Conçues et érigées en même temps que la wilaya, les zones industrielles I et II de Batna sont aujourd'hui confrontées au même obstacle que celle-ci, à savoir l'impossible extension hors de leur périmètre dessiné initialement par l'Urbaco (organisme aménageur urbain et gestionnaire de Constantine). C'était en 1972 pour la première et 1976 pour la deuxième, à l'ère où fleurissait l'industrie textile des sociétés nationales. A l'image de l'axe de contournement de la ville, les zones se trouvent, en outre, en proie à une urbanisation galopante qui tend à phagocyter le site depuis la création notamment des grands quartiers de Kechida. Cette réalité est reconnue comme une fatalité par les responsables de la wilaya au même titre que celle de l'impossible extension de la ville. Une réalité qui a poussé à son paroxysme la spéculation sur le foncier urbain à Batna ainsi que sur le foncier industriel ou du moins ce qui en reste. En attendant le rayonnement économique de ces zones, une bataille acharnée est menée en sourdine autour de quelques lots demeurés vierges. Formant une même entité, les deux zones qui s'étalent sur 147 ha sont situées dans une véritable cuvette. Un défaut de conception qui coûte cher aujourd'hui aussi bien aux opérateurs installés qu'à la société de gestion immobilière (SGI) à laquelle a été confiée la mission initiale de gestion du portefeuille foncier industriel. Son cahier des charges lui dicte aujourd'hui la gestion des espaces communs, les réseaux d'assainissement, et d'AEP ainsi que le gardiennage et la sécurité en remplacement de l'ancienne EGZI (entreprise de gestion de la zone industrielle). Cette dernière tombée en faillite, à l'image de toutes ses sœurs du pays, n'a cependant pas été liquidée, créant avec celle de Constantine, une situation inédite et conflictuelle. En cessation d'activité depuis 1997, sa situation a retardé jusqu'à juin 2004, la création de la SGI Batna (les autres sont nées en décembre 2003), à cause d'une dette de 12 milliards de centimes dont un milliard d'arriérés de salaires est réclamé par les 12 travailleurs de l'entreprise. Ces travailleurs refusent aujourd'hui d'intégrer la SGI après avoir travaillé pour elle durant une année, affirme son directeur Fayçal Ghouara. L'alcool et la gadoue La seconde particularité de ces zones se traduit par le nombre excessif d'accès ainsi que cette route qui traverse les zones et relie le centre ville au quartier de Kechida et tout le coté ouest de la ville. Des aberrations selon les opérateurs qui posent avec insistance le problème de la sécurité du site dont l'accès demeure entièrement libre, en l'absence de tout contrôle. La pénétration tapageuse et le pullulement des consommateurs de boissons alcoolisées durant les heures indues sont un secret de polichinelle dénoncé par tous mais jamais réglé. Une persistance qu'explique Fayçal Ghouara par la demande exprimée par les autorités locales pour maintenir ouverte la route en attendant la réalisation d'un échangeur. La sécurité n'est pas, cependant, la seule revendication des opérateurs. La réhabilitation des zones constitue la pomme de discorde avec la SGI même si la question n'a pas encore atteint des proportions inquiétantes. La construction des zones dans le lit de l'oued, les expose, en effet, durant la saison d'hiver avec ses pluies torrentielles, à des inondations cauchemardesques et à des dégâts considérables. La voirie est la plus touchée par ces inondations et ceci n'est pas fait pour réjouir les investisseurs et leurs transporteurs qui en supportent les conséquences. Dépourvue de budget et incapable de financer une réfection totale du réseau, la SGI a entrepris tout de même des travaux de réparation pour éliminer les nids-de-poule en juillet 2005. Les résultats n'ont pas duré très longtemps et les premières pluies ont remis la situation au point zéro. Suite aux rapports et sollicitations multipliés à ce sujet, l'Etat a décidé de prendre en charge la réhabilitation mais le projet traîne en longueur et les opérateurs s'impatientent. Une impatience légitime, au demeurant, pour ces gens qui payent des cotisations pour l'ensemble des services prodigués par le gestionnaire. Ceci dit, il n'est pas aisé non plus pour la SGI de mener à bien sa mission en comptant uniquement sur les quote-parts payés par leurs clients, sachant que nombre parmi ces derniers ne s'acquittent pas de leur du. La société souffre, en effet, des réticences des mauvais payeurs parmi ses clients et compte engager des procédures judiciaires contre eux après avoir épuisé toutes les voies du dialogue. C'est le cas de Naftal " qui bénéficie pourtant de nos services et se trouve même prioritaire notamment pour les opérations de désherbage nécessaires pour éviter les feux de broussaille à proximité des bacs et des transformateurs", avance le directeur. Propriété, Le grand désaccord La réhabilitation fait partie, également, des soucis de l'Urba-Batna qui a pris le relais en 1986 de la main de l'Urbaco après le transfert des missions de gestion ainsi que la propriété. L'essor économique de la ville et sa situation à proximité de plusieurs pôles importants a accentué l'intérêt des investisseurs désireux de s'implanter. Ce facteur conjugué à celui de la rareté des terrains a fait prendre l'ascenseur au prix du mètre carré qui a atteint environ 4000 DA. Un prix relativement excessif dans cette région qui souffre désormais des freins de la spéculation et de la mainmise d'un groupe sur les terrains utiles. C'est ce qui génère également un conflit insoluble entre l'Urba et un petit groupe d'acquéreurs qui peinent à décrocher le transfert de propriété. Sur les 123 lots créés, 23 attendent encore leur régularisation, bien que six font l'objet d'un litige juridique. La cause apparente du refus de l'Urba de transférer la propriété de ces lots est due à un désaccord sur le prix de cession jugé excessif par les bénéficiaires après les dernières révisions. Les causes réelles peuvent se situer ailleurs même si le directeur de l'Urba évoque aussi " l'attitude suspecte constatée chez les acquéreurs, notamment la non construction et le changement fréquent d'activité en plus du non respect du cahier des charges et des obligations ". En effet, même après la vente d'un terrain, l'Urba se garde un droit de préemption pour que les lots attribués ne soient pas détournés à des fins non industrielles. Et ce qui existe est aujourd'hui gardé jalousement par cet organisme qui semble résister à des pressions énormes. " No passaran, ils ne passeront pas ces spéculateurs ", persiste à dire le directeur qui s'engage à défendre ces biens pour les octroyer " aux investisseurs sérieux, prêts à ériger des projets productifs, créateurs d'emploi et capables d'apporter un plus en matière de technologie". La wilaya passe à coté d'une chance historique pour capitaliser l'intérêt des investisseurs et attirer des capitaux à cause de la saturation de son foncier et ce ne sont pas les nouvelles implantations qui poussent autour du périphérique en allant vers Constantine qui pourront faire la différence. Pour certains, les zones industrielles sont en phase d'opérer leur mue pour devenir une locomotive économique pour la wilaya, mais pour d'autres, les raisons de la stagnation sont à chercher dans les mentalités opposées au changement. Le président de la chambre du commerce et d'industrie de Batna qui est aussi président de la CAP (confédération algérienne du patronat) donne, en effet, un autre son de cloche et exprime crûment sa déception : " c'est la débandade, ça ressemble à tout sauf à une zone industrielle ". M. Guetala refuse, en outre, d'admettre l'idée de saturation et donne l'exemple d'un lot important de 20 ha accordé à l'ENMTP et qui demeure inexploité si ce n'est par des jeunes qui viennent se livrer à des parties de football. " Nous avons demandé à ce que ce terrain soit morcelé en plusieurs petits lots pour satisfaire les demandeurs qui attendent sur une longue liste mais en vain ", ajoutera il, en imputant en des termes à peine voilés la responsabilité du statu quo au gestionnaire foncier. La mort dans l'âme, il reconnaîtra que " la CCI a agi afin de libérer ces zones et essayé de sensibiliser les acteurs intéressés mais personne n'a voulu nous écouter ". A défaut d'insuffler une dynamique économique et sociale dans la région, par absorption de la demande d'emploi et dopage de la fiscalité de la commune, ces zones sont considérées comme une excroissance tolérée, cependant, par la population. Elles évoluent, par ailleurs, sous l'œil vigilant des gardiens de l'environnement qui travaillent pour débarrasser la wilaya de la pollution par les matières toxiques comme le sulfure et le chrome et les dangers des huiles cancérigènes à l'image des Askarel rejetés dans le canal. Le souvenir de la fermeture d'une tannerie en 2003 est encore frais dans les mémoires alors que plusieurs unités sont poursuivies en justice pour non respect des règles de sécurité environnementale. Des efforts sont déployés, en outre, pour la délocalisation hors du tissu urbain de la semoulerie et de l'unité de goudron de Naftal qui renferment des risques majeurs.