Une réflexion sur l'éventuelle pénalisation des violences conjugales est actuellement engagée au plus haut niveau de l'Etat, dans le but de réduire ce fléau. C'est ce qui est ressorti des débats des deux journées du premier atelier local, tenu à Alger, sur la violence contre les femmes organisé lundi et mardi, à Alger, par l'association Femmes en communication avec l'aide du programme Karama (dignité), une ONG, qui relève du mouvement international V-Day, créée en 1998 pour faire cesser la violence pratiquée contre les femmes et les jeunes filles. Le programme Karama œuvre à établir des contacts entres les femmes arabes en faveur de la mise en place de réseaux nationaux, et sa première initiative fut la création d'un centre en Egypte dans l'attente de s'établir en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Algérie, au Maroc, au Soudan et en Tunisie. Lors des travaux, les participantes, parmi lesquelles la présidente du programme Karama, la coordinatrice régionale du programme en Jordanie et des représentantes du mouvement associatif, des ministères de la Condition féminine et de la Solidarité, de la Sûreté nationale, ainsi que des journalistes, avocates et juristes ont abordé la violence sous toutes ses formes. Dans une communication sur l'« impact de la violence sur la pratique politique », la député Samia Moualfi a évoqué les différents facteurs qui bloquent l'accès de la femme aux différents centres de prise de décisions et qui, selon elle, sont d'ordre socioculturel. Pour faire tomber ces barrières, il faudra, selon elle, organiser des campagnes de sensibilisation qui encouragent la femme à adhérer aux partis et lui permettre de siéger dans les différentes Assemblées élues. Mme Samia Ghomri, enseignante en sciences administratives et commerciales à l'université d'Alger, a déclaré que la violence « est un phénomène nourri par le chômage et l'analphabétisme ». Etant donné que le harcèlement sexuel est une forme de violence, Mme Soumeya Salhi, présidente de la commission femme à l'UGTA, a expliqué que ce phénomène constitue « une atteinte à la dignité et à la santé physique et morale ». Pour elle, la criminalisation du harcèlement sexuel ne sera que justice pour les victimes. La juge, Mme Kaddache, est revenue sur les nouvelles dispositions du code de la famille, précisant, à titre d'exemple, que le code pénal a incriminé le père qui ne verse pas de pension à ses enfants et cette sanction peut aller jusqu'à l'emprisonnement dans certains cas. Mme Baya Hachemi, réalisatrice, a rappelé que par le passé le théâtre à succès construisait, en grande partie, sa production sur la violence et la satire contre la femme. « Aujourd'hui, le théâtre, le cinéma et la télévision peuvent jouer un rôle important dans le changement des mentalités », a-t-elle dit. 7419 femmes victimes de violence en 2005 Mme Messaoudène, commissaire de police, a avancé des chiffres inquiétants sur la violence à l'égard des femmes et qui, selon elles, ne cessent de prendre de l'ampleur. En 2005, les services de police ont enregistré 7419 cas de violence, dont 5179 sont physiques, 277 sexuelles, 1753 mauvais traitement, 34 assassinats et 176 cas de harcèlement sexuel. Les maris viennent en deuxième position auteurs de ces violences, avec 911 cas, suivis des frères avec 332 cas, puis des amants, 231 cas, les enfants, 212 cas et enfin les pères 78 cas. Durant le premier trimestre 2006, les mêmes services ont enregistré 1762 femmes victimes de violence, parmi lesquelles 1113 ont subi des atteintes physiques, 53 sexuelles, 527 ont été maltraitées, 6 ont été tuées et 63 ont été victimes de harcèlement sexuel. Les auteurs de ces violences sont, pour 237 cas, les maris, 67 cas, les frères, 67 cas, les amants, 52 cas, les enfants, et 30 cas, le père. Selon l'officier de police, le problème réside dans l'absence de structures d'accueil pour les victimes. Le représentant du ministère délégué chargé de la Famille et de la Condition féminine a mis l'accent sur les conséquences de la violence sur la cellule familiale et la santé de ses membres, rappelant la campagne nationale menée par son département en novembre dernier sous le slogan : « La lutte contre les violences est une affaire de tous ». Parce que cette lutte demande, selon elle, « une stratégie nationale claire, le ministère a entamé récemment avec les services de sécurité la mise en application d'un programme de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violence, étalé jusqu'en 2007. Il s'agit d'une nouvelle méthodologie de prise en charge, de la mise en place d'alliances pour réformer la législation et changer les comportements et enfin d'encourager les compétences nationales en matière technique et institutionnelle à travers une coordination organisée entre le gouvernement et la société civile ». A ce titre, elle a indiqué qu'une enquête nationale, qui touche 2000 femmes à travers le pays, vient d'être lancée.