L'Algérie a officiellement demandé, au début du mois passé, le rapatriement du légendaire canon Baba Merzoug, celui-là même qui avait valu à Alger, sous la régence ottomane, sa réputation de citadelle imprenable. «Une demande officielle des autorités algériennes pour le faire revenir à Alger a été déposée au Quai d'Orsay début juillet», indique une conseillère du cabinet de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, citée hier samedi, par le quotidien français Ouest France. Malgré cette demande officielle, note le quotidien français, le retour du canon en Algérie est loin d'être acté. Pour cause : «L'Amirauté est très attachée à ce canon, qui fait partie désormais de l'histoire de la Marine nationale», a prévenu le ministère de la Défense. Le sort du canon est examiné en ce moment par le ministre des Affaires étrangères. Une campagne pour le rapatriement de cette pièce d'artillerie, unique en son genre, qui a protégé Alger près de trois siècles durant, a été lancée depuis 1999 par des historiens et des passionnés de l'histoire du pays, à l'instar de Belkacem Babaci. Les autorités françaises, notamment la municipalité de Brest qui abrite le célèbre canon (appelé par les français La Consulaire), depuis 179 ans, s'y sont catégoriquement opposées. Ce canon de 12 tonnes, long de 7 m, capable de tirer à 4,8 km, est l'un des symboles des relations franco-algériennes. Le canon avait été ramené en France comme trophée de guerre le 5 juillet 1830, au moment de la conquête de l'Algérie. Transformé en colonne, il est érigé au milieu de l'arsenal de Brest en 1833. Dans son ouvrage l'Epopée de Baba Merzoug, canon d'Alger, publié en 2010 par les éditions Colorset, M. Babaci fait un véritable plaidoyer pour le retour de cette pièce historique sur sa terre algérienne. Construit en 1542, Baba Merzoug était la plus importante arme de défense dans tout le Bassin méditerranéen et sans rival pendant des siècles. Il a fallu attendre la Première Guerre mondiale pour que les Allemands construisent «la grosse Bertha», dont la longueur était de cinq mètres. Baba Merzoug faisait ainsi la fierté d'El Djazaïr et des différents pachas, deys et raïs célèbres de la marine algérienne qui se sont succédés à la tête de la ville d'Alger à partir du XVIe jusqu'au début du XIXe siècle.Aujourd'hui, le canon Baba Merzoug, rebaptisé «La Consulaire» par les Français, se trouve à Brest, spolié par l'amiral en chef Victor-Guy Duperré, qui avait fait transférer le canon dans sa ville natale en 1833. Son emplacement est interdit aux visites puisqu'il se situe en zone militaire, en plein milieu d'un parking du port des frégates de la marine française à Brest. La restitution de cette pièce historique n'est pas une revendication algérienne. Ironie de l'histoire, c'est un breton, homme d'affaires de son état, qui milite activement depuis 2003 pour sa récupération par l'Algérie. Encouragé par le précédent du sceau du Dey Hussein, remis par le président Jacques Chirac à son homologue Abdelaziz Bouteflika, Domingo Friand, passionné d'histoire a mené une campagne assidue en faveur du retour de Baba Merzoug à Alger. Il souhaite que le canon, érigé, l'affût à la verticale, soit remis aux autorités algériennes. Il promet alors une cérémonie œcuménique à Alger, avec un imam et un évêque, «en mémoire des victimes de la colonisation et en lieu et place du Traité d'amitié franco-algérien qui n'a jamais été signé». Militant de l'UMP, parti du président Nicolas Sarkozy, Domingo Friand a d'abord plaidé la cause de Baba Merzoug auprès de la députée du Finistère Marcelle Ramonet, qui a notamment évoqué l'affaire, en 2004, avec l'ex-maire de Bordeaux et ancien ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. La députée de l'UMP a ensuite transmis le dossier à la ministre de la Défense de l'époque, Michelle Alliot-Marie, en mars 2005. Celle-ci avait alors opposé un refus.Notons qu'outre la pièce Baba Merzoug, près de 24 canons algériens sont également exposés sur la place des Invalides en France sans aucune plaque ou indication de leur provenance et objets de dégradations diverses. Y. D.