Complicité de l'administration, « T'chipa », ignorance, toutes les pathologies locales sont concentrées dans ce dossier aux relents nauséabonds. Le vice président de l'APC de Constantine, chargé des services techniques, Rafik Boutaghane, a signé une autorisation de démolition (n°450) des escaliers du lotissement Djebel el Ouahch. A priori, c'est une décision anodine. Il n'en est rien cependant, puisque la loi stipule que seul le président de l'APC est habilité à signer de tels documents (article 68 de la Loi 90/29 du 1e décembre 1990, relative à l'aménagement et l'urbanisme). Ignorance ou acte prémédité ? Là est notre sujet. Car la décision en question couronne une série d'actes illégaux, du moins controversés, en faveur de deux personnes et au détriment d'un millier de familles habitant ce lotissement. C'est un problème de foncier. Une affaire où les intérêts d'une caste croisent ceux d'un certains nombre de décideurs, qui complotent dans le dos de la citoyenneté. Complicité de l'administration, «T'chipa», ignorance, toutes les pathologies locales sont concentrées dans ce dossier aux relents nauséabonds. Le lotissement, composé de 936 lots, a été créé en 1985. En 2003, la seule aire de jeu de la zone B a été vendue à deux frères, avec une superficie de 704 m². Le cahier des charges (publié sur les colonnes du journal An Nasr) désignait le terrain à la construction d'une crèche et limitait le bâti à 60% de la superficie, pas plus. Mais sur l'acte de propriété, la superficie est portés curieusement à 1015 m² avec autorisation de construire un R+2 ; l'activité change aussi et le lot est destiné à recevoir un commerce de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, une société appartenant à deux jeunes personnes dont un mineur (le lot 14 A face à la mosquée El Ansar) ! La DUC réagit et interdit l'implantation de la société sur ce site, parce que situé dans une zone résidentielle. En réponse, les propriétaires décident de construire une maison. Les riverains s'opposent et portent l'affaire devant la justice. Mais en 2012, Moussa Mechouche, ex chef du service technique de la commune, aujourd'hui sous contrôle judiciaire pour mplication dans une affare de trafic de permis de construire, délivre une attestation de travaux d'une durée de trois mois, précisent des riverains dans une demande d'intervention adressée au président de l'APW en octobre 2013. Dans l'impunité, les bénéficiaires érigent un bâtiment de quatre niveaux sur une surface d'environ 900 m², violant ainsi la restriction des 60% ; ils grignotent aussi quelques dizaines de mètres de plus, portant la superficie totale à 1060m², souligne Rabah Khennaoui, l'un des habitants lésés et dont le lot est limitrophe de la construction contestée. Les riverains s'insurgent contre la politique du fait accompli. Des pétitions sont signées massivement et adressées au président de l'APC, au wali et même au Président de la République. Plusieurs autres correspondances explicatives sont adressées à ces responsables ; récemment, un sit-in a été tenu pour protester, mais rien. Le silence a été la seule réponse à l'élan des riverains qui revendiquent le respect de la loi, notamment celle sur la gouvernance urbaine. - Les fraudeurs redoublent d'audace En septembre 2013 toujours, une autre modification est apportée à l'acte de propriété, augmentant la superficie à 1311,75 m², (documents n° 726 et 727, volume 303, publiés le 11 septembre 2013/ 2131 n° 40 et 41), soit plus de 600 m² de plus que celle octroyée en 2003. La vente est l'oeuvre de l'agence foncière de wilaya qui cède ainsi près de 300 m², dans un lotissement coté à Djebel el Ouahch, donnant sur le boulevard principal, pour le prix dérisoire de 70 millions de centimes. En d'autres termes, le prix de vente du mètre carré ne dépasse pas 2 340 DA et ceci en août 2013 ! Cette augmentation qui bénéficie à une seule personne s'est faite au détriment du lotissement, en empiétant sur des surfaces communes et sur des parcelles de terrain réservées à d'autres. Des escaliers faisant partie du plan de masse initial, et inscrits comme partie commune viennent d'être sacrifiée à la demande d'une seule personne. Le notaire est mis à contribution dans ce traitement très spécial. Dans ses études, le plan de masse n'est pas respecté, accuse M. Khennaoui, notamment dans la définition des limites des lots ajoutés. Le 21 mai dernier, l'association des parents d'élèves de l'école Kettab el Bahi (dont les élèves empruntent quotidiennement les escaliers objet de démolition) a saisi le vice président de l'APC, celui qui a signé l'autorisation contestée, lui témoignant leur rejet totale de sa décision et des escaliers de substitution construits par les bénéficiaires. «Nous refusons l'autorisation de démolition des escaliers, octroyée le 18 Mai 2014 à Bouhali Mehdi et Bouhali Nabil, et non reconnue ni par nous ni par le président de l'APC. Pourquoi n'a t-on pas respecté les citoyens ni respecté les lois par les administrateurs et les élus représentant le peuple ?» ont-ils écrit. Le détournement, la dilapidation et le bradage du foncier à Constantine ont pris des allures galopantes depuis le milieu des années 1990. Le phénomène a eu un effet castrateur contre une ville dont le portefeuille foncier est si pauvre. De 2005 à 2010 le pic est atteint, et aujourd'hui encore, la saignée se poursuit, en témoigne les scandales en cascade qui impliquent l'APC FLN. N'y a t-il pas une autorité encore debout pour stopper ce type de dépassements ?