A son domicile, le cheikh nous reçoit avec sa courtoisie coutumière. Le disciple du maître Aboulkacem El Hafnaoui, auquel il livre un témoignage exclusif, lors de la rencontre organisée aujourd'hui dans la localité d'Eddis, à quelques encablures de Bou Saâda, cheikh Djillali, sans déflorer le sujet, a bien voulu, à la veille de sa conférence, nous fixer sur l'itinéraire de ce savant en avance sur son temps et qui a formé des générations de jeunes Algériens qui lui vouent aujourd'hui respect et lui expriment leur gratitude. D'ailleurs, dans son ouvrage Histoire de l'Algérie, référence pour les historiens, Djillali consacre de longs passages à son maître, ce qui est en soi, un bel hommage plein de tendresse et de reconnaissance… Toujours alerte, à 98 ans, le cheikh a bien voulu répondre aimablement à nos questions. Qui était en fait le cheikh El Hafnaoui ? C'était un personnage à part, un homme de culture ayant vécu au sein d'une famille savante qui a su lui inculquer les valeurs éducationnelles et civilisationnelles. C'était un érudit jaloux de sa culture qu'il dispensait avec un art consommé de la pédagogie. Il faut dire qu'il tient cela de son père Benarous qui lui prodigua conseils et connaissances tous azimuts. A l'adolescence, il rejoignit la zaouïa d'El Hamel près de Bou saâda où il étudia sous la férule du maître Mohamed Aboulkacem El Hameli avant de rallier l'autre zaouïa d'Akbou en Kabylie. Il a pu y étoffer son registre dans le domaine de la théologie et du fikh sous la direction du cheikh Boudaoud. Il est écrit que le cheikh avait une audience qui dépassait les frontières de sa localité… Avec son bagage intellectuel et ses connaissances théologiques, littéraires et même scientifiques, le cheikh avait une aura et une réputation bien ancrées qui incitaient ses disciples à venir un peu de partout. Son inspiration, il la tirait de deux ouvrages, le livre des doutes sur les choses et les arts et la muqadima d'Ibn Khaldoun. Après avoir enseigné chez lui, il se déplaça à Alger pour se baser à Djamaâ El Kebir, aux côtés d'autres grands penseurs comme Mohamed Bencheneb, Bensamaïa et le cheikh El Medjaoui. Nous, qui étions leurs élèves, savions à qui nous avions affaire, des monuments qui nous ont tracé le chemin et aidés à devenir ce que nous sommes. A vos yeux, cet hommage n'est-il pas tardif ? Vous savez, cela fait longtemps qu'une telle initiative m'a effleuré l'esprit. C'était la moindre des choses que de rendre hommage à notre maître. L'occasion se présente aujourd'hui, elle est opportune. Il faut s'en féliciter comme il est de bon ton de remercier les organisateurs de cette rencontre. Avec cheikh El Hafnaoui, que Dieu ait son âme, j'ai une pensée pieuse aussi pour deux illustres personnages de la région, cheikh Benbderrahmane Eddissi, un enfant du pays immense poète et Achour El Khangui, originaire de Khangat Sidi Nadji, mais qui a passé le plus clair de son temps au sein de la zaouïa d'El Hamel. Je n'omettrai pas de signaler un autre artiste qui a été adopté par la ville de Bou saâda, en l'occurrence Etienne Dinet, que cheikh El Hafnaoui citait souvent avec beaucoup de respect, non seulement pour ses dons picturaux mais aussi pour ses positions courageuses aux côtés des Algériens.