Le brainstorming tenu jeudi sous la houlette d'El Hachemi Djiar, nouveau ministre de la Communication, relance de plus belle le débat sur la liberté de la presse et d'expression. Le secteur de la presse a certes enregistré une avancée plus ou moins considérable sur le plan économique. Mais en matière de liberté de « ton » et d'action, il y a plutôt un recul patent par rapport aux années 1990. Les amendements introduits en 2001 sur le code pénal, pénalisant ainsi les délits de presse, ont porté un coup dur au libre exercice de cette noble profession. En vertu de ce texte de loi, vivement critiqué par la corporation journalistique et les ONG internationales de défense de la liberté de la presse et des droits de l'homme, un journaliste peut faire jusqu'à une année de prison pour diffamation. Il suffit qu'une personne concernée par des faits révélés dans un journal dépose plainte, pour que l'auteur de l'article et son directeur soient incriminés. Le plaignant n'a généralement pas toujours besoin de faire valoir des preuves matérielles devant le tribunal pour obtenir gain de cause. Les termes de la diffamation, entourés d'un flou juridique, sont souvent laissés à la libre interprétation de la partie civile. Ainsi, cette facilité déconcertante avec laquelle sont traitées les affaires liées aux délits de presse a fait que, depuis 2004, sept journalistes ont été emprisonnés pour leurs écrits. Une vingtaine d'autres sont actuellement condamnés à la prison ferme en première instance et risquent de se retrouver dans le cachot si le premier jugement vient à être confirmé en deuxième instance. Cela sans compter, bien entendu, les amendes qui leur ont été infligées. Devant cet arsenal juridique, les journalistes tombent dans l'autocensure, ce qui constitue une sérieuse entorse au droit à l'information. Par excès de zèle ou agissant sur ordre, des policiers, faisant fi de la loi, malmènent des journalistes dans des commissariats, les maintiennent, hors délai, en garde à vue en l'absence d'avocats et sans aucun ordre écrit de la justice. A cet abus de pouvoir s'ajoutent les innombrables entraves administratives dressées devant les journalistes. Si la loi fondamentale garantit, sans équivoque, le droit des citoyens à l'information (donc le devoir des médias de les informer), la réalité du terrain est tout autre. Le journaliste, dépourvu d'une carte nationale de presse délivrée et reconnue par l'Etat, peine à accéder aux sources d'information. Les institutions de l'Etat ne communiquent pas, sinon seulement lorsqu'elles le veulent pour parler de ce qu'elles veulent. Cela rend difficile, pour ne pas dire impossible, le travail d'investigation qui constitue le noyau dur de l'exercice journalistique. Face à ces embûches, les journalistes recourent excessivement aux sources anonymes et tombent parfois victimes de la rumeur insistante. Outre ces entraves institutionnelles et juridiques au libre exercice de la profession, il y a le manque de liberté d'initiative au sein des rédactions. Aujourd'hui, la liberté de la presse est sans doute en lambeaux. Il serait donc judicieux de penser à recoller les morceaux.