Des dizaines de cars de CRS, des milliers de supporters, des drapeaux à foison, Barbès a vécu un soir pas comme les autres. L'élimination des Fennecs n'est pas ressentie comme une défaite. Jusqu'au bout de la nuit, un match et une ambiance inoubliables… Ils l'ont crié d'une façon ostentatoire : «M'Boulhi président !» Les dizaines de policiers déployés autour du quartier populaire de Barbès n'y ont rien trouvé à redire. Pas une place de libre ce lundi soir dans les cafés ou sur les trottoirs. Et comme l'arrêté anti-drapeaux étrangers improvisé par le maire de Nice n'a pas cours à Paris, l'emblème algérien a envahi les rues. Une ambiance bon enfant et tendue, bon enfant car quel que soit le résultat, les Fennecs ont déjà marqué un grand coup ; tendue car personne ne peut s'empêcher de rêver à un exploit. Hocine ne doute de rien : «Les Allemands ne me font pas peur, leur jeu trop cartésien est facile à décrypter pour le coach.» Difficile pour les nerfs a été ce match. Hocine est fébrile, crie, insulte, s'amadoue, parle à l'écran. Les minutes défilent. «Que l'entraîneur fasse rentrer Djabou, de battre mon cœur va s'arrêter.» Depuis la veille, sur les télévisions françaises, l'extrême droite a réussi le hold-up médiatique, relayé par l'hebdomadaire Le Point. L'objet de la polémique stérile dont la presse a le secret : «Faut-il abroger la double nationalité aux Français d'origine algérienne ?» 81% des lecteurs de ce magazine de droite ont voté «Oui». Et les commentaires sentent bon la naphtaline et l'épuration. Du bruit et de l'odeur à Barbès, chorba et cris de joie ou de rage, selon les actions. Sur le terrain, les Verts font jeu égal avec les Allemands. «Les Fennecs ont mangé du lion», lance un vieux. Les jeux de mots s'enchaînent comme pour détendre l'atmosphère. Le match s'achemine vers les prolongations. Les Verts sont pris de crampes, l'ulcère menace les supporters. Et survint Schurrle, suivi très vite d'Ozil. L'abattement est de courte durée, Djabou réduit la marque. Etrangement, les Algériens de Paris ne sont pas sonnés par la défaite. «Nous avons bien joué, nous aurions pu nous qualifier, c'est une défaite honorable. Nous avons désormais une belle équipe», résume Hocine. Les pronostics de l'extrême droite se sont révélés erronés. Il n'y a pas eu de débordements, de voitures brûlées et des affrontements avec les forces de l'ordre. A Lyon, des militants d'extrême droite ont brûlé un drapeau algérien et une manifestation du Bloc identitaire y a été organisée. Et, surprise de la soirée, un tweet, qui va à l'encontre de toute la fachosphère, signé par Jean-Marie Le Pen : «Chapeau bas à l'Algérie». Si même lui le dit…