Plus de 27 ans après l'assassinat, à Paris, de Ali André Mécili, l'affaire risque de s'éteindre à jamais. La famille du célèbre avocat et opposant algérien dénonce, en effet, une volonté d'enterrer une affaire malgré «l'existence» de «pistes» pouvant mener aux assassins. Dans une lettre envoyée à la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, Annie Mécili, veuve de l'avocat disparu, exprime sa crainte de voir le dossier de l'assassinat de son mari clos sans un procès. «Le nouveau juge d'instruction en charge de cette affaire nous a avisés que l'information lui paraissait terminée et qu'à l'issue des délais prévus, l'ordonnance de règlement pourrait être rendue», écrit la veuve Mécili dans sa lettre rendue publique sur le site Rue89.fr. Annie Mécili s'interroge sur l'issue d'un dossier aussi lourd. «Comment peut-on l'envisager dans un dossier aussi complexe montrant clairement l'implication des services de sécurité algériens ? », écrit-elle. Pour appuyer ses dires, Mme Mécili revient sur la genèse de l'affaire. Elle rappelle comment «le pacte du silence conclu entre Paris et Alger a conduit au renvoi en Algérie de l'assassin présumé, interpellé dès le 10 juin 1987 et expulsé en urgence absolue sur décision du ministre délégué à la Sécurité de l'époque, Robert Pandraud. Le principal suspect ayant ainsi été soustrait à la justice française au nom de la raison d'Etat, nous en sommes encore, 27 ans après, à réclamer justice». Après avoir rappelé que son mari était également citoyen français, Annie Mécili réclame justice. «Mes enfants et moi, citoyens français victimes d'un crime d'Etat, risquons, si ce dossier est clos, de devenir des exclus du dispositif judiciaire, comme si le temps permettait d'effacer un assassinat et d'absoudre des tueurs», écrit encore la femme du défunt. Si elle agit de la sorte, Annie Mécili avance que des pistes existent toujours pour retrouver les tueurs. «Madame la garde des Sceaux, je m'adresse à vous non pour que vous interveniez sur la décision d'un juge dont l'indépendance est au fondement de notre démocratie, mais pour qu'une loi vienne rendre impossible la clôture d'un tel dossier de crime politique. Qui plus est, s'agissant d'une affaire où les personnes à entendre, à commencer par le tueur présumé de mon mari, et les pistes à exploiter demeurent nombreuses», écrit encore Mme Mécili. Ali André Mécili, avocat et proche de l'opposition algérienne, notamment de Hocine Aït Ahmed, a été assassiné, le 7 avril 1987 à Paris devant son cabinet. Selon sa famille et ses amis politiques, l'assassinat est l'œuvre du pouvoir algérien. Le nom de Abdelmalek Amellou est souvent cité comme l'assassin présumé de Ali Mécili. Plusieurs enquêtes judiciaires ont été ouvertes en France, mais aucune en Algérie. Ali Mécili était un ancien militant pour l'indépendance de l'Algérie. Il a joué un rôle majeur dans le rapprochement, en 1985, de composantes de l'opposition algérienne, à commencer par une rencontre historique, à Londres, entre Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella.