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Cohabitation difficile, salafisme, drogue... la vallée du M'zab sur un volcan
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Publié dans El Watan le 14 - 07 - 2014

Les équilibres sont-ils définitivement rompus à Ghardaïa ? Depuis plus de huit mois, la vallée du M'zab est enfermée dans une zone de tension violente avec son cortège de morts et de blessés qui aggrave un vieux conflit sur lequel se sont greffés des éléments nouveaux qui complexifient davantage une crise déjà inextricable.
Si le conflit qui mine Ghardaïa tire ses origines du discours idéologique du pouvoir central, stigmatisant la société mozabite dès l'indépendance, il s'est exacerbé, ces dernières années, en prenant une tournure dangereuse soufflant sur le brasier identitaire. S'il est vrai que d'apparence l'opposition violente dans laquelle est engluée la cité mozabite est souvent présentée dans son versant religieux et communautaire, Mozabites-Chaâmbi et ibadites-malékites, les conflits recèlent bien des éléments divers qui s'accumulent au fil des crises et qui constituent le combustible d'une conflagration aux conséquences périlleuses. Le gouvernement avec son démembrement local, dont la mission est d'agir rapidement et en conséquence afin de circonscrire le feu, n'opère plus dans la région et n'arrive toujours pas à endiguer la crise.
Solution policière
Les autorités publiques réagissent par intermittence et limitent leur réponse à une solution policière qui jusque-là a montré ses limites, d'autant que plusieurs acteurs locaux accusent les forces de police de laxisme, voire de parti pris. La crédibilité de ce corps est sérieusement mise en cause. L'envoi des escadrons de la gendarmerie lorsque la violence atteint son paroxysme s'avère également inefficient. Le tout-sécuritaire n'opère plus. Les responsables sécuritaires locaux et centraux refusent d'endosser seuls les responsabilités d'un conflit, ils estiment que la gravité de la situation appelle d'autres solutions. Elles sont d'abord d'ordre politique. Le gouvernement, dont les membres annoncent pompeusement des «plans» de sortie de crise, refuse d'aborder de front la problématique que soulève Ghardaïa dans sa globalité. Les engagements pris par les hautes autorités du pays n'ont pas été respectés.
Impunité et narcotrafic
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui jurait par tous les saints de la vallée qu'il ne quitterait pas la région avant de trouver une solution définitive, n'a plus parlé de ce conflit une fois la présidentielle passée. Cette attitude est fortement ressentie chez les populations locales, qui s'estiment abandonnées par L'Etat. «Où sont vos promesses monsieur Sellal», scandaient des Mozabites, hier, lors de leur sit-in. Les autorités politiques sont-elles à ce point incapables de résoudre une crise locale qui déborde des frontières de la vallée ? Ou bien refusent-elles de donner au conflit une dimension politique qui risque de leur échapper ? Permissives ou complices ? Les habitants de Ghardaïa réclament plus d'Etat et accusent ouvertement le pouvoir d'instrumentaliser la région à des fins occultes.
A l'échec des pouvoirs publics, qui est fortement éprouvé, s'ajoute le sentiment d'impunité. Alors que les violences ont fait jusque-là plusieurs victimes, des dizaines de blessés et des dégâts matériels énormes, aucun des auteurs de crimes n'a été jugé. «Les criminels en liberté et les innocents emprisonnés», crient les citoyens de la vallée. Il est bien curieux d'observer que la justice, si prompte à réagir quand il s'agit de brimer des syndicalistes et les militants de droits de l'homme, traîne le pas dans un cas comme celui de Ghardaïa. La remarque est valable aussi pour les forces de l'ordre qui soumettent la région à un quadrillage policier n'arrivent pas à mettre la main sur les fauteurs de troubles, les commanditaires et les auteurs de crimes.
L'impunité qui règne en maître des lieux encouragée par une administration locale laxiste et dont certains de ses segments sont de connivence avec les réseaux maffieux «rassure» les chasseurs en eaux troubles dont l'objectif est de porter un coup fatal à une organisation millénaire et faire régner le désordre, terrain favorable à toutes sortes de trafics, notamment celui de la drogue. «Le M'zab reste une étape historique sur les routes sahariennes. L'affaiblissement de l'organisation d'une société fait la part belle aux trafiquants et aux trabendistes, des acteurs de cette économie informelle née précisément de l'absence d'un projet économique de développement. Tout cela explique combien il est nécessaire pour nombre de prédateurs de briser l'organisation sociale susceptible de faire barrage à une gestion dérégulée de la région», observe Fatma Oussedik.
Il suffit d'écouter attentivement cette sociologue spécialiste de la question qui a passé son temps à éclairer l'opinion et à alerter les autorités du pays sur les menaces qui guettent non seulement le M'zab mais au-delà, pour comprendre la tragédie qui se joue à Ghardaïa.
Le jeu trouble des salafistes
Pendant que la vallée du M'zab est prise dans une spirale infernale qui dure déjà depuis quelques années, une nouvelle strate aussi redoutable que dangereuse s'est greffée à la couche des éléments constitutifs de la crise : le mouvement salafiste. L'apparition soudaine de ce courant religieux radical, qui contrôle des mosquées, exacerbe les tensions. Son discours à l'égard du rite ibadite est d'une virulence rare. «Le grand problème vient des salafistes qui nous empoisonnent la vie, il se pose avec une certaine acuité ici. Ce mouvement posera de sérieux problèmes dans toute l'Algérie. Il est aussi contre l'imam Malek», explique Mohamed Djelmami, une des figures locales. L'islamologue, Zaim Khenchlaoui confirme cette thèse.
«Désormais tout le monde peut constater que là où il y a du salafisme il y a des crises, des larmes, du sang et des morts, que ce soit à Ghardaïa ou ailleurs. Son principal objectif est de détruire l'islam et les musulmans. C'est sa feuille de route. Il s'agit d'un processus d'éradication du principe même du vivre-ensemble ayant fait, jadis, la splendeur de l'islam à Grenade, Cordoue, Alger, Tlemcen et à Constantine où juifs, chrétiens et musulmans vivaient côte à côte en parfaite symbiose», analyse-t-il.


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