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«Cette région a toujours été un vivier d'élites»
Bachir Sadoun. P/APC de Guenzet
Publié dans El Watan le 19 - 08 - 2014

Bachir Sadoun, 67 ans, est le P/APC (FLN) de Guenzet. Homme d'expérience, il a fait une longue carrière dans l'éducation puis dans l'administration. D'abord enseignant à Guenzet et Béni Ouartilène, il devient inspecteur de l'enseignement primaire (Bougaâ et Aïn Arnet) puis chef de service à l'académie de Sétif.
De 1993 à 2011, il est, tour à tour, chef de daïra de Tazmalt, Bordj Ghédir et de Béni-Douala. Bachir Sadoun revient forcément sur l'histoire de la région et l'engagement nationaliste des Ath Yala. «La région des Beni Yala a donné plus de 1200 martyrs dont 500 uniquement entre Guenzet et Harbil», dit-il avant de lancer : «Nous avons réalisé un Etat de droit dans la montagne (les maquis de l'ALN, ndlr) et nous n'arrivons pas à le faire dans l'urbain, dans l'aisance.» Parlant géographie, Bachir Sadoun rappelle que son fief fait partie des 40 communes de montagne relevant de la wilaya de Sétif (sur 60). 22 villages sont rattachés à la «baladiya» de Guenzet. Sa population s'élève aujourd'hui à 4000 habitants.
La commune a été saignée par des vagues d'exode successives, les premières ayant commencé dans les années 1920. «En 1954, Guenzet avoisinait les 30 000 habitants. A l'époque, il y avait une école de filles à Guenzet, un grand marché hebdomadaire, un infirmier major. Les marchés et les routes étaient bondés, les gens ne se connaissaient pas tellement, ça grouillait de monde, alors qu'aujourd'hui on se connaît tous.» Bachir Sadoun souligne que «la région a toujours été un vivier d'élites : intellectuels, normaliens, cadres, instituteurs.» Il précise dans la foulée que Guenzet «n'a pas donné d'élite militaire, mais plutôt une élite civile. Vous savez, en Kabylie, les gens ont toujours eu un problème avec la casquette.
Guenzet a surtout donné des gestionnaires, des ministres…». Une élite qui, dit-il, a su marier culture traditionnelle incarnée par les médersas ainsi que les zaouïas, dont celle de Jamaa Oukari, fondée par le Cheikh M'hand Oukari au XVIIe siècle, et un savoir moderne. Interrogé sur l'apport des hauts fonctionnaires issus de la région, M. Sadoun rétorque : «Cela ne nous a pas servis.» Et de renchérir : «Nos élites n'ont pas fait comme Bélaïd Abdesselam qui a favorisé Aïn El Kebira (sa ville natale, ndlr) ou bien Zougar qui a aidé El Eulma. Je trouve que c'est une qualité. Je suis contre l'idée de prendre les richesses d'Alger et les offrir à Guenzet.» «Notre élite a baigné dans un esprit de fraternité qui dépasse les carcans régionalistes. On disait : ‘‘L'Etoile Nord-africaine. C'est une élite qui a tété le Mouvement national''.»
Le volume démographique de la commune est allé décrescendo avec les années, entre émigration vers la France et départs massifs vers les grands centres urbains. «Au début des années 1980, au moment où l'Etat a commencé à céder le foncier, beaucoup ont acheté des lots de terrain à la périphérie d'Alger», affirme M. Sadoun. L'exode s'est de nouveau accéléré durant les années 1990. «C'est surtout la commune de Harbil qui a été le plus touchée par le terrorisme», précise le maire. «Le terrorisme a fait que même ceux qui ne voulaient pas quitter la région sont partis.
Il y a eu un exode depuis les petits villages vers le chef-lieu, et de Guenzet vers Alger surtout.» Quid du retour des exilés ? «Une fois qu'ils ont refait leur vie, c'est difficile. Maintenant, il s'agit de stopper l'hémorragie de l'exode et faire en sorte que nos jeunes ne partent pas», assure le P/APC. Les pensions des retraités qui ont travaillé en France demeurent l'une des principales sources de revenus pour de nombreuses familles. «C'est la dernière vague de retraités», prévient le maire. «Ils ont tous plus de 70 ans. Quand les vieilles (épouses de retraités) mourront, il n'y aura plus d'euros.»
Stopper l'hémorragie démographique
Le plan du maire pour stopper, justement, cette «hémorragie démographique» et sédentariser la population est de miser sur le développement. Passant en revue les projets en cours, on apprend que 2700 foyers sont en attente de gaz de ville. «Les études ont été achevées. On attend l'appel d'offres», indique M. Sadoune. En matière de logement, l'aide à l'habitat rural est la formule la plus adaptée au relief de la région. «130 quotas nous ont été attribués», dit notre interlocuteur.
Concernant le budget municipal, la commune ne peut compter sur les recettes fiscales. Elle a néanmoins bénéficié d'un budget de 40 milliards de centimes dont un peu plus de 15 milliards ont été dépensés (jusqu'à avril dernier). Beaucoup reste à réaliser. Au programme, notamment, un CFPA, un centre de santé à réaménager en polyclinique, avec un service maternité à la clé.
Egalement un stade aux normes olympiques. Côté assainissement, «il nous reste 1 à 2% de foyers à assainir», dit le maire. Pour ce qui est du raccordement au réseau d'eau potable, Bachir Sadoun explique : «Nous n'avons pas de nappes phréatiques, du coup l'eau disparaît dans la nature. Par temps de sécheresse, en six mois, on est à sec. Il n'existe aucune solution localement.» Guenzet sera alimentée par le barrage de Tichy Haf, situé dans la commune de
Bouhamza (Béjaïa). Un projet pilote qui couvre 26 communes réparties sur trois wilayas. Evoquant l'état des pistes vicinales desservant les petits villages, le maire nous informe qu'il y a 60 km de pistes agricoles, cédées par les services des forêts, et dont l'entretien incombe à l'APC. «Il y a des pistes montagneuses qui sont à l'état d'abandon, à l'instar de celle menant vers Tizi Mejeber. L'entrepreneur qui devait s'en charger est malheureusement décédé. Mais les travaux vont reprendre», rassure le P/APC. Fort de sa longue expérience en qualité de chef de daïra, M. Sadoun estime que «la daïra n'existe pas juridiquement.
C'est donc un pouvoir arbitraire.» Il déplore, au passage, la diminution des prérogatives des maires face à ceux des walis et des chefs de daïra. «Même un ministre ne peut pas commander devant un wali !» martèle-t-il. «On traite les maires comme des mineurs ou des délinquants alors que la majorité d'entre eux ont fait des études supérieures. Il faut que l'autorité supérieure écoute la petite autorité», plaide-t-il.


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