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Traitement discriminatoire du cni
Octroi d'autorisations d'investir
Publié dans El Watan le 02 - 06 - 2014

Qui bloque les industriels algériens désireux de promouvoir d'importants investissements dans leur pays ? Des individus tapis dans les rouages du pouvoir ?
Des institutions telles que le Conseil national de l'investissement (CNI) soumises à de rigides procédures pour les uns et à de troublantes facilités pour les autres ? La question mérite en tout cas d'être posée et rapidement solutionnée tant les conséquences des dysfonctionnements sont désastreuses pour notre économie et la société algérienne dans son ensemble.
Mais dans cette indispensable quête d'assainissement du mode d'investissement en cours dans notre pays depuis une dizaine d'années, il importe avant tout d'identifier nommément les individus qui bloquent des investisseurs préalablement ciblés pour des motifs fallacieux, faisant perdre à l'Algérie la chance de s'industrialiser, d'offrir à nos jeunes chômeurs des centaines de milliers d'emplois, et de réaliser au minimum deux points de croissance supplémentaires chaque année.
Le préjudice économique, financier, mais également social causé à leur pays par ces «censeurs» est si grand qu'ils devraient relever du crime économique devant coûter aux auteurs des blocages prémédités des poursuites pénales. Un des plus importants capitaines d'industrie algériens, Issad Rebrab, qui n'est malheureusement pas le seul à se plaindre du traitement discriminatoire réservé à leurs projets d'investissement en attente d'une autorisation du CNI, nous apprend que trois de ses plus importants projets industriels attendent depuis plusieurs années une autorisation du Conseil national d'investissement que ce dernier n'a visiblement pas l'intention d'accorder.
Le patron du groupe Cévital cite le projet de trituration de graines oléagineuses déposé au CNI depuis plus de dix ans. Ce projet est pourtant d'une importance capitale pour un pays qui prétend recouvrer à terme l'autosuffisance alimentaire. S'il venait à être réalisé, ce projet agroalimentaire pourrait faire passer le pays du stade d'importateur à celui d'exportateur. Il pourrait non seulement satisfaire 100% des besoins du marché national, mais aussi dégager près de 1,5 milliard de dollars d'exportations par an.
Actuellement, l'Algérie importe 100% de tourteaux de soja et ses huiles brutes végétales. Bien que réalisée et approuvée par les autorités concernées depuis au minimum sept années, la remise au CNI de l'étude d'impact sur l'environnement qui avait motivé son refus n'a pas pour autant réussi à débloquer ce dossier. L'intention délibérée de nuire à cet industriel dont la renommée dépasse aujourd'hui nos frontières est, à l'évidence, très claire. Dans l'interview accordée récemment à notre confrère d'El Watan, Issad Rebrab cite également comme exemples de blocages autoritaires son projet de pétrochimie qui pourrait, à lui seul, créer près de 3000 PME-PMI et engendrer pas moins de 600 000 à 900 000 emplois et celui du complexe sidérurgique de Jijel (Bellara) octroyé subitement et contre toute attente de son promoteur légitime à un homme d'affaires qatari. L'intention de nuire est là aussi évidente.
Si l'industriel algérien a, à l'évidence, beaucoup perdu avec ces blocages qui ont affecté ses projets d'investissements les plus emblématiques, le manque à gagner pour le pays en création de richesses et d'emplois n'est également pas négligeable. En englobant tous les projets du groupe Cévital bloqués au CNI (les trois projets cités plus haut ainsi que le port et les complexes industriels devant être réalisés à Cap Djinet), on estime les pertes en création d'emplois et en valeur ajoutée à environ 1,5 million de postes de travail pour la première, et 4 à 5 milliards de dollars de croissance supplémentaire pour la seconde.
Les blocages étant, à n'en pas douter, clairement délibérés, on ne devrait plus hésiter à les qualifier ouvertement de crimes économiques ayant causé un très lourd préjudice à l'Algérie. Si les individus qui les ont délibérément causés ne sont pas clairement identifiés, on sait par contre par quel moyen ils agissent. C'est en effet au moyen du Conseil national de l'investissement (CNI), sans doute expressément créé à cet effet, que ces individus agissent pour interdire à des industriels préalablement ciblés de promouvoir de gros investissements industriels et agricoles, en bloquant pour des motifs fallacieux leurs demandes au niveau de cette instance qui a vocation à autoriser ou refuser la réalisation des gros investissements privés.
Il fut fortement question lors de la dernière réunion tripartite de supprimer cette instance, ainsi que l'aberrante autorisation d'investir exigée aux créateurs de richesses et d'emplois que sont les investisseurs, mais la suppression souhaitée n'a été accordée qu'aux promoteurs étrangers. La volonté des autorités politiques de continuer à soumettre les investisseurs algériens aux formalités du Conseil national de l'investissement n'est évidemment pas innocente. Le maintien de cette instance leur permet effectivement de contrôler l'expansion de certaines sociétés privées en recourant notamment à des traitements discriminatoires favorisant les uns et faisant barrage aux autres.
Un important industriel algérien nous a affirmé sous le couvert de l'anonymat, car en Algérie on reste vulnérable au pouvoir politique quel que soit son niveau de richesse, que «le Conseil national de l'investissement a pour mission essentielle de contrôler la taille de certaines entreprises privées pour les empêcher de devenir trop importantes. Seules les sociétés détenues par des hommes d'affaires proches de cercles influents du pouvoir (notamment le cercle présidentiel) sont autorisés à croître pour devenir les futurs champions économiques du pays.»
Un autre homme d'affaires, membre influent du Forum des chefs d'entreprises (FCE), nous a par ailleurs affirmé que «pour échapper à la vindicte du Conseil national de l'investissement, les entrepreneurs privés algériens sont parfois contraints de revoir à la baisse leurs velléités d'expansion ou à défaut de confier les projets nouveaux à des filiales expressément créées à cet effet. C'est ce qui explique en partie la prolifération de petites entreprises en Algérie.» C'est précisément cette insupportable discrimination qui a déjà contraint les entrepreneurs algériens les plus dynamiques à délocaliser leurs projets d'investissements vers d'autres pays et à inciter d'autres, encore plus nombreux, à y réfléchir sérieusement.


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