Fondée en 1904 à Paris, la Fédération internationale de football association (FIFA) a débuté son histoire par un différend d'ordre pratique entre l'Association française des sports athlétiques et la Football Association anglaise. La première voulait affubler du profil d'amateur tout footballeur régulièrement inscrit dans un club, donc hostile au professionnalisme. La seconde, la fédération anglaise, a donné le statut de professionnel dès 1885 à tout joueur dont le revenu principal était tiré du football. Lancée donc par une poignée de nations au départ, la FIFA compte aujourd'hui 209 pays membres et reste maîtresse absolue de tous les rouages et de toutes les compétitions du football. Confinée jadis dans le rôle de modeste institution en charge de la propagation du football dans le monde, en édicter les règles et désigner les villes devant abriter la seule compétition d'envergure internationale inscrite dans ses tablettes, la Coupe du monde, l'avancée technologique fulgurante de la période ayant suivi la Seconde Guerre mondiale allait lui donner une puissance inattendue. La télé enrichit la FIFA L'intrusion de la télévision dans les foyers a eu pour conséquence immédiate d'asseoir définitivement l'hégémonie du football sur les autres sports. La World Cup 1966 en Angleterre s'ouvrait sur une nouveauté technique : la retransmission des matchs en direct. La popularité grandissante de la balle ronde devait générer un apport financier considérable pour la FIFA. Sponsors, équipementiers et droits TV : une masse d'argent conséquente est cumulée à partir du milieu des années 1980 dans les caisses de la Fédération internationale. Ce cash-flow attirera une masse de prestataires de services et autres sociétés-écrans dont la plus connue est l'International Sport & Leisure, rendue fameuse plus tard sous les initiales d'ISL. Cette société de droit suisse a été fondée par l'ancien patron d'Adidas, Horst Dassler, et était étroitement liée à la FIFA, au CIO et à la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) dont elle trustait les contrats en tout genre. Le foot s'est mis à flirter avec le business et la FIFA excitait les appétits à l'extérieur et à l'intérieur de son enceinte. Joao Havelange (président de la FIFA de 1974 à 1998) se trouvait en ce temps-là au bon moment et au bon endroit : des prises de décisions sans partage, favorisées par une auto-concentration de tous les pouvoirs au sein de la FIFA au moment où les Coupes du monde successives allaient générer beaucoup d'argent en terme de droits télévisés et de marketing. Selon différentes investigations médiatiques particulièrement issues de Grande-Bretagne, Havelange aurait détourné à ce jeu-là 56 millions de dollars. L'enquête judiciaire déclenchée en Suisse et médiocrement menée n'a rien révélé. La FIFA est protégée au sein de la Confédération helvétique, estiment des observateurs, du fait de son statut d'association internationale de prestige et de l'opacité des transactions financières douteuses à l'intérieur de ce qui a été longtemps le paradis du secret bancaire. Après de nombreuses affaires scabreuses que tout le monde savait à la FIFA et que personne n'osait dénoncer, faute de preuves palpables, ISL, la société douteuse très liée à Joao Havelange, est mise en faillite. Entretemps, Sepp Blatter, l'inamovible secrétaire général, tête pensante de la FIFA, prend la place du Brésilien, parti après 28 ans de règne absolu dont le plus grand «mérite» est d'avoir transformé la vénérable institution en oligarchie indéboulonnable. Sous son air faussement débonnaire, le polyglotte suisse, aux compétences administratives et juridiques avérées, doté d'un sens aiguisé de l'organisation et à l'intelligence rare, allait substituer au système Havelange le sien propre. Le long de son parcours depuis son avènement en 1998, Blatter multipliera les formules coupe du monde à destination des jeunes catégories de footballeurs et également des femmes qui possèdent, depuis quelques années, leur propre Mondial. Pas de données bancaires C'est en fait autant de sponsors, de droits télévisés, donc de corruption et de magouilles. La FIFA se transforme ainsi en société commerciale et l'argent coule à flots.Mais sur les bords paisibles du lac de Zurich, d'autres grosses affaires vont tonner jusqu'aux abords du Mondial brésilien qui s'enclenche ce soir et durera un mois. Il s'agit des derniers rebondissements ayant présidé à l'octroi de l'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar, petit pays par la superficie mais grand par ses recettes pétrolières. A moindre coût que la Russie qui accueillera le Mondial 2018, le Qatar et certains responsables de la FIFA sont dans l'œil du cyclone, particulièrement les 23 votants du comité exécutif issus d'horizons divers et qui ont eu en charge de plébisciter le petit émirat au détriment de la puissante Albion, l'Angleterre, qui voulait renouer avec le rendez-vous mondial après celui qui l'avait consacré en 1966. Comme il est difficile d'avoir des données bancaires sur de telles forfaitures, toutes les sonnettes d'alarme tirées par la presse ou par des personnalités en vue s'avéreront vaines. Pour se donner bonne conscience, Blatter a mis en place une commission d'enquête de la FIFA pour évaluer les attributions des Mondiaux 2018 et 2022. Comment les propres membres de la FIFA peuvent-ils être juge et partie dans ces affaires ? Quelle crédibilité ont les investigateurs quand ils obéissent au doigt et à l'œil à Blatter ? Ainsi est fait le système Blatter. On tourne en rond, en attendant que l'orage passe pour que tout redevienne docile et tranquille. Sans contrepouvoir tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, la FIFA restera sous la Coupe de sa propre oligarchie née sous l'ère Havelange, prolongée et sophistiquée par Blatter. A moins d'un coup de théâtre au parfum de scandale planétaire…