La menace islamiste qui domine de nouveau l'actualité politique du royaume chérifien n'est plus une simple vue de l'esprit. Pour faire face à ce phénomène, les autorités marocaines ont adopté une nouvelle démarche : la réorganisation de la pratique religieuse. Les approches essayées et les moyens, tant politiques que policiers, utilisés jusque-là ont montré leur échec. Le royaume avait, d'abord, mis en place une politique répressive basée sur le renseignement, l'interpellation et la répression. N'ayant pas pu contenir une poussée de plus en plus menaçante de l'islamisme qui n'a cessé de démontrer son ancrage populaire, les autorités ont opté pour une politique dite de tolérance. Cette dernière consistait en la création de nouvelles élites politiques, c'est-à-dire des espaces de dissidence contrôlés pour couper l'herbe sous les pieds des mouvements les plus extrémistes, notamment l'association Al Adl Wal Ihsane (non reconnue), dont le chef n'est autre que l'intégriste cheikh Yacine. Au sujet de l'autre parti islamiste, à savoir le Parti de la justice et du développement (PJD), certains pensaient, à tort peut-être, que cette formation était sous le contrôle du pouvoir marocain. Lors des élections législatives du 27 septembre 2002, on s'en souvient, le PJD, qu'on présentait comme un parti islamiste modéré, était devenu la troisième force du pays avec 42 élus à l'Assemblée (sur 325 sièges). Lors des élections municipales, le même parti avait remporté 593 sièges sur 23 689. Trois ans après, les spécialistes de la scène politique marocaine estiment que le Maroc n'a pas encore réussi à gérer l'entrée des « islamistes légalistes » dans ses institutions. Les observateurs sont catégoriques : la stratégie de domestication de la mouvance islamiste a montré ses limites. Tout comme la répression engagée contre le mouvement Justice et bienfaisance de cheikh Yacine a lamentablement échoué. Pis encore, elle a grandement contribué à multiplier les foyers et les facteurs de tension et à alimenter un climat fortement délétère. A l'heure actuelle, les autorités officielles du royaume appréhendent les élections législatives de 2007. Le PJD va-t-il rafler la mise ? Les sondages annoncent d'ores et déjà un raz-de-marée de ce parti. Afin de contrer ou de réduire la montée de l'islamiste, en prévision des prochaines échéances électorales, le monarque Mohammed VI prône, désormais, une pratique religieuse empreinte de tolérance. Pour ce faire, le roi a annoncé récemment un nouveau programme afin de remodeler le champ religieux. La concrétisation de ce programme, aux yeux de ses initiateurs, passe par la réhabilitation du rite malékite en usage depuis des siècles dans le royaume chérifien. Cette démarche sera-t-elle enfin le remède idéal contre le venin islamiste ?