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«Al Qaîda a vécu comme matrice historique et va céder la place à l'Etat islamique»
Jean-Pierre Filiu. Professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po Paris
Publié dans El Watan le 26 - 08 - 2014

Pour le spécialiste de l'islam contemporain et du djihadisme, Jean-Pierre Filiu, qui scrute le monde arabe depuis de longues années, la crainte de l'Etat islamique en Irak et au Levant est «moins une extension de l'EI Maghreb que le retour des volontaires ‘aguerris' et fanatisés dans leur pays d'origine». Il estime également que «la vague contre-révolutionnaire a fait le lit des djihadistes et que l'EI risque fort de surpasser Al Qaîda en horreur».
- «L'Etat islamique en Irak et au Levant» apparaît subitement comme une force qui a porté des coups durs à l'armée irakienne et fait régner la terreur dans la région. D'où est sortie cette organisation ? Qu'a-t-elle de différent par rapport à Al Qaîda ?
C'est une étrange forme d'aveuglement collectif qui a empêché de prendre en compte la menace de «l'Etat islamique» (EI), établi dès 2006 à partir de la branche irakienne d'Al Qaîda. Cette branche irakienne a rapidement pris son autonomie par rapport à la direction centrale d'Al Qaîda, surtout après qu'Abou Bakr Al Baghdadi en eut assumé le contrôle en 2010.
A la mort de Ben Laden, en 2011, Al Baghdadi a refusé de prêter allégeance à son successeur, l'Egyptien Ayman Al Zawahiri. Il va encore plus loin, deux ans plus tard, en annonçant l'établissement d'un «Etat islamique en Irak et au Levant», affichant sa volonté expansionniste hors de l'Irak. Cette volonté est paradoxalement encore plus forte avec l'intitulé simple «Etat islamique», repris en juin dernier, dans une volonté symbolique d'abolition de toutes les frontières existantes.
- Que sait-on sur le chef de cette organisation, Al Baghdadi ? Quel est son parcours ?
On sait relativement peu de choses sur Abou Bakr Al Baghdadi, qui entretenait un sourcilleux anonymat avant de s'autoproclamer «calife Ibrahim», le premier jour de Ramadhan à Mossoul. Il a un bagage religieux modique, mais qui tranche avec l'inculture crasse des cadres djihadistes. Il a été incarcéré, puis libéré par les autorités américaines d'occupation dans des conditions pour le moins obscures. Ce qui est certain, c'est qu'il gère, depuis 2010, son organisation de manière impitoyable, avec de nombreuses purges sanglantes. On sait aussi qu'il est assisté d'anciens responsables des services de renseignement de Saddam Hussein, reconvertis dans le djihadisme.
- L'EIIL va-t-il supplanter Al Qaîda en ralliant ses branches dans les autres pays où subsiste la nébuleuse de Aymen Al Zawahiri ?
Zawahiri n'a plus qu'une autorité formelle sur les différentes branches d'Al Qaîda. Les débats sont vifs au sein de la branche yéménite, Al Qaîda pour la péninsule Arabique (AQPA).
Quant à AQMI, elle se prononcera non par rapport à Al Zawahiri, mais par rapport à Belmokhtar, c'est-à-dire que Droukdel adoptera la position contraire à celle de son rival et dissident Belmokhtar : Al Zawahiri si Belmokhtar choisit Baghdadi, sinon le contraire. Les djihadistes égyptiens et libyens penchent d'ores et déjà en faveur de Baghdadi. De toute façon, Al Qaîda a vécu comme matrice historique et va céder la place à l'Etat islamique.
- L'Irak est le théâtre opérationnel de l'EIIL. Se dirige-t-on vers une guerre «sunnites-chiites» qui exposerait ce pays au risque de dislocation ?
C'est plutôt l'Etat islamique qui est le fruit de la dislocation du pays, du fait de huit ans d'occupation américaine et de huit ans de politique sectaire de Nouri Al Maliki, Premier ministre jusqu'à tout récemment. Pour conforter son pouvoir sur la majorité chiite du pays, Al Maliki a complètement exclu les sunnites, même les plus modérés.
C'est pourquoi l'armée gouvernementale a abandonné Mossoul pratiquement sans combattre en juin dernier. Au contraire, le sursaut national contre l'Etat islamique peut amener chiites, sunnites et Kurdes à coopérer ensemble au nom de l'Irak contre l'EI, leur ennemi commun.
- En libérant les détenus djihadistes pour briser la révolution pacifique, Bachar Al Assad n'a-t-il pas «contribué» à renforcer l'organisation d'Al Baghdadi ?
Dès mars 2011, alors même que la contestation était purement pacifique en Syrie, Bachar Al Assad affirmait que son régime faisait face à une offensive d'Al Qaîda. C'est pour nourrir cette propagande qu'il a effectivement libéré des détenus djihadistes, tandis qu'une répression sauvage s'abattait sur les protestataires non violents. Cette tactique du «diviser pour régner» s'est révélée tragiquement efficace, puisque les djihadistes ont été les pires ennemis des révolutionnaires.
A Alep, par exemple, la coalition révolutionnaire se bat sur deux fronts, contre les djihadistes, qu'elle a expulsés en janvier dernier, et contre l'armée d'Al Assad alliée avec le Hezbollah libanais. Ce n'est que très récemment qu'Assad a ordonné des bombardements contre l'EI, afin d'éviter d'être trop clairement associé à Al Baghdadi.
- Y a-t-il des raisons de s'inquiéter de l'extension de cette organisation vers la région du Maghreb au regard de l'instabilité de pays comme la Libye et le Mali ?
On a toutes les raisons, malheureusement, de s'inquiéter de la volonté expansionniste de l'Etat islamique. Abou Bakr Al Baghdadi compte déjà dans ses rangs des milliers de «volontaires» étrangers, dont des centaines de Tunisiens et de Libyens. Mais c'est d'abord au Moyen-Orient que l'Etat islamique veut s'implanter, avec d'ores et déjà un tiers de l'Irak et un tiers de la Syrie sous sa coupe.
A la différence du GIA, dont l'Algérie a fait l'expérience tragique durant la «décennie noire» des années 1990, l'Etat islamique est une organisation centralisée et hiérarchisée à l'extrême, qui ne tolère aucune dissidence. C'est pourquoi je crains moins au Maghreb une extension de l'EI que le retour des «volontaires» aguerris et fanatisés dans leur pays d'origine.
- L'intervention militaire étrangère (USA), qui bombardent les positions de l'EIIL, est-elle la solution idoine ou l'anéantissement de cette organisation apocalyptique nécessiterait d'autres solutions ?
Les Etats-Unis ont réagi très tardivement à l'émergence d'un défi pourtant fort prévisible et, sans l'effondrement récent de la défense kurde, ils n'auraient sans doute pas mené les bombardements, somme toute limités de ces derniers jours. Le volet militaire visant à «contenir» l'avancée djihadiste et donc à protéger les populations directement vulnérables, ne peut être qu'une partie d'une mobilisation internationale contre une authentique menace à la paix mondiale.
Moscou et Washington ont tout intérêt à mettre de côté leurs différends actuels pour coopérer au traitement de la menace djihadiste. François Hollande vient justement de proposer de réunir à Paris une conférence internationale dédiée à une approche globale de cette menace.
- Trois ans après les insurrections qu'ont connues certains pays arabes, la région peine à retrouver une stabilité politique. Comment est la carte géopolitique du monde arabe d'aujourd'hui ?
L'extrême violence de la contre-révolution arabe, notamment en Syrie, a largement enterré les espoirs suscités par les «printemps» de 2011, à l'exception notable de la Tunisie. On voit bien cependant que cette vague contre-révolutionnaire a fait le lit des djihadistes et que l'Etat islamique risque fort de surpasser Al Qaîda en horreur. La retombée la moins attendue des bouleversements de ces dernières années est la polarisation dans le Golfe entre l'Arabie Saoudite et les Emirats, d'une part, et le Qatar, d'autre part. La crise en cours à Ghaza en est une nouvelle illustration, avec le soutien sans faille apporté par Riyad et Abou Dhabi au maréchal Al Sissi, tandis que Doha reste le plus solide allié du Hamas.


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