Les travailleurs non permanents spécialisés notamment dans la conduite des treuils, employés pour le chargement et le déchargement des cargaisons, au niveau du port de Béjaïa, s'estiment lésés par l'administration. C'est par leur position stratégique dans la chaîne de manutention qu'ils veulent peser dans le mouvement de protestation qu'ils ont déclenché depuis quelques mois et qui les a conduits, depuis, à un arrêt de travail. Pour pallier la vacance de leurs postes, une vingtaine d'ouvriers de manutention (OM) a été formée pour s'ajouter aux contremaîtres, d'anciens OMS permanents aujourd'hui promus, auxquels l'on a fait appel. Le litige trouve origine, en fait, dans leur statut d'ouvriers journaliers qui, estiment-ils, les maintient dans une situation de précarité professionnelle qui perdure. Il a abouti à une plainte introduite au niveau de l'inspection du travail, soldée par un PV de non-réconciliation, avant que les protestataires ne s'en remettent à la justice. Ces ouvriers spécialisés (OMS), qui se disent engagés pour un avenir incertain, semblent avoir tempéré leur inquiétude jusqu'à cette date fatidique de l'année 2003. Un accident tragique a eu lieu lorsqu'un fardeau de bois s'est détaché d'un treuil pour faire, dans sa chute, une victime. Un journalier. L'affaire ayant atterri au tribunal a abouti à la condamnation du treuilliste en poste, un autre journalier, à de la prison avec sursis et une amende, selon ses collègues qui semblent avoir pris subitement la mesure de la fragilité de leur statut de journalier. "Depuis le 26 mars 2006, nous avons demandé à la direction de régler notre situation par des contrats et décisions valables ", déclarent-ils au nom de 71 ouvriers treuillistes qui réclament la régularisation de leur situation professionnelle. Leurs revendications se rattachent, en définitive, à une permanisation ou, à défaut, une contractualisation qui puisse les sécuriser et qui devra entraîner l'alignement des salaires sur ceux des OMS permanents, l'attribution de certaines primes, le droit à la promotion interne, au congé annuel… En d'autres termes, on réclame d'être mis sur un pied d'égalité que les OMS permanents. « plus de 20 ans en qualité de journalier » Mieux encore, d'appliquer les mêmes conditions que leurs collègues de certains ports du pays puisque, soulignent-ils, les textes interdisent de mettre des OMS journaliers sur les cargos. " Ou c'est des contractuels ou c'est des permanents ", expliquent-ils en s'estimant, au passage, avoir le droit d'être représentés dans le syndicat comme pour leurs confrères du port d'Alger dont la problématique a provoqué dernièrement une demi-journée de grève sous la bannière du syndicat qui a parlé de " travailleurs occupant des postes permanents ". Les journaliers de l'EPB font siennes les revendications de leurs confrères d'Alger qui ne demandent rien plus que l'application des dispositifs de la loi 90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail modifiées et complétées par l'ordonnance 96-21 du 9 juillet 1996. On s'en tient notamment aux articles 12 et 12 bis qui stipulent que " le contrat de travail à durée déterminée (CDD) devient un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) lorsque le travail exercé est une activité sans interruption et non limitée dans le temps ". À Béjaïa, on n'en est pas encore aux CDI. " Comment peut-on rester toute sa vie travailleur journalier ? " s'interrogent des treuillistes dont certains font valoir une ancienneté " de plus de vingt ans en qualité de journaliers ". Les contrats qu'ils disent avoir signés en 1998 " sont reconduits tacitement sans disposer d'aucune copie ". Pour le secrétaire général de la section locale du syndicat nationale des ports (UGTA), M. Ouakouche Tahar, la grève n'est pas sans incidence négative sur le travail au port. Le " bon tonnage " réalisé globalement est rendu possible par le recours aux suceuses, entre autres machines de manutention qui suppléent les treuils. Le nouveau statut type du journalier qui serait en cours d'élaboration permet l'espoir de voir le problème de ces OMS solutionné avec l'établissement possible de CDD. Un statut qui devra aussi leur permettre une représentation syndicale. Depuis, un peu plus d'une année, l'entreprise portuaire a enregistré 120 départs en retraite. 80 % sont des ouvriers de la manutention, selon M. Ouakouche et leur remplacement se fait toujours par des journaliers.