Vous aimez l'histoire, mais vous n'avez pas le courage d'affronter la lecture de gros volumes chargés de références bibliographiques et de notes en bas de page en cette saison estivale... Qu'à cela ne tienne, une expo au palais des Raïs vous fait un dessin ! Retour en images sur quatre siècles d'histoire algérienne avec des dessins d'époque au Bastion 23. A travers les dizaines de dessins, lithographies et autres aquarelles, prêtés par le Musée des Beaux-Arts, nous plongeons dans quelques aspects de l'histoire d'Algérie, de la Régence d'Alger à l'invasion française. La thématique retenue pour cette belle exposition est «l'aspect iconographique de la défense de l'Algérie du XVIe au XIXe siècles». En clair, il s'agit de dessins décrivant, souvent avec précision, les systèmes de défense des villes algériennes. Alger, centre du pouvoir de la Régence, est largement représentée mais on retrouve aussi d'autres villes stratégiques comme Jijel, Tlemcen ou Béjaïa. Les auteurs des œuvres exposées sont souvent des «artistes militaires anonymes chargés de décrire, au jour le jour, l'avancé du corps expéditionnaire», lit-on dans la présentation. Loin de les discréditer, leur qualité de militaire rajoute à la fiabilité historique de leurs œuvres. En effet, contrairement aux peintres orientalistes, qui arriveront plus tard, en quête d'un illusoire exotisme, ces artistes militaires s'en tiennent le plus souvent à la description fidèle. L'objectif de ces dessinateurs en mission pour des pays européens est précisément de «connaître l'ennemi». L'architecture des villes est soigneusement reproduite ; l'armement, la marine et même les costumes des différents corps (janissaires, raïs, etc) sont représentés avec précision… en prévision d'éventuelles invasions. En effet, du XVIe au XIXe siècles, les candidats à la prise des villes algériennes sont nombreux. Ce sont d'abord les Espagnols qui ouvrent le bal avec l'esprit revanchard de la Reconquista. Oran est prise en 1509, suivie par Béjaïa et Jijel. Alger sera ensuite l'objet de nombreuses batailles et au cœur des convoitises espagnoles, françaises. Même les Anglais et les Danois tenteront leur chance et feront face au puissant système défensif algérien. Ces batailles sont à chaque fois immortalisées par des estampes et dessins hauts en couleur. Dans une estampe consacrée au bombardement d'Alger par les Britanniques en 1816, on voit, au milieu d'un nuage de fumée et de flammes surgissant de toutes parts, les navires bombardant la ville et les canons ripostant de plus belle. Ailleurs, c'est une bataille à terre qui oppose les hommes de l'Emir Abdelkader à l'armée française en 1840 à Mazagran (sud de Mostaganem). La scène est digne d'un film d'action. Des blessés et des mourants gisant au sol au premier plan, des centaines d'hommes à pied ou à cheval courant à l'assaut des positions françaises et des boulets de canon traversant le ciel au loin. Certes, la représentation est un peu «naïve», le trait rigide et les attitudes figées mais cela ne manque pas de donner un certain charme désuet à ces images. Certaines estampes sont d'ailleurs tirées des fameuses lithographies produites à Epinal. Durant le XIXe siècle, cette ville française s'était spécialisée dans la reproduction en série d'une imagerie populaire haute en couleur et plutôt stéréotypée. L'expression «Image d'Epinal» est d'ailleurs devenue proverbiale pour désigner un cliché en général. A l'autre bout de la palette artistique, on croise également des œuvres d'une grande finesse et d'une valeur artistique certaine. C'est le cas de quelques aquarelles anonymes représentant des paysages et des scènes quotidiennes à Alger au XIXe siècle. Par ailleurs, une grande partie des images exposées est tirée de l'iconographie historique de l'Algérie depuis le XVIe siècle jusqu'à 1871 de Gabriel Esquer. Un ouvrage en trois volumes publié en 1929, mais qui reste une référence en la matière. L'exposition qui a ouvert ses portes le 18 juillet à l'occasion de la Nuit des musées et avec le concours de l'équipe du site Babzman.com a été accompagnée d'un concert chaâbi animé par Abdelkader Chercham et d'une visite guidée nocturne du palais des Raïs. Ce bâtiment est un bel exemple d'ensemble architectural intégré dans le système de défense de la ville. Le choix d'un tel lieu est tout à fait judicieux pour la thématique de l'exposition. Vous pourrez visiter le contenu et le contenant de cette exposition durant tout le mois de Ramadhan.