peut pas supporter l'effondrement du pays, qui surviendra tôt ou tard, faute d'un nouveau consensus», lance-t-il. M. Hamrouche appelle ainsi toutes les forces politiques à aboutir à un large consensus. «Il n'y a aujourd'hui aucune force politique capable de gérer seule le pays et permettre ainsi à l'armée de rentrer dans les casernes. J'ai déjà dit que l'armée ne doit pas constituer la base sociale du gouvernement. Mais comment cela serait-il possible ? L'armée doit accompagner le processus de transition vers un Etat de droit et moderne», a-t-il expliqué lors d'une conférence sur le thème de «L'émergence d'un Etat moderne», organisée par Le Quotidien d'Oran. Mais comment aboutir à un tel nouveau consensus ? «Je n'ai pas de recette fin prête à l'emploi. Il faut d'abord passer par une première phase qui consiste en la nécessité pour toutes les forces politiques de s'asseoir autour d'une table pour débattre et dégager un nouveau consensus. Il n'y a pas de préalable. Le consensus doit être dégagé par tout le monde, y compris le pouvoir», a dit celui qui fut candidat à la présidentielle de 1999, avant de se retirer avec cinq autres pour dénoncer la fraude. «Je suis personnellement sceptique vis-à-vis de l'idée selon laquelle l'opposition peut créer un rapport de forces capable d'amener le changement», estime-t-il. «L'échec, qui dure depuis plus d'un demi-siècle, a pour origine un système de gouvernance fondé sur l'exclusion, la neutralisation de la société et l'absence d'un contre-pouvoir», poursuit-il. «Conséquence : les citoyens ont perdu confiance vis-à-vis du système politique. On veut forcer la société civile et les syndicats à s'aligner derrière les positions officielles. Le fonctionnement clanique a fait échouer toute velléité de modernisation du pays», ajoute-t-il. Et de livrer sa vision d'un Etat moderne : «C'est un Etat qui ne protège pas seulement les intérêts des castes mais de tous les citoyens, même quand leurs idées sont divergentes. C'est un Etat garant des libertés et de l'égalité devant les droits. Un Etat où les droits des minorités sont garantis, où la justice est indépendante, où il y a une séparation des pouvoirs pour permettre l'alternance par l'émergence des contre-pouvoirs. Tous ces éléments sont des conditions sine qua non de l'instauration d'un Etat moderne et de sa stabilité.» A la question s'il partage l'idée avancée par une partie de l'opposition démocratique liée à la nécessité de confier l'organisation des élections pour une commission indépendante en lieu et place de l'administration, M. Hamrouche a rétorqué qu'«il n'est pas suffisant de se focaliser seulement sur l'organisation technique des élections». «La neutralité des élections ce n'est pas seulement une question de comptage arithmétique des procès-verbaux. Le système électoral actuel est biaisé de fond en comble. Il n'y a pas de compétition électorale. Après le vote, malheur au vaincu. Selon les informations que j'ai en ma possession, personne ne sait véritablement les chiffres réels des élections, toutes les élections passées», explique-t-il. Mouloud Hamrouche prendra-t-il langue avec Ahmed Ouyahia dans le cadre de la révision de la Constitution ? «J'ai reçu une invitation. Les amendements proposés pour la révision du texte constituent un recul par rapport à la Constitution de 1989 qui consacre la séparation des pouvoirs, le contrôle du pouvoir… Deuxième élément : la révision vise à amender une seule disposition. Tout le reste des amendements n'est qu'une manière de faire semblant», répond-il. Durant les débats, le conférencier a été invité à se prononcer sur le feu vert donné par le pouvoir pour l'exploitation du gaz de schiste en Algérie. «Je n'ai pas d'avis sur cette question car je ne maîtrise pas ce sujet. Je peux simplement poser une question politique : l'Algérie a-t-elle besoin aujourd'hui d'argent pour exploiter le gaz de schiste ?» se contente-t-il de répondre. Une réponse pour le moins inattendue. Ses amis le présentent comme étant un homme libéral qui a joué les premiers rôles dans la relative ouverture politique et médiatique du pays quand il était au poste de chef de gouvernement. Ses adversaires lui reprochent par contre le fait qu'il était hostile à l'arrêt du processus électoral lors de la victoire du FIS aux législatives de 1991. Pourquoi ne créez-vous pas un parti pour défendre vos idées et les appliquer une fois élu par les urnes ? M. Hamrouche n'a pas répondu à cette question posée lors du débat. Est-il possible qu'en fin connaisseur du système l'homme ne sache pas pertinemment que le système de cooptation a encore de beaux jours en Algérie ?