Lundi et mardi derniers, les commerçants de plusieurs localités de la bande frontalière (Maghnia, Beni Boussaïd, Marsat Ben M'hidi, Nedroma, Ghazaouet, Beni Snouss…) ont carrément fermé boutique pour protester contre une circulaire ministérielle les assujettissant à une autorisation de circuler. En effet, la circulaire ministérielle n°35 du 17 juin 2014, qui vient de confirmer et de durcir celle de juin 2005, tombe comme un couperet sur les localités de la bande frontalière. Cette mesure douanière instaurant une autorisation de circulation d'un grand nombre de produits de consommation pénalise non seulement les commerçants, mais se répercute durement sur le pouvoir d'achat des habitants frontaliers. Entré en vigueur dimanche dernier, ce qu'on appelle le passavant fait déjà ses victimes. Depuis cette date (dimanche), pour ceux qui ont la chance de trouver une bouteille d'eau minérale, ils l'ont payée à 50 DA. Les boissons gazeuses se vendent sous la table… à plus de 50% de leur prix légal. Les étals des boutiques sont vides. «Nous n'avons pas de yaourt, déplacez-vous à Tlemcen pour vous en procurer, ici c'est comme si vous n'êtes pas sur le territoire algérien», rétorque un commerçant, hors de lui. Bizarrement, en voulant éradiquer la contrebande, l'Etat en a créé une… qui profite toujours aux Marocains. Et c'est l'eau minérale (Sidi Hrazem, par exemple) et les sodas de Sa Majesté qui viennent au secours de la population. Ahmed Belkheir, président d'association de quartier tempête : «C'est drôle tout ça, l'Etat algérien a creusé des tranchées profondes, érigé des postes avancés et mobilisé des patrouilles sur le tracé frontalier. De leur côté, les Marocains ont élevé des grillages… Malgré cela, la frontière demeure poreuse. Est-ce la faute des commerçants si la contrebande persiste ? Je vous le dis moi, c'est un véritable pacte entre le makhzen et une grande partie des surveillants de notre frontière qui sont derrière tous les trafics.» Embargo Il suffit de rôder du côté du tracé frontalier pour constater qu'il faut montrer patte blanche pour transporter dans les deux sens tout ce qu'on veut. Et les milliers de tonnes de drogues saisies en dehors de la zone frontalière en sont une des preuves. Un communiqué de la douane régionale de Tlemcen qui nous a été transmis informe que «pour ne pas enfreindre la réglementation et tomber sous le coup de la loi, les commerçants sont priés de s'approcher des services des douanes pour s'informer des nouveaux produits sujets à l'autorisation de circulation». Parmi les nouveaux produits qui doivent être déclarés à la douane au niveau du carrefour 35 (Maghnia-Tlemcen-Oran) figurent, pour la première fois, les aliments secs, l'oignon, les œufs, les huiles de table, le sucre, les dattes, les pâtes alimentaires, les eaux minérales, gazeuses et les jus, les ustensiles de cuisine, les téléviseurs, les appareils de réception (démodulateurs) et l'électroménager… «C'est quand même curieux et injuste ; ce passavant nous donne l'impression que nous ne faisons pas partie du territoire national, proteste un commerçant. On est tous contre le trafic, mais justement pour lutter contre ça, il faut qu'on surveille les frontières, pas les commerçants à 35 km de cette frontière avec le Maroc. Non seulement cette circulaire nous contraint à payer plus de taxes, et en plus de la suspicion sur nous, elle pénalise le citoyen de la région.» Dans les localités frontalières (Maghnia, Beni Boussaïd, Bab El Assa, Nedroma, Ghazaouet, Marsat Ben M'hidi), le consommateur paie presque le double les produits de consommation par rapport à celui de Tlemcen, Remchi et Sebdou, par exemple. L'Etat algérien, sans mesurer les conséquences de cette circulaire, a imposé un embargo économique sur une population algérienne de plus de 800 000 habitants.