Deux faits marquants accompagnaient, voire encourageaient fortement l'agression israélienne contre les territoires palestiniens, déclenchée le 25 juin dernier, et qui se poursuivait hier. Tout d'abord, et cela ne fait que confirmer la tendance de l'électorat israélien qui a toujours porté au pouvoir des chefs de guerre et non pas des hommes politiques qui prônent la paix, en forte majorité d'Israéliens, est pour l'assassinat de dirigeants du mouvement islamiste Hamas afin d'obtenir la libération d'un soldat enlevé et stopper des tirs de roquettes contre Israël. Le sondage qui rapporte cette vérité, car il faut la traiter comme telle, a été publié hier par le quotidien Maariv. Les mêmes personnes, qui ont chassé du pouvoir des hommes qui entendaient promouvoir un processus de paix avec les Palestiniens, et assassiné leur Premier ministre Yitzhak Rabin en novembre 1994 et placé Ariel Sharon, se prononcent cette fois sur cette question, dans un contexte, il est vrai par la presse israélienne. 82% des personnes interrogées proposent de « commencer à liquider des chefs du Hamas », le mouvement islamiste à la tête du gouvernement palestinien, dont la branche armée a revendiqué une série d'attaques contre Israël. 52% des personnes interrogées proposent de bombarder des objectifs dans la bande de Ghaza, même si cela devait faire des victimes. 53% sont pour la réoccupation de zones de la bande de Ghaza. Selon un sondage publié hier, deux Israéliens sur trois soutenaient déjà une opération d'envergure de l'armée afin de mettre un terme aux tirs de roquettes. Cette opération lancée mercredi soir s'est soldée jusqu'à présent par la mort de 27 Palestiniens, combattants ou civils, dont quatre hier et d'un soldat. L'autre vérité, et cela n'a rien de surprenant tant cela est devenu une règle depuis l'invasion et l'occupation de la Palestine en 1948, Israël a exclu hier que le Conseil de sécurité de l'ONU adopte un projet de résolution demandant le retrait de l'armée israélienne de la bande de Ghaza. « Je m'attends à ce que les Etats-Unis mettent leur veto, mais j'espère que ce ne sera pas nécessaire car beaucoup de pays, notamment européens, nous ont informé qu'ils ne pouvaient accepter le texte du projet », a déclaré avec une belle assurance, le représentant d'Israël à l'ONU, Dan Gillerman. Voilà donc l'explication au silence de la communauté internationale devenue soudainement sans voix. Les Etats-Unis, qui possèdent le droit de veto, ont qualifié de « non équilibré » le projet de résolution qui demande à « Israël, puissance occupante, de cesser immédiatement son agression contre la population civile palestinienne dans les Territoires occupés palestiniens, retirer ses troupes sur des positions hors de Ghaza et libérer tous les responsables palestiniens détenus ». Le texte évoque également « la situation humanitaire épouvantable » des Palestiniens et appelle la communauté internationale à débloquer une aide financière urgente. Ce qui est extrêmement grave, et en même temps un affront pour une organisation qui perd sa vocation, celle de faire la paix à travers le monde. Ainsi donc, se trouve entériné le principe de l'impunité, mais aussi de l'arbitraire, avec une totale perversion des principes. De quel droit, en effet, peut se prévaloir Israël alors que les Palestiniens sont privés de leurs droits les plus élémentaires ? C'est la faillite du droit international et le total discrédit des puissances qui se présentent comme les défenseurs de la morale et du droit. Aucun de ces pays n'a d'ailleurs réagi quand le Cabinet israélien de sécurité a décidé mercredi de repousser la frontière israélienne et d'établir une zone de sécurité élargie dans le nord de la bande de Ghaza, comme il l'avait fait au Liban à la suite de son invasion de ce pays en juin 1982. Mais cela n'avait pas empêché la poursuite des opérations de la résistance libanaise, malgré aussi le déploiement dans cette zone d'une armée de supplétifs libanais, dite armée du Liban Sud. L'armée a reçu l'autorisation d'encercler Beit Hanoun et Beit Lahiya afin de créer un couloir coupant ces localités de la ville de Ghaza en cas de nécessité. Même si leur proportion n'est pas élevée, des Israéliens pensent que cette attaque se solde par un échec. Des responsables israéliens eux-mêmes se montrent prudents. « Je n'ai aucune idée de comment tout cela va se terminer », déclare publiquement le président de la Commission parlementaire des affaires étrangères et de la défense. A la crainte d'un enlisement à Ghaza se mêle un constat d'échec du retrait de ce territoire en septembre, surtout de la part de ceux qui y étaient opposés. Même le député de gauche Yossi Beilin, partisan d'une reprise des négociations avec les Palestiniens, considère que le retrait était « la démarche la plus erronée au monde », en raison de son caractère unilatéral, tout en ne regrettant pas de l'avoir soutenu, faute d'alternative. Une approche qui, selon Yossi Alpher, politologue, est partagée par la majorité des Israéliens. « Ce qui se passe aujourd'hui casse chez les Israéliens les illusions qu'a pu créer l'idée d'un désengagement d'Israël en Cisjordanie, mais ne rend pas moins nécessaire l'impératif de séparer les deux populations », estime-t-il. Quant à l'idée de séparation, de plus en plus développée par les stratèges israéliens, elle porte sur d'autres considérations que les Israéliens évitent de se poser. Elles évoquent tout simplement la disparition d'Israël en tant qu'Etat juif d'ici deux décennies.