Homme de l'ombre, comploteur dans les dédales secrets du régime, Mohamed Meguedem a été limogé de son poste de conseiller à la Présidence, une fonction parmi tant d'autres qu'il a occupées moyennant l'intrigue et la manipulation. Remue-ménage au palais d'El Mouradia. La présidence de la République vient de mettre fin aux fonctions du ténébreux chargé de mission Mohamed Meguedem à la faveur d'une opération de mise à l'écart de certains conseillers, dont le général Mohamed Touati, Rachid Aïssat et le secrétaire particulier du Président, Mohamed Rougab. La révocation de Meguedem met fin à la carrière d'un des plus obscurs personnages de la République. Il a sévi longtemps dans les rouages de l'Etat, incarnant, avec beaucoup d'autres, l'image hideuse de la haute administration du pays.1 Originaire de Bordj Bou Arréridj, autodidacte, Mohamed Meguedem a réussi une incroyable ascension des échelons de la République. D'employé de la Société nationale de transports de voyageurs, dans les années soixante-dix, à homme des plus influents du pays malgré les postes secondaires qu'il a eu à occuper à la chefferie du gouvernement puis à la Présidence durant les règnes de Chadli puis de Bouteflika. Profitant de sa proximité avec le centre de décision, Mohamed Meguedem est devenu, au fil des ans et des circonstances, un homme de réseaux et d'influence. Un homme de pouvoir au cœur d'enjeux transversaux. Il est au centre des milieux d'affaires politiques et militaires. Un artisan des circuits informels, la marque de fabrique d'un régime qui a fini par réduire la notion d'Etat à sa plus simple expression. Sa carrière dans l'administration centrale commence quand Ahmed Ben Ahmed Abdelghani, alors chef de gouvernement sous Chadli, fait de lui son chef de cabinet. Miraculeusement, l'homme voit s'ouvrir grandes devant lui les portes du palais dont il ne sortira pas sans avoir laissé son empreinte dans le marbre d'une République délabrée. Son passage à la chefferie de gouvernement n'est qu'un test d'entrée en scène. Une rampe de lancement. Il est vite bombardé inspecteur général de la présidence de la République. Un poste à partir duquel il va asseoir son pouvoir et bâtir son empire en mettant en place des réseaux sur lesquels il s'appuiera pour durer le plus longtemps possible dans les arcanes du pouvoir.Au palais d'El Mouradia il a réussi par des procédés habiles et un grand art de l'intrigue dont il a la maîtrise, pour se faire une place et surtout se rendre indispensable. Pour «convaincre» le président Chadli de le garder dans sa cour, Meguedem réussit à se faire admettre dans le cercle familial du Président. «Il rendait beaucoup de services à la femme de Chadli», témoigne un haut fonctionnaire qui a fréquenté le personnage à la présidence de la République. Et c'est à travers la femme du Président, dont l'influence était considérable sur de nombreux hauts dignitaires du régime, que Mohamed Meguedem s'assure les faveurs du roi. Un as de la manipulation A la faveur de la restructuration de l'administration de la présidence de la République, en 1987, l'ancien employé de la SNTV se voit désigné chef du département communication. Une promotion inespérée pour un homme qui rêvait de jouer un rôle capital. Fort du soutien du Président, Meguedem déploie son «savoir-faire» pour dompter les récalcitrants et surtout broyer ses adversaires. Des témoins racontent les chassés-croisés avec Kasdi Merbah, alors chef de gouvernement. L'ancien puissant patron de la redoutable Sécurité militaire «a subi à plusieurs reprises les foudres rageuses de Meguedem. Et ce dernier a eu souvent gain de cause contre un Merbah finissant, tombé en disgrâce. Même le tout-puissant Larbi Belkheir le redoutait». L'homme se révèle sous sa face sulfureuse en lançant des campagnes de dénigrement et de persécution contre des ministres, des hauts cadres, des dirigeants d'entreprise. «C'est un homme qui a réussi à mettre à sa botte de hauts responsables de l'Etat en usant des méthodes les plus dégueulasses. Il sait comment les prendre. C'est un maître-chanteur qui terrorise les ministres et les hauts dirigeants. Des généraux se mettent au garde-à-vous devant lui», raconte un ancien haut fonctionnaire. D'autres disent de lui que «c'est quelqu'un qui aime humilier les puissants». Pas seulement, car le personnage puissant qu'il était faisait et défaisait les carrières. En raison de ses agissements sulfureux et de son nom associé à de sombres affaires, l'intouchable chef d'orchestre de la communication du palais devient encombrant, mais pas facile à éjecter de l'orbite présidentielle. De nombreux témoignages assurent que c'est le secrétaire général de la Présidence à l'époque, Mouloud Hamrouche, qui a réussi le «coup de génie» de le mettre hors d'état de nuire. Meguedem ne va pas oublier «l'affront». Il va s'employer, à travers L'Hebdo libéré, un journal dont il était le vrai patron, à lancer une campagne de dénigrement contre les réformes politiques de Mouloud Hamrouche. «Il a joué un rôle-clé dans le discrédit de Hamrouche et de ses réformes. L'Hebdo libéré était une pièce d'artillerie entre ses mains contre les réformateurs», se souvient un journaliste. S'il a réussi à trouver un point de chute dans le staff de Ghozali toujours en s'occupant de la presse, Meguedem entame tout de même sa traversée du désert. Grillé par les projecteurs mais pas au point d'être carbonisé. Il saisit le retour de Bouteflika aux affaires pour revenir en grâce. C'est auprès de Larbi Belkheir qu'il va trouver l'écoute qui finit par le réintroduire dans le sérail, en 2001. Il se fait nommer conseiller par décret non publiable chargé de mission. Sous Bouteflika, le personnage reprend du poil de la bête et s'adapte aux nouveaux temps et aux nouvelles mœurs d'une République dégradée. Connu pour sa proximité avec le secrétaire particulier du Président, Mohamed Rougab, le chargé de mission devient l'homme le mieux renseigné de l'Etat. C'est lui qui, en premier, informe les cadres et les ministres fraîchement nommés en leur disant que c'est grâce à lui «qu'ils le sont». «C'est sa façon d'en faire ses obligés», commente un ancien ministre. Le personnage réactive ses réseaux, injecte de nouveaux affidés dans le système, participe à la stratégie de mise en place d'un «nouveau paysage médiatique» et s'emploie à briser des journaux critiques à l'égard de la politique de Bouteflika. Mais depuis une année, Mohamed Meguedem se trouve encore une fois en «observation». En sourdine, le patron de la DGSN, Abdelghani Hamel, l'a placé dans son viseur pensant que Meguedem convoitait le poste de patron de la police. Traînant l'image du «voyou» d'une République abîmée, Mohamed Meguedem voit ainsi son étoile pâlir. Il aura incarné dans la réalité le personnage sulfureux, ambitieux et sans scrupule de Tombéza dans le roman de Rachid Mimouni.