En plus de l'insalubrité, le lieu est devenu un refuge pour des bandes de délinquants. L'unique jardin public, sis à la rue Ibn Khaldoun, fait parler de lui à cause de son état de délabrement avancé. «Aux premières années de l'indépendance et jusqu'à la dernière décennie, on pouvait sentir l'odeur des roses et du jasmin, les arbustes ornementaux étaient agencés de manière à inviter à la contemplation ; les palmiers donnaient aux lieux un aspect altier et les arbres s'enchevêtraient par lianes interposées jusqu'à vous forcer à les confondre avec des formes artificielles», déplore un ancien cheminot qui habite tout près du jardin en question. Que reste-t-il de cette description ? Un décor de désastre naturel. Des arbres abattus et d'autres qui n'ont pas été élagués depuis des lustres, des immondices, beaucoup d'immondices, des restes d'un feu récent, des traces d'urine et de matières fécales sur les murs et sur le fer forgé de la clôture, et des odeurs nauséabondes. La nuit, cet endroit relativement discret, devient un fief de tous les maux sociaux, pour les adeptes de Bacchus, des jeux de hasard, et de la consommation des psychotropes, alors que les rixes et les agressions à l'arme blanche sont légion. «Pourquoi attendre la nuit pour faire ce constat», a rectifié un citoyen qui se dit témoin de scènes abominables à l'intérieur de cet espace. «J'y ai vu une horde de jeunes forcer une écolière à commettre des obscénités, un vieil homme agressé par des marginaux et un quidam traînant un tronc d'arbre séculaire sans que personne n'intervienne», poursuit-il. Djenene El Beylik n'est pas gardé, n'a pas de clôture et n'a pas de jardinier au moment où des centaines d'employés communaux, tous rangs confondus, trouvent du mal à chasser l'ennui. Faute de retrouver sa vocation, le lieu ne reçoit que les aliénés mentaux, les SDF et les marginaux. Un élu communal rassure : «Nous en sommes conscients et nous comptons y remédier par l'affectation, dans un premier temps, d'agents de gardiennage». L'une des péripéties de ce joyau botanique, actuellement en déperdition, colle bizarrement avec des prétendants qui aspiraient à sa récupération, au dinar symbolique, comme propriété privée.