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Issad Rebrab, le désir d'entreprendre raconté par Taieb Hafsi
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 06 - 2012

Dans Issad Rebrab, voir grand, commencer petit et aller vite*, Taieb Hafsi explore les coins les plus reculés de la vie de l'homme, de ses entreprises, de ses réussites, de ses ambitions. Il en ressort un récit captivant et un voyage dans l'essor industriel contrarié de l'Algérie de Boumediene à nos jours.
Grand bâtisseur, Issar Rebrab voit grand. «Tout est à notre portée. L'Algérie a tous les fondamentaux. Nous pouvons créer une économie développée et concurrentielle.» Commencer petit est le cours naturel des choses. Des études en comptabilité lui ont permis de voir le monde en chiffres. Les chiffres qui cachent des richesses. Comptable, Issad Rebrab pas satisfait. Il crée d'abord, avec des associés, Socomeg, entreprise de fabrication de tubes à crépines. Bon début, mais pas grand-chose. C'était les temps du «socialisme spécifique», les temps où l'on diabolisait le privé. Difficile démarrage. Vient Profilor, entreprise de fabrication de rayonnages métalliques. Un bond. C'étaient pour lui les premières véritables classes dans l'entreprenariat. Une découverte complète du désir, voir du devoir, de grandir.
Mais la première grande réussite du «monstre de Taguemount-Azzouz» est incontestablement Métal Sider. Sise à Larbaa Beni Moussa, cette entreprise sidérurgique était destinée initialement à la fabrication de serres agricoles. Mais, faute de marchés, Rebrab s'est converti à la sidérurgie. Pas sans préjudice. Métal Sider, entrée en production en 1992, était une grande réussite et s'est imposée comme acteur incontournable sur le marché national. Mais les problèmes allaient vite survenir. Les méandres de la bureaucratie abdesselmienne étaient une descente aux enfers pour Issad Rebrab. Blocage des importations. Mépris, taxes, redressements fiscaux injustifiables, etc. Sur ce dernier point, lorsque Mourad Benachenhou a accédé au poste de ministre a déclaré qu'il fallait en finir et qu'il ne voulait plus de «vendetta». C'est que, apparemment, Belaïd Abdessalam n'aurait jamais pardonné au patron de Métal Sider, un petit entrepreneur privé, d'avoir fait un «complexe sidérurgique qui gagne de l'argent» là où, lui, avec tous les moyens de l'Etat, avait échoué. Mais les mésaventures de Rebrab ne s'arrêtent pas à ce niveau. La situation d'insécurité dans laquelle se trouvait l'Algérie n'était pas sans avoir des effets sur Métal Sider. L'assassinat des journalistes était à la mode chez les franges intégristes du FIS. Et Issad Rebrab était patron d'un journal, Liberté. Le mot «liberté», pourtant simple dénomination d'un organe de presse, a mis en fureur les islamistes qui décidèrent de faire sauter les installations de Métal Sider à Larba Beni Moussa. C'était 1993. Quasiment ruiné, Issad Rebrab a très mal encaissé le coup. Départ en France.
L'AVENTURE CEVITAL : EN PLEIN DANS LA COUR DES GRANDS
«Issad Rebrab n'est en paix avec lui-même que lorsqu'il réalise des choses.» C'est Taieb Hafsi qui le dit. En effet, en concertation avec ses fils Malik et Omar, il se lance vite dans l'importation du sucre, suite notamment à «la démonopolisation du commerce extérieur pour le sucre» en 1995. Mais, dans l'import-import, le parasitage est de mise et la concurrence, essentiellement déloyale, est le maître-mot. Pas question de s'y enliser pour celui qui se veut un constructeur, un créateur de richesses. L'industrie est un terrain bien moins encombré. Et l'agroalimentaire «est vital», juge Issad Rebrab. Au départ, péripéties bureaucratiques, terrain introuvable, blocage. Enfin, Cevital fut créée et installée au port de Béjaïa. Début de production. D'abord, les huiles. Vient le sucre ensuite conquête du marché national et exportation. Aujourd'hui, Cevital, avec 50% de croissance par an, est leader dans l'agroalimentaire. L'agroalimentaire a été «le moule dans lequel toute la vision du monde d'Issad Rebrab s'est construite». Ceci, malgré la rigidité de la réglementation, va pousser le patron de Cevital à aller encore plus loin. L'agriculture, rêve d'enfance s'il en est, va vite capter son attention. Des investissements dans l'agriculture industrielle sont lancés. Pas de grand succès. Mais pas d'abandon non plus. Issad Rebrab se trouve à chaque fois confronté à des situations sisyphiennes. Pour contourner les limites que lui imposait la machine bureaucratique, il opta alors pour une stratégie de diversification. Il monte ainsi une usine de fabrication de verres plats. 30% de la production pour couvrir les besoins du marché local et 70% pour l'exportation. Evidement, il y avait au début des problèmes de matière premières (dolomie, calcaire, soude, calcin, etc.) et de transport. Aujourd'hui, 85% des matières utilisées sont produites localement et un bateau spécialisé, «Roll-on, Roll-of», est acquis pour l'export. Toujours pour multiplier ses revenus gagner plus de parts dans le marché, Cevital se lance dans la commercialisation des véhicules automobiles, d'abord la marque roumaine Dacia ensuite Hyundai. S'associant avec Samsung, Cevital se lance également dans la fabrication de l'électroménager et l'électronique grand public sous le labelle Samha. Cette entreprise, fonctionnant à seulement 35%, a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 10 milliards de dinars.
Cependant, bien que déjà impressionnantes, les ambitions rebrabiennes vont toujours grandissantes. Une multitude d'autres projets lui envahissent la tête : grande distribution, usine de propylène et de polypropylène, usine de sidérurgie, cimenterie, usine de trituration de graines oléagineuses. Parmi les grands projets qui lui tiennent à coeur, il y a également le pôle industriel de Cap Djinat. Ce projet comprend, entre autres, la réalisation d'un port ayant 20 km de quais, 5000 ha de terrains industriels dont 30% gagnés sur la mer, une multitude de PME, le tout générant environ 1 million d'emplois. Mais le Conseil National des Investissements (CNI) bloque tout. «Je veux investir mais je n'arrive pas à obtenir les autorisations, sans compter les difficultés du foncier industriel», regrette Issad Rebrab que certains ministres accusent d'être «un mégalomane», de «se prendre pour un Etat». Pourtant, tout le problème est justement dans le fait que l'Etat veuille se substituer aux entrepreneurs, voire les régenter. Pourquoi ce blocage ? «Celui qui construit est souvent la cible de ceux qui veulent le pouvoir», tranche Taieb Hafsi. Mais Issad Rebrab, contre vents et marées, a réussi à s'imposer comme acteur de premier plan. Exemplaire en matière de management, il fait désormais école. Ecrite par Taieb Hafsi dans le souci d'élaborer une pédagogie d'action entrepreneuriale efficace, l'histoire d'Issad Rebrab, l'homme, le rêveur, l'entrepreneur et le bâtisseur, est une vraie galerie de rêves dans le livre de Taieb Hafsi. Une leçon d'espoir, de détermination et d'abnégation.
*Taieb Hafsi, Issad Rebrab, voir grand, commencer petit et aller vite, Casbah Editions, 2012, 390p.


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