«Il faut inciter les femmes enceintes à se faire dépister pour prévenir le sida et protéger l'enfant», insiste le Pr Anouar Benabdellah, responsable du service régional des maladies infectieuses au CHU d'Oran et directeur du Laboratoire de recherche VIH/sida et Maladies associées. La prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant reste un programme majeur pour le contrôle et surtout l'éradication de l'épidémie. Au cours des 50 prochaines années, 100 millions de personnes vont mourir prématurément du sida. Ce n'est pas un cancer ni une maladie qui affecte les personnes âgées. C'est un fléau qui frappe surtout les jeunes. C'est un désastre humanitaire d'une incroyable envergure.» Cette déclaration assez troublante faite par le pathologiste américain, le Dr Cecil Fox dans un reportage intitulé «A l'origine du sida» réalisé en 2003, démontre la gravité de ce virus mortel pour l'humain. Depuis la découverte de ce mal, le secteur de la santé dans le monde entier a connu une mobilisation sans précédent afin d'enrayer et d'inverser la courbe du sida (syndrome de l'immunodéficience acquise) causé par l'infection provoquée par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Ce virus, responsable d'une grave diminution de l'immunité cellulaire, soumet l'organisme à des infections opportunistes et souvent fatales. Par ailleurs, en dépit de tous les moyens de lutte et de prévention, le sida reste un fléau qui ne cesse de se propager, occupant le triste rang de la plus grande catastrophe sanitaire que l'humanité ait jamais connue. Toutefois, la recherche clinique et médicale ainsi que les progrès de la science ont largement contribué à freiner cette hécatombe. L'Onusida, l'organisation internationale de lutte contre cette maladie, ainsi que d'autres organisations mondiales dressent chaque année un bilan encourageant reflétant ainsi les efforts et les progrès remarquables de la recherche scientifique. Selon le rapport 2013 de l'Onusida, entre 2001 et 2012, «Le nombre annuel de nouvelles infections au VIH chez les adultes et les adolescents a diminué de 50% ou plus dans 26 pays.» Et la recherche continue. La lueur d'espoir est là. En effet, les nouvelles méthodes de lutte avancent à grands pas. Plusieurs évolutions majeures sont notées dans ce sens. L'une d'elles, la prévention de la transmission du sida de la mère à l'enfant, a enregistré des avancées certaines. En effet, la maîtrise de cette transmission peut être d'un grand salut pour la lutte contre la propagation du sida. «Il faut inciter les femmes enceintes à se faire dépister pour prévenir le sida et protéger l'enfant», déclare le Pr Anouar Benabdellah. Il ajoute que l'Europe est arrivée à 0% de transmission de cette pandémie de la mère à l'enfant. Mais où en est l'engagement de l'Algérie dans cette lutte contre l'épidémie fatale ? Le Pr Benabdellah précise que «le virus VIH/sida demeure peu actif en Algérie, voire même concentré, vu sa faible prévalence dans la population générale.» Prévenir la transmission du VIH à l'enfant Selon le bilan des activités de prise en charge thérapeutique des personnes vivant avec le VIH dans les centres de référence de l'année 2013 dressé par le ministère de la santé, seulement 0.09% des femmes enceintes ont été répertoriées comme personnes infectées. «On est arrivé pratiquement à 0% du sida pédiatrique, et ce, grâce aux efforts déployés par le ministère de la Santé en ce qui concerne l'application d'un programme de prise en charge de ce type de sida», s'enthousiasme le Pr Benabdellah. Il souligne par ailleurs que 50% des femmes en Algérie connaissent les moyens de transmission du virus. Mais qu'en est-il pour la prise en charge des femmes enceintes séropositives ? Comment prévenir la transmission du virus à l'enfant ? Le professeur explique en premier lieu que «la contamination du fœtus se fait au cours de la grossesse — notamment en fin de grossesse — durant l'accouchement et pendant l'allaitement.» En effet, la prise en charge thérapeutique est capitale. La femme enceinte sera mise sous traitement anti-rétroviral (ARV). «Le taux de contamination dépend du stade de l'infection atteint par la mère. Le taux de transmission sera de 30% sans aucun traitement ARV. Une bonne prise en charge de la mère peut faire baisser cette contamination à moins de 5%, voire l'annuler complètement», estime-t-il. Le test de dépistage de l'infection au VIH chez les femmes enceintes demeure fondamental. «Ce test constitue le point de départ de toute démarche de prévention de la transmission du VIH/sida de la mère enceinte à son enfant», affirme-t-il. D'un autre côté, en cas de test positif, la femme enceinte doit impérativement prendre des ARV après le premier trimestre de sa grossesse afin de prévenir la contamination. Le Pr Benabdellah explique également que la césarienne est favorisée afin d'éviter au maximum le contact du bébé avec le sang et les sécrétions de la mère. «La césarienne est recommandée dans les cas où la prise des AVR s'est faite tardivement chez des femmes très atteintes.» Quant à l'allaitement du bébé, le professeur recommande à la mère séropositive un allaitement artificiel. «L'allaitement maternel est interdit à la mère séropositive. Ce type d'allaitement s'accompagne d'un risque de transmission du virus à l'enfant. De ce fait, l'allaitement artificiel est préconisé afin d'éviter tout risque de transmission du virus», avance-t-il en ajoutant que le bébé recevra dès sa naissance un traitement prophylactique pour diminuer la probabilité de contamination par le VIH. Enfin, il est évident que la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant demeure un programme d'un intérêt incontestable qui a pour objectif la réduction de la mortalité infantile par cette funeste pandémie. Et ce n'est qu'un pas vers l'éradication finale du sida. Un exploit titanesque qui sera écrit en lettres d'or sur les pages d'histoire médicale, car cet oiseau de malheur ne peut rester indéfiniment sous les cieux de l'humanité sans que l'intelligence et la volonté de cette dernière ne parvienne un jour à le faire disparaître, comme elle l'avait préalablement fait avec la peste et la variole.