Le Premier ministre a fini par annoncer, devant les députés que cette année ne verra pas l'élaboration d'une LFC comme ce fut le cas en 2013. En cette deuxième quinzaine du mois d'août, l'heure est à l'attente des grandes lignes de la loi de finances 2015 (LF 2015) et du montant officiel que dégagera le gouvernement pour le plan quinquennal 2015-2019. Si les axes principaux du programme sont déjà connus — le gouvernement mise sur le développement de l'agriculture, l'industrie, l'énergie et le tourisme comme points nodaux de la relance de l'économie nationale — l'aspect financier reste à éclaircir. Il en est de même pour le mode d'emploi. Reste également à savoir si l'équipe de Abdelmalek Sellal réussira à rompre avec les anciennes pratiques (surcoûts, retards de réalisation, non maturation des projets, malfaçons…) qui ont lourdement entaché les précédents programmes quinquennaux. C'est, d'ailleurs, sur ces questions que sont attendus les responsables des différents secteurs. Globalement, dans l'ensemble des départements ministériels, l'on annonce des projets et des réformes. Tout cela aura bien évidemment un coût à quantifier. Ce que Sellal dévoilera incessamment comme il l'a annoncé lors de la sa visite, début juillet, à Batna. Bientôt, des détails seront donnés sur la loi de finances 2015 et sur le plan quinquennal 2015-2019. Ce dernier accordera, selon Sellal, la priorité à «l'amélioration de l'infrastructure de base et à l'entrepreneuriat, d'une manière générale, conformément aux engagements pris dans ce sens.» Ainsi, en application des promesses électorales et des différentes annonces faites dans ce cadre, l'abrogation de la loi n°90-11 relative aux relations de travail, décidée lors de la dernière tripartite, le rétablissement du crédit à la consommation en faveur de la production nationale ainsi que d'autres mesures contenues dans le programme présidentiel du chef de l'Etat seront incluses dans la loi de finances (LF) 2015. Initialement, certaines mesures devaient être rendues officielles dans une loi de finances complémentaire (LFC) pour 2015 comme l'avaient indiqué certains membres de l'ancien exécutif. Mais le Premier ministre a fini par annoncer devant les députés que cette année ne verra pas l'élaboration d'une LFC comme ce fut le cas en 2013. Le gouvernement compte, sur un autre plan, réduire le nombre de comptes spéciaux budgétaires à 55 en 2015 (dans le cadre de la LF 2015), contre 68 actuellement avec l'objectif de les clôturer à l'horizon 2018. C'est ce qu'a fait savoir, en juin dernier, le directeur général de la comptabilité au ministère des Finances lors d'une journée consacrée à la loi sur le règlement budgétaire. Ces comptes ont, faut-il le rappeler, fait l'objet de nombreuses critiques notamment par la Cour des comptes qui a évoqué des zones d'ombre dans la gestion des comptes d'affectation spéciale. D'où, d'ailleurs, cette décision d'opérer un assainissement progressif. Finira-t-on par dépasser les effets d'annonce ? Il s'agit, surtout, d'accorder dans le cadre de la loi de finances 2015, qui marquera le lancement du plan quinquennal — lequel mise sur la relance économique — plus de facilités aux porteurs de projets via des dispositifs de création d'entreprises, d'alléger les procédures administratives et, enfin, d'instaurer un climat des affaires favorable aux opérateurs économiques nationaux et étrangers. C'est principalement sur cette question que les attentes sont focalisées d'autant que le flux d'investissements n'a pas connu une amélioration notable ces derniers mois. Entre les intentions et les concrétisations sur le terrain, la différence est de taille en dépit du satisfecit affiché du côté de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). Qu'en sera-t-il justement dans les faits concernant le volet climat des affaires ? Finira-t-on par dépasser les effets d'annonce et passer à l'action ? Autant de questions qui reviennent régulièrement dans les débats au moment où l'on continue avec la politique des promesses. Tout près, le 17 juillet dernier, le Premier ministre avait annoncé la création, d'ici à 2020, de 600 000 emplois dans l'industrie. Comment créer ces 600 000 emplois en six ans ? Pour Abdelmalek Sellal, il s'agit de miser sur l'augmentation du taux de participation du secteur industriel dans l'économie nationale. «C'est le grand défi de la décennie à venir», a relevé à cet effet le Premier ministre qui a rappelé la nécessité d'assurer «une redynamisation des grands projets industriels structurants qui permettent de développer les investissements et de dynamiser les différentes branches industrielles et les PME tout en développant la sous-traitance». De même que l'on parle encore de facilitations pour l'obtention du foncier avec la réalisation de 49 parcs industriels alors que ce programme avance lentement. Le Premier ministre a précisé, sur la même lancée, que les investissements publics seront destinés aux industries basées sur les ressources naturelles avec des projets évalués à 400 milliards de dinars, dont 45 milliards de dinars destinés au Sud. Les grands groupes industriels et les PME seront, pour leur part, soutenus via l'Agence nationale de développement de la PME (ANDPME). Il va sans dire que le gouvernement compte également sur l'incitation des entreprises privées au partenariat avec le public ou avec des étrangers ainsi que sur le développement de la sous-traitance. Des appels ont été lancés dans ce sens mais les échos enregistrés jusque-là sont insignifiants. Même constat pour les appels à la réduction des importations. L'administration, pointée du doigt Des points qui rappellent dans l'ensemble le contenu de l'instruction adressée aux membres du gouvernement, il y a près d'une année, et qui devait entrer en vigueur au début de l'année en cours. Des questions qui ne cessent surtout d'être mises en exergue au cours de ces dernières années sans que les résultats ne se concrétisent. Quelles garanties à donner au discours invoquant la levée des contraintes bureaucratiques, à l'heure où le gouvernement est attendu essentiellement sur la concrétisation de ses annonces et ses projets ? Car, dans de nombreux cas, on relève des entraves à l'investissement (essentiellement des difficultés d'accès au foncier et aux crédits bancaires). En plus de la redéfinition des missions de l'ANDI, le ministère de l'Industrie et des Mines a mis en place, il y a de cela quelques jours, une commission chargée d'examiner le recours des investisseurs s'estimant lésés. Et ce, dans le but d'ouvrir aux opérateurs une porte pour défendre leurs projets rejetés par l'administration, considérés comme le principal facteur de blocage dans une économie qui cherche à se construire sur la base de la rente pétrolière et gazière sans apporter les modifications nécessaires en termes de gestion et de management à tous les niveaux. De l'avis de nombreux experts, c'est sur ces questions que devraient se jouer les réformes. «Sur le terrain, le pouvoir discrétionnaire de l'administration semble sans limites, les règles sont incohérentes, inadaptées, interchangeables», estime à ce sujet le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE). «Si un jour, le Premier ministre ou le président de la République décident réellement de résoudre la question d'accès au foncier industriel, ou celle de l'accès aux financements bancaires, les administrations s'aligneront et les incitations se mettront en place», a noté pour sa part Najy Benhassine, membre du comité de pilotage du think tank Nabni. C'est dire que la volonté politique n'y est pas vraiment à même d'amorcer la réforme de l'administration.