Dans un Etat moderne, nous sommes tout simplement des Algériens, purs et durs.» Ali Yahia Abdennour, militant infatigable des droits de l'homme, rétorquait ainsi à la falsification honteuse de l'identité nationale contenue dans une brochure de 52 de pages que le bureau politique du PPA-MTLD a réalisé en décembre 1948 pour déclarer que l'Algérie est «une nation arabe et musulmane depuis le VIIe siècle». Ali Yahia Abdennour intervenait hier dans l'enceinte du Théâtre régional de Béjaïa, invité par le café littéraire pour débattre du contenu de son essai La crise berbère de 1949, édité chez Barzakh. La crise qui prendra par la suite le nom de crise anti-berbériste est partie de cette assertion née sous l'influence de l'Orient dont le secrétaire général de la Ligue arabe de l'époque, Azam Pacha, «qui a contacté Messali à Paris pour lui dire de participer aux élections de l'Assemblée nationale française». Ali Yahia Abdennour remonte à toute cette période des années 40 pour rappeler la tenue d'élections et le trafic des urnes qui les a marquées, et qui «continue après 1962». La crise anti-berbériste s'était aussi manifestée par les réactions à l'intérieur du parti de Messali Hadj. D'abord, rappelle Ali Yahia Abdennour, par «la fédération de France du PPA-MTLD (qui) a voté une motion, par 28 sur 32 membres, pour dire que l'Algérie est algérienne», ensuite «en juin 1949, cinq jeunes lycéens du PPA-MTLD ont réalisé un livre L'Algérie vivra où il est dit que l'Algérie n'est pas arabe, mais algérienne». «Est-ce que la nation algérienne existe depuis le VIIe siècle, depuis la venue des Arabes ?» Pour rétablir la vérité, «Benaïa a constitué une commission dont ont fait partie Aït Ahmed, Amar Aït Hamouda, Aït Amrane… Ils ont contacté des professeurs d'histoire qui ont remonté l'histoire pour dire que la nation algérienne existe depuis des millénaires». «Il y a eu, ajoute l'orateur, de vives discussions entre les messalistes et les algérianistes, et Benaïa a voulu partir. C'est un membre du BP qui l'aurait donné, quelqu'un qui était partisan des élections.» Le conférencier est revenu ainsi sur le sort tragique réservé aux militants berbéristes dont Ouali Benaïa, exécuté le 13 février 1957, et Amar Aït Hamouda, condamné à mort. Ali Yahia Abdennour estime que «la crise anti-berbériste continue à nos jours», et considère qu'«en 1962, on a libéré le territoire mais pas le peuple. Depuis 1962, nous ne sommes plus citoyens».