Des maisons incendiées et des blessés. Et voilà les démons de la violence qui se réveillent encore une fois, dans cette ville de Berriane, jadis paisible et coquette. Le soir même du premier jour de l'Aïd El Fitr, alors que de partout des voix s'élèvent et des personnes se mobilisent pour une grande action de réconciliation entre les communautés ibadite et malékite, des pyromanes ont tenté de mettre le feu aux poudres, hier matin, à Berriane, à 45 km au nord du chef-lieu de wilaya. Le choix de cette date et de ce lieu de relance de la violence est-il fortuit ? Rien n'est moins sûr. Selon des témoignages recueillis sur place de sources diverses, les incidents ont éclaté vers 20h30 sur la RN1, qui traverse la ville, lorsqu'une femme «arabe», qui marchait sur le trottoir attenant au cimetière ibadite qui fait face à la polyclinique de la ville, a été victime de jets de pierres provenant du quartier mozabite. Des jeunes «Arabes» qui étaient juste à côté, à proximité du café Miki, se sont tout de suite portés à son secours et se sont accrochés avec de jeunes Mozabites. L'incident a rapidement pris de l'ampleur pour se transformer en bataille rangée entre les jeunes des deux communautés. La nuit aidant et les forces de l'ordre prises au dépourvu, plusieurs quartiers, tels que Kef Hamouda, El Madagh et surtout le vieux quartier de Baba Sâad ont été entraînés dans l'engrenage de la violence. Des cris de femmes et d'enfants appelant à l'aide, fusaient de ce dernier quartier d'où montait vers le ciel un nuage de fumée noire. «Il y a des maisons qui flambent au bas du quartier, au moins sept d'entre elles ont été incendiées par les Mozabites qui continuent d'harceler les habitants, les sommant de sortir de chez eux», crie un jeune coiffé d'un casque de moto pour se protéger des jets de pierres et de bouts de métal. D'ailleurs, nous avons rencontré, sur notre chemin sinueux dans ce dédale de ruelles menant vers le vieux quartier, plusieurs personnes blessées allant se faire soigner dans des lieux discrets, loin des services de sécurité. Les détonations de grenades lacrymogènes ont retenti toute la nuit pour tenter de repousser les assaillants, sans résultat. Ceux-ci avaient l'avantage du terrain difficile d'accès. Des cocktails Molotov ont été lancés sur les terrasses des maisons et même dans certaines petites boutiques des quartiers qui ont fait les frais des pyromanes qui étaient bien armés. Des centaines d'automobilistes et de camionneurs ont été pris au piège aux deux extrémités de la ville, créant, à leur corps défendant, un embouteillage de plusieurs kilomètres, espérant une accalmie pour traverser la ville, passage obligé pour tout usager de la route à cet endroit. «Depuis que ces affrontements se déroulent ici à Berriane prenant en otages, à chaque convulsion intercommunautaire, les usagers, le contournement de cette ville à problèmes aurait dû être réalisé depuis bien longtemps», peste un cadre de Sonatrach qui, venant de Hassi Messaoud, devait rejoindre, avec sa petite famille, Alger pour célébrer le deuxième jour de l'Aïd avec ses parents. En dépit des passages répétés du camion bélier de la police pour dégager la voie des amas de pierres et de toutes sortes d'objets hétéroclites qui jonchaient le bitume, celle-ci restait impossible à emprunter compte tenu des jets ininterrompus de cocktails Molotov et de pneus enflammés qui déboulaient des hauteurs de la ville. Malgré la présence de dizaines d'éléments antiémeute de la police, ramenés de la caserne de l'Unité républicaine de sécurité (URS) de Gar Ettaâm sur la route de Guerrara, les affrontements, qui ont duré toute la nuit pour se poursuivre le lendemain, n'ont cessé de redoubler d'intensité. Plusieurs policiers ont été blessés, mais en l'absence de réponse de la cellule de communication de la sûreté de wilaya de Ghardaïa, nous n'avons pas pu avoir de bilan sur le nombre de blessés et d'arrestations. Une rumeur insistante sur les lieux laisse entendre qu'il y aurait une victime décédée des suites de ses blessures.Nous n'avons, encore une fois, pas pu confirmer cette information, les services hospitaliers de Berriane et de Sidi Abbaz à Ghardaïa, contactés par téléphone, ont pour leur part déclaré n'avoir enregistré aucun décès à leur niveau. Hier à 16h, les affrontements se poursuivaient.